L’Antimondialisation, aspects méconnus d’une nébuleuse, est le quatrième livre de Jean Jacob sur l’écologie politique. C’est dire à quel point ce thème représente une passion pour le chercheur de l’Université de Perpignan ! « J’ai été amené à m’intéresser à cette question suite à certaines positions équivoques d’Antoine Waechter lors de la campagne présidentielle de 1988 », explique-t-il. A cette époque, Jean Jacob découvre qu’une « nébuleuse d’associations » se situe aux confins de la contestation altermondialiste et de l’écologie radicale, et qu’elle reprend à son compte un discours franchement réactionnaire.
« C’est l’un des grands paradoxes de ce nouveau siècle. Alors qu’on pensait en avoir fini naguère des nostalgies contre-révolutionnaires, définitivement plongées dans la naphtaline ou vouées à la pensée rongeuse des souris, on voit aujourd’hui réapparaître de curieuses théories. Celles-ci nous expliquent sur le mode de l’évidence que, indubitablement, la modernité a failli et que, décidément, nous n’en avons pas totalement fini avec le passé. » Car quoi qu’en pensent les militants qui animent l’opposition radicale à la mondialisation de l’économie – souvent de sensibilité de gauche -, c’est bien au plus profond de la réflexion conservatrice que les principaux dirigeants de leur mouvement puisent leur rejet de la société moderne.
Dans L’Antimondialisation, Jean Jacob décortique les principaux écrits anglo-saxons qui servent de référence à cette nouvelle « Internationale contre la mondialisation ». Sans nullement contester l’« armature théorique solide » des auteurs cités, il souligne l’importance de mesurer correctement leur combat à l’aune d’une vision spirituelle bien particulière, qui réhabilite les sociétés primitives. De nombreux théoriciens de l’altermondialisme, cités par Jean Jacob, affirment en effet que « les sociétés tribales vivaient en harmonie avec la nature », contrairement à la société moderne, « détachée de cet ordre naturel ». Cette « mise en lumière de la dimension spirituelle et/ou conservatrice de l’antimondialisation suscite la fureur de certains acteurs engagés dans cette nébuleuse », précise le chercheur de Perpignan.
La seconde partie du livre, consacrée aux « ramifications avérées en France » de l’altermondialisme anglo-saxon, conduit le lecteur à découvrir le rôle souvent sous-estimé d’une petite association, Ecoropa, « née à l’initiative d’une trentaine de personnalités, parmi lesquelles de nombreux écologistes […], mais aussi de nombreuses personnalités s’intéressant tout à la fois à la protection de l’environnement et à la théologie ». On y retrouve l’influence des frères Goldsmith – occasion pour l’auteur d’analyser le rôle en France de la revue L’Ecologiste. De fil en aiguille, Jean Jacob braque son projecteur sur le noyau marginal des activistes de la Décroissance, « une mouvance antidéveloppement » qui, bien qu’encore récemment « cantonnée dans les cercles étroits de quelques spécialistes », connaît aujourd’hui une nouvelle jeunesse grâce à la contestation de la société de consommation. Pierre Rabhi, l’un de ses porte-parole, en assure le volet agricole. Dans Recours à la terre, l’agronome prône une « nouvelle forme d’agroécologie », de type « spirituel ».