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Jean-Louis Thillier / Mouton fou, contaminations et risques cachés aux consommateurs

Coup de tonnerre dans le dossier du mouton fou

Pour le grand public comme pour les principaux médias, l’affaire de la vache folle est définitivement close. D’ailleurs, on préfère l’oublier, tant elle a été traumatisante. « Plus aucun journaliste ne se risquerait à proposer un sujet lié aux maladies à prion », estime aujourd’hui Jean-Claude Jaillette, rédacteur en chef à Marianne.

Ils ont tort, rétorque le Dr Jean-Louis Thillier, l’un des rares experts à avoir consacré plus de 35 années à ces maladies bien particulières. À ce titre, il est régulièrement consulté pour son expertise dans le cadre de différentes instructions judiciaires. Iconoclaste dans sa méthode, le Dr Thillier connaît en effet la moindre publication sur ce sujet, y compris « celles que le temps aurait pu faire oublier ». Aidé par de puissants outils informatiques, il brasse et compile des centaines de publications scientifiques, les organise et les trie afin de pouvoir émettre ensuite ses propres hypothèses. Quitte à bousculer quelques dogmes bien établis.

Publié aux Éditions Traditions Terroirs et Ruralité, son nouvel ouvrage, Le mouton fou, contamination et risques cachés aux consommateurs, consigne toutes les connaissances scientifiques qu’il a acquises et dé- cryptées depuis des décennies sur ce sujet. « Ce “guide pratique“ de 448 pages est un véritable coup de tonnerre dans un univers endormi », avertit Jean-Claude Jaillette, l’un des auteurs de la préface.

Les facteurs environnementaux

L’auteur met solidement en évidence l’influence des facteurs environnementaux sur la transmission de la tremblante chez les ovins et les caprins. Il révèle notamment comment des prairies peuvent être sources de contamination durant au moins deux décennies, le prion, indestructible, résistant aux méthodes habituelles de décontamination. Études à l’appui, le Dr Thillier démontre comment l’empoisonnement des parcages peut être généré par des brebis génétiquement sensibles qui, au cours de la période d’incubation de la tremblante, accumulent des quantités massives de la protéine prion toxique dans leur placenta et leur liquide amniotique, mais aussi dans leurs urines, leurs matières fécales et leur salive. Enfin, les engrais organiques agricoles non stérilisés représentent une source de contamination certaine dans la mesure où ils sont composés de carcasses d’ovins malades, estime l’expert.

Tous les organes contaminés

L’auteur apporte ensuite un faisceau de preuves démontrant qu’en ce qui concerne les ovins, l’ensemble des organes et les muscles sont rapidement contaminés par le prion-poison, et ce même en l’absence de symptômes visibles. Or, aucun test de dépistage n’a été mis en place avant l’abattage, donc avant le passage dans la chaîne alimentaire. Alors qu’il dirigeait l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments en 2002, Martin Hirsch avait pourtant déjà recommandé de « donner un tour de vis supplémentaire pour être aussi rigoureux sur les ovins et les caprins que nous l’avions été sur les bovins ».Toutefois,ses recommandations n’ont pas été suivies par les responsables politiques

Deux ans plus tard, le Dr Jean-Philippe Deslys, coordinateur du service d’étude des prions et des infections atypiques au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de Fontenay-aux-Roses, a pourtant confirmé les craintes de Martin Hirsch, estimant probable que la tremblante du mouton soit la source de certains des cas observés chez des patients atteints de la maladie de Creutzfeld-Jakob (cf. l’entretien accordé dans Le Nouvel Observateur du 20 mai 2004).

Dix ans plus tard, les résultats des expériences sur des souris transgéniques humanisées réalisées par l’équipe du Pr Andreoletti, de l’École nationale vétérinaire de Toulouse, ont apporté un élément supplémentaire à la thèse de la transmission possible du mouton à l’homme. En effet, l’équipe a pu démontrer que l’agent de la tremblante du mouton induit une maladie en tout point similaire à celle causée par les prions responsables de certaines formes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique chez l’homme. « La transmission des prions de la tremblante classique est donc devenue haute- ment probable », estime aujourd’hui le Pr Gilbert Mouthon, professeur agrégé des écoles vétérinaires, qui regrette le manque de mesures de précaution prises depuis plusieurs décennies dans ce dossier.

Les pouvoirs publics ont en effet privilégié une autre politique, à savoir le remplacement des moutons génétiquement sensibles à la tremblante classique par des moutons ayant un génotype résistant (ARR/ ARR). Ce programme initié en 2001 porte le nom de Programme national d’amélioration génétique pour la résistance à la tremblante (PNARGT).

À la lecture de l’ouvrage, on apprend cependant qu’en sélectionnant génétiquement les ovins contre la sensibilité à la tremblante classique, on a favorisé la sensibilité des ovins à d’autres tremblantes, peut-être plus toxiques pour le consommateur, en particulier la tremblante atypique.

C’est pour remédier à ces lacunes que l’expert conclut en donnant quelques préconisations imposées par la prudence. Il recommande notamment des tests spécifiques et obligatoires de tous les ovins et caprins à l’abattoir dès l’âge de deux mois.

Mouton Fou, contaminations et risques cachés aux consommateurs
Auteurs / Dr Jean-Louis Thillier avec la collaboration du Dr Alain de Peretti della Rocca
Préface / Jean-Claude Jaillet, rédacteur en chef de Marianne
Gilbert Mouthon, Professeur agrégé des Ecoles Vétérinaires et expert agrée par la cour de Cassation

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