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OGM : à quoi sert l’argent des contribuables ?

Grâce à une subvention d’environ 75 000 euros accordée en juin 2006 par le conseil régional de Rhône-Alpes, l’association anti-OGM Rés’OGM a pu entre autres adresser courant avril aux quelque 40 000 agriculteurs de la région une brochure censée les informer sur les OGM. Or, au regard de son contenu, on est en droit de se demander si l’argent du contribuable a été judicieusement utilisé.

Ce n’est en tout cas pas l’avis d’un groupe de chercheurs, qui a dénoncé dans un document de synthèse daté du 15 mai dernier ce qu’il caractérise comme « de la désinformation ». Marcel Kuntz, directeur de recherches au CNRS et auteur de cette synthèse, estime en effet dans un communiqué de presse du 18 mai que la diffusion de ce document anti-OGM « contribue malheureusement à entretenir une confrontation stérile préjudiciable à la recherche et à l’agriculture ». Il est vrai que cette brochure contient des inexactitudes flagrantes, qui démontrent soit l’incompétence de ses auteurs, soit leur parti pris.

La brochure affirme ainsi que « les pesticides favorisent les attaques des plantes par des champignons pathogènes. Ex. Fusarium. » Or, explique le chercheur du CNRS, « des données concordantes montrent au contraire une plus faible contamination des maïs OGM de type Bt par les mycotoxines produites par des champignons comme Fusarium. En effet, ces champignons trouvent moins de portes d’entrée (perforations causées par les larves d’insectes) pour infester les plantes en raison de la protection offerte par les toxines insecticides Bt. » Autre exemple d’affirmation gratuite : « La présence accrue de cette toxine [Bt] a des conséquences sur les animaux qui consomment ces plantes ». Aucun élément de preuve n’est apporté pour étayer cette assertion.

Plus inquiétant, les auteurs de la brochure attribuent à certains scientifiques des propos qu’ils n’ont jamais tenus. Le Pr Marc Fellous, président de la Commission du génie biomoléculaire (CGB), aurait ainsi déclaré que « le maïs peut casser après un coup de tramontane ». Cette information est fausse, a-t-il tenu à rectifier : « Il s’agit d’une grossière erreur dans la transcription de mes propos. C’est le maïs conventionnel qui est détruit après un coup de vent de tramontane. » De même, le Dr Thomas Higgins, chercheur au Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO) – le plus grand organisme de recherche publique d’Australie -, aurait affirmé selon le bulletin, au sujet des risques d’allergies aux petits pois OGM australiens, que « la réaction des souris à la protéine pourrait préfigurer des atteintes à la santé humaine ». « Ce commentaire qui m’est attribué n’est pas correct. Les résultats que nous avons obtenus ne peuvent s’appliquer qu’aux souris. Il faudrait d’autres travaux pour vérifier s’ils s’appliquent également aux humains », a-t-il rétorqué. A ce sujet, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) écrivait dans son rapport de septembre 2006 : « Bien que le petit pois en question ne montre pas de caractère strictement allergène, le développement de cette variété a été stoppé. On peut considérer que ce projet a été conduit selon les règles, voire au delà. » Plus généralement, les scientifiques de l’Afssa estiment qu’« en l’état de [leurs] connaissances, il n’y a pas de raison de penser que les aliments issus d’OGM présentent un risque d’allergie plus important que les autres aliments ». Ce n’est pourtant pas ce qu’on peut lire dans la brochure de Rés’OGM.

Le bulletin mentionne enfin le cas de « rats nourris au soja transgénique » par l’équipe du Pr Malatesta, qui « a publié des résultats exposant les impacts d’une alimentation à base de soja. » D’une part, l’équipe du Pr Malatesta n’a jamais travaillé sur des rats, mais sur des souris (ce qui en dit long sur la légèreté du document), et de l’autre, il a été démontré que les résultats obtenus sont difficilement interprétables, principalement du fait de problèmes intervenus dans les sojas témoins utilisés. C’est d’ailleurs ce qu’avait relevé Gérard Pascal, toxicologue, chargé de mission à l’Inra et membre de la CGB, dans un courrier daté du 27 février 2006 : « Le travail est peut-être bien fait mais ininterprétable : il n’aurait jamais été publié dans des revues de toxicologie et/ou de nutrition. La première chose à faire est de caractériser le matériel avec lequel on travaille ! »

Il est surprenant que la région Rhône-Alpes ait accordé un financement pour la réalisation d’un tel document. N’aurait-il pas été plus sage que les élus du conseil régional s’en tiennent à leur déclaration de principe du 7 novembre 2005, qui stipule que leur objectif est de « permettre de faire progresser la compréhension des enjeux, d’éclairer la connaissance et de favoriser le débat citoyen [en] encourageant l’émergence et la diffusion de l’information sur les connaissances les plus récentes » ? Le conseil régional aura-t-il l’honnêteté de financer un second bulletin pour apporter les correctifs nécessaires ?

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