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La curieuse gestion du “dossier ours”

« Une chose est certaine, c’est que l’on ne réintroduit pas l’ours contre l’avis des acteurs locaux. On l’a oublié dans cette affaire sensible. Il faut recréer la confiance et surtout les partenariats. En ce sens, ce qu’avait organisé l’IPHB est un exemple de ce que pourrait être le départ de nouvelles orientations avant tout repeuplement. »

Michel Barnier, La République des Pyrénées, 19 septembre 2007

«Dans nos sociétés binaires et manichéennes, on aime les choix trop simples : l’ours ou le berger, le loup ou l’agneau », écrit Philippe Deschamps en introduction à un dossier sur l’ours paru dans Montagnes Magazine en août 2006. En France, la cohabitation de l’ours et de l’homme est particulièrement houleuse : depuis 1982, date à laquelle le président Mitterrand s’était engagé à mettre en place un « plan de sauvetage de l’ours », les anti et pro-ours ne cessent en effet de s’opposer. « L’animal est utilisé par les uns et les autres pour faire valoir leurs intérêts », analyse très cyniquement Jean-Jacques Camarra, coordinateur depuis 1984 du Réseau Ours Brun, et co-auteur du livre L’ours des Pyrénées. En Espagne, en Autriche ou en Italie, cette coexistence semble pourtant se dérouler sans grand problème. En dépit de ses efforts pour parvenir à un consensus sur ce dossier sensible, la France fait donc figure d’exception.

Cependant, « toute cette histoire aurait pu s’arrêter en juillet 1990, lorsque Brice Lalonde est venu dans le Béarn pour signer un protocole de prise en charge de l’ours qui avait reçu l’aval de la quasi majorité de la population locale – bergers et chasseurs compris – ainsi que des élus », explique le député Jean Lassalle à la rédaction d’A&E. « Alors que nous étions sur le point de trouver un accord avec Brice Lalonde en 1990, Jean-Pierre Hourdin, PDG de La Maison de Valérie, est venu me rendre visite, chez moi, à Lourdios-Ichère. Il m’a expliqué qu’il avait choisi d’être le mécène de la protection de l’ours, qu’il avait rassemblé plusieurs associations écologistes, lesquelles ont fait pression sur des industries dites polluantes telles que Rhône-Poulenc afin d’obtenir des financements. Il ne restait plus qu’à obtenir la caution scientifique du commandant Cousteau et du Museum d’Histoire naturelle », rappelle Jean Lassalle dans La Dépêche du Midi du 15 avril 2004. Le député poursuit : « Le mécène souhaitait une union avec moi afin de taper sur Lalonde, moyennant quoi il laisserait le Béarn tranquille. Nous étions en négociation avec le ministre… J’ai dit non… La réponse de Hourdin fut : “Vous allez le payer cher” ». Un mois plus tard, le ministre de l’Ecologie et du Développement (MED) Brice Lalonde renonçait à signer le protocole d’accord avec le député. Et il décidait la mise en place de « réserves », provoquant de ce fait un véritable état de guerre civile dans les vallées. Depuis, l’association Artus – créée en 1989 sous l’impulsion de Roland Guichard, responsable du service mécénat de La Maison de Valérie – n’a cessé de tirer à boulets rouges sur Jean Lassalle, le qualifiant tantôt de « fossoyeur de l’ours brun des Pyrénées », tantôt de « massacreur de l’une des plus belles vallées de montagne du monde ».

Un dossier complexe

C’est que la question de l’ours ne concerne pas la survie d’une espèce : elle relève essentiellement du destin de trois vallées. En effet, derrière ce dossier déjà passablement compliqué se cachent d’autres enjeux, comme celui de la création de la ligne à très haute tension d’EDF qui relie le réseau espagnol au réseau français à travers le massif pyrénéen ; celui du tunnel du Somport, avec le réaménagement de la voie rapide RN 134 dans la vallée d’Aspe ; celui de la modernisation et de l’équipement de stations de ski comme celles du col du Somport ou d’Artouste, et celui du développement touristique d’une région qui tente d’enrayer son déclin économique. Mais surtout, il y a le malaise d’une agriculture de montagne en désarroi et d’un monde paysan en déroute, comme le décrit avec passion la chevrière Violaine Bérot [[Dans son livre L’Ours : les raisons de la colère, paru chez Cairn Editon en 2007]], qui a abandonné son métier d’informaticienne pour revenir vivre dans les montagnes.

En réalité, l’affaire de l’ours ne représente rien moins que la question de la maîtrise du destin de toute une région. Un destin que ses habitants veulent pouvoir orienter, et non seulement subir. Certes, officiellement, tout le monde s’accorde à déclarer que rien ne peut se faire sans les habitants des vallées. Même Roland Guichard – devenu par la suite administrateur d’Artus – affirmait le 2 mai 2003 dans un rapport parlementaire : « Il faut aussi respecter le berger et l’éleveur en essayant de trouver une solution à leurs problèmes. Nous sommes prêts à nous asseoir à leurs côtés pour les y aider. » Ce rapport, intitulé Le pastoralisme dans les zones de montagne, est le fruit d’une commission d’enquête parlementaire créée le 5 novembre 2002, qui a entendu « 285 personnes à l’occasion de 65 auditions, 14 tables rondes et de déplacements effectués dans 7 des départements concernés (Alpes de Haute-Provence, Hautes-Alpes, Drôme, Alpes-Maritimes, Isère, Ariège et Pyrénées-Atlantiques) ainsi qu’en Italie. Elle a également entendu tous les ministres de l’Environnement qui se sont succédés depuis 1992. » Or, les conclusions de ce rapport sont sans équivoque : « La commission a constaté que le sentiment, partagé par les éleveurs et les élus locaux, selon lequel les gouvernements ont jusqu’à présent organisé la paralysie de l’action publique, est justifié ». Et lorsque l’action publique a été entreprise, c’est pour mieux écarter les acteurs des vallées, comme l’illustrent la création du parc national des Pyrénées en 1967 (dont le tracé évite curieusement les zones fréquentées par l’ours), le « plan Ours » de 1984 et surtout les fameuses « réserves Lalonde » de 1990, considérées par l’ensemble des valléens comme une trahison de plus, voire une provocation, de la part de l’Etat français.

Fin de la guerre civile

Il a fallu toute l’habileté de Michel Barnier, devenu ministre de l’Environnement en 1993, et d’un conseiller du ministère de l’Agriculture, Henri Ollagnon, professeur à l’Institut national agronomique Paris-Grignon, pour mettre un terme à ce qui était devenu au début des années 1990 « une guerre armée avec des gardes à vue, des emprisonnements, des menaces physiques sur les personnes ; autrement dit un climat délétère », comme le décrit le rapport parlementaire. Alors que jusqu’en 1993, l’Etat décidait seul de ce qui pouvait se faire ou non sur ce territoire, une Charte de développement durable des vallées béarnaises et de la protection de l’ours a été confiée à un syndicat mixte : l’Institution patrimoniale du Haut-Béarn (IPHB). Basée à Oloron-Sainte-Marie (64), cette structure est composée de vingt et une communes, du conseil général des Pyrénées-Atlantiques et du conseil régional d’Aquitaine. Mais ce syndicat ne pouvait prendre une décision qu’à la condition préalable d’avoir recueilli l’avis formel du Conseil de gestion patrimoniale, une grande assemblée réunissant l’essentiel des acteurs de la région, y compris les associations de protection de la nature. Comme l’explique Didier Hervé, directeur de l’IPHB, « à travers ces mécanismes de décision, nous donnons la parole à ceux qui ne l’avaient pas ou plus, c’est-à-dire des bergers, des chasseurs, des associations de protection de la nature, des exploitants forestiers, des représentants des chambres consulaires ». Cet exemple de démocratie locale et participative a été un tel succès que le rapport parlementaire de 2003 a même osé envisager : « Certains ont pu se demander si la réussite de cette expérimentation, hors normes en termes de gestion du territoire, ne constituait pas un exemple à étouffer pour éviter le risque de voir d’autres massifs tenter de gérer leurs problèmes de grande faune de la même façon ». C’est que ce fonctionnement centré sur l’IPHB gênait les associations environnementalistes, qui ne pouvaient ainsi imposer leur vision du développement des vallées. En outre, l’institution du Haut-Béarn limitait considérablement le champ d’action d’un Etat toujours plus centralisateur.

Dès lors, on peut mieux comprendre pourquoi le rapport parlementaire a pointé « l’insuffisante étanchéité entre l’administration et les associations de protection de la nature ». Le texte cite les propos d’Yves Cochet, ministre de l’Ecologie entre juillet 2001 et mai 2002 : « Il fut un temps, mais j’ai essayé d’y mettre bon ordre, où l’on avait tendance à dire “Le ministère de l’Environnement, c’est le ministère des associations d’environnement”. Il y avait même une sorte de cogestion, un peu comme il y a eu une cogestion entre le ministère de l’Agriculture et un certain syndicat agricole. »

Le MED et l’Inspection des finances

Cette « cogestion » a été mise en évidence par l’Inspection générale des finances (IGF) dans un rapport d’enquête de 2003. L’IGF y démontre comment le MED est devenu une manne financière pas vraiment transparente pour les associations écologistes. Selon ce rapport, les montants accordés aux « associations partenaires », qui s’élevaient à 168 millions de francs en 2000, ont progressé de plus de 40% en un an, pour atteindre plus de 240 MF ! Parmi les dix associations ayant perçu le plus de subventions du ministère, on retrouve le comité français de l’UICN [[International Union for the Protection of Nature. Voir à ce sujet l’article d’A&E N°50, [Le WWF, une multinationale verte de notables->
/LE-WWF-une-multinationale-verte-de.html target= »_blanck »]
]], qui a touché en 2001 plus d’un million de francs, alors que « ni les bilans ni les comptes de résultat 1999 et 2000 de l’association ne figuraient dans les dossiers présentés à la mission », et que « le Comité est domicilié dans les bureaux du ministère et emploie un unique salarié ». Autre cas dénoncé dans le rapport : celui de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), qui a perçu en 2001 plus de 5.182.000 francs de subventions de l’Etat, alors qu’elle disposait cette année-là « de 22 millions de francs en trésorerie » ! « La situation financière de l’association n’était pas prise en compte dans le calibrage de la subvention de fonctionnement. Ainsi, le montant des subventions de l’administration centrale a triplé entre 2000 et 2002 », poursuit le rapport. Même constat pour France Nature Environnement (FNE), qui possédait en réserve 2 MF en 2000 (dont 1,4 MF en trésorerie), ce qui ne l’a pas empêché de toucher 3,8 MF de subventions. « Cette situation n’est pas prise en compte dans le calibrage de la subvention de fonctionnement accordée à FNE », commente de nouveau le rapport de l’IGF.

En clair, « le ministère de l’Environnement n’a pas été en mesure de produire à la mission les données macro-économiques élémentaires (nombre de structures financées, montant des subventions allouées sur les derniers exercices, typologie des partenaires et cofinancements éventuels, répartition par action, etc.), qui pourtant pourraient l’éclairer dans sa programmation budgétaire et plus généralement sur l’exercice des missions ou sur le coût des actions de ses partenaires associatifs », explique l’Inspection générale des finances. « Le ministère de l’Environnement ne dispose d’aucune visibilité globale et historique des subventions accordées aux différentes associations », conclut le rapport ! Curieusement, ce document a été classé ensuite « Confidentiel », et il n’a fait officiellement l’objet d’aucune suite.

L’incertain destin de l’IPHB

Cette proximité entre le MED et les associations écologistes explique la variation du destin de l’IPHB au fil des années et des différents locataires du ministère. Conduites par Artus (ultérieurement rebaptisée Ferus, dans le but d’inclure entre autres le WWF dans son conseil d’administration), les associations environnementalistes sont devenues le fer de lance du sabotage systématique des actions entreprises par l’IPHB en faveur des bergers, car elles y voyaient un frein à la réintroduction des ours. « Nous sommes à l’origine de cinquante-sept améliorations de cabanes de bergers, trente adductions d’eau, sept aménagements d’accès aux estives, de la mise en service d’un transport muletier de fromage et de ravitaillement, du suivi en qualité de cent dix sources d’eau ainsi que de la plantation de plus de 5.000 arbres fruitiers. Au total, 616 décisions ont été prises par délibération et aucune n’a été contestée par les tribunaux administratifs », rappelle Didier Hervé. Toutes ces réalisations ont pourtant fait l’objet d’une critique constante de la part d’Artus, qui s’appuyait systématiquement pour ce faire sur une expertise réalisée par le coprésident de l’UICN, Christopher Servheen. Remise le 10 février 1993 au ministère de l’Environnement français, cette expertise préconisait ni plus ni moins l’arrêt de la modernisation des montagnes : « Il ne faudrait plus construire de nouvelles routes, il faudrait fermer pour de bon aux véhicules motorisés les routes existant déjà et ne reliant pas d’agglomérations permanentes. […] Il serait nécessaire d’abandonner les maisons isolées et autres structures semblables (cabanes de bergers) et de les supprimer des habitats de l’ours. » Politique totalement inacceptable aux yeux des bergers, pour qui la modernisation de l’outil de travail est une condition impérieuse à toute réintroduction réussie d’ours dans le massif.

Bloquée par la résistance de l’IPHB, Artus a jeté son dévolu, à partir de 1996, sur les Pyrénées centrales, où l’opposition des bergers est moins bien organisée. Cette tactique a été couronnée de succès, avec la réintroduction forcée par l’Etat d’ours d’origine slovène en 1996. Le rapport parlementaire de 2003 souligne que cette décision a été prise « sans qu’une réflexion n’ait été menée sur les conséquences prévisibles d’un tel lâcher, en particulier vis-à-vis des conditions d’exercice du pastoralisme ». Le rapport poursuit : « A la suite de l’intense lobbying de certaines associations écologistes et de l’accord de quatre communes de Haute-Garonne, des ours slovènes ont été réintroduits [dans les Pyrénées centrales] en 1996 et 1997, sans que la procédure prévue par la Convention de Berne pour les réintroductions ne soit respectée. Ces ours se sont implantés sur des territoires où les éleveurs n’étaient absolument pas préparés à la présence d’un prédateur tel que l’ours, de sorte que celui-ci a provoqué d’importants dégâts à un secteur déjà économiquement et socialement très fragilisé. »

Le lâcher dans les Pyrénées centrales de deux ourses en 1996 et d’un ours supplémentaire en 1997 a provoqué la constitution d’un véritable front de refus. Il a rendu encore plus difficile le travail de l’IPHB, qui avait pourtant réussi à établir un consensus autour de l’introduction de deux autres ourses dans les vallées du Béarn. Corinne Lepage, ministre de l’Environnement en 1996, a reconnu six ans plus tard qu’elle regrettait cette décision. Répondant à la commission d’enquête diligentée par le député Christian Estrosi, elle déclarait : « Je pense que je ne le referais pas, sauf à encourager ceux qui, localement, auraient envie de le faire. Je pense que cela doit être géré au niveau de la région et du département, et non pas imposé par l’Etat. » Un aveu bien tardif ! Le 17 février 2003, la nouvelle ministre de l’Ecologie et du Développement durable, Roselyne Bachelot-Narquin, affirmait quant à elle lors d’un passage à Oloron-Sainte-Marie qu’avec ce lâcher de trois ours, « un pacte de confiance avait été rompu entre les différents acteurs qui ont en charge le développement durable de ces vallées ». Elle déclarait souhaiter désormais « travailler dans la concertation et la transparence, afin d’aboutir si possible à la réconciliation autour de la présence de l’ours ». En clair : remettre l’IPHB sur le devant de la scène.

Pourtant, les associations environnementalistes continuent à mettre en accusation le travail effectué par l’institut d’Oloron, tout en se félicitant du « succès » des réintroductions d’ours dans les Pyrénées centrales. Comme le remarque le président de Ferus, Jean-François Darmstaedter, dans un courrier adressé le 8 avril 2005 au ministre de l’Ecologie Serge Lepeltier, « dans les Pyrénées centrales, les ours sont passés de zéro à une quinzaine, [alors que] le nombre d’ours en Béarn n’a cessé de chuter dramatiquement. […] La démonstration de la supériorité des méthodes inspirées par les chantres de la gestion patrimoniale n’a pas été faite, c’est le moins qu’on puisse dire. » Trois mois auparavant, Serge Lepeltier avait formulé son souhait de lâcher non moins de quinze ours afin de doubler la population à l’horizon 2008. Une déclaration qui semblait désavouer le travail de l’IPHB, et qui rompait le « pacte de confiance » instauré entre madame Bachelot et l’institution du Haut- Béarn à peine deux ans plus tôt. Qu’importe que « la présence de prédateurs [imposée] à des territoires et à des populations qui n’y étaient pas du tout préparés ait créé un très compréhensible sentiment d’injustice et de rejet », comme le souligne le rapport parlementaire ! Serge Lepeltier, suivi de Nelly Olin (son successeur aux commandes du MED) ont fait le forcing pour introduire, dans l’amateurisme le plus total, cinq nouveaux ours slovènes en 2006 (Palouma, Franska, Hvala, Sarousse et Balou).

Face à cette situation, Jean Lassalle n’a pas hésité à utiliser des mots extrêmement forts. « C’est du viol et cela devrait être puni comme tel. Madame Olin doit démissionner. Ses méthodes sont indignes du rôle qui devrait être le sien. On est en face d’une attitude vichyste qui rappelle le régime policier de la pire période », s’insurgeait-il à l’issue d’une réunion du conseil de gestion de l’IPHB, le 2 juin 2006.

La réponse de la ministre ne s’est pas fait attendre. Le 4 août, Nelly Olin annonçait l’arrêt des financements de l’IPHB par l’Etat, et elle intentait un procès en diffamation à l’élu local. Rendu le 18 janvier 2007 par le tribunal de grande instance de Pau, le verdict a débouté la ministre, en la replaçant sévèrement devant ses responsabilités : « Il convient de rappeler que lors du débat politique sur la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées, la ministre n’avait pas hésité à qualifier les opposants au projet “d’ânes”, “d’imbéciles” et même de “lâches”. Qu’ainsi, en déclenchant d’une façon certaine les hostilités par des propos pouvant manquer, pour un ministre de la République, de retenue, il ne saurait être contesté l’exception de bonne foi soulevée par le prévenu » !

Un curieux choix

Madame Olin n’a pas seulement déclenché les hostilités ; elle a aussi agi de façon très maladroite en ce qui concerne le choix des ours. En effet, l’ours pyrénéen – dont la lignée est bel et bien éteinte – appartient à la branche ibérique de l’ours brun, alors que l’ours slovène appartient à sa branche balkanique. « Dire qu’en réintroduisant des ours slovènes dans les Pyrénées on sauve l’ours des Pyrénées est donc un mensonge », souligne Violaine Bérot. En outre, l’ours brun n’est pas du tout une espèce menacée : on estime à 200.000 la population d’ours bruns dans le monde, dont 50.000 en Europe. La Slovénie en regorge, à tel point qu’elle en offre aux pays qui veulent en réintroduire chez eux ! « La Slovénie dispose d’un plan de chasse des ours pour contenir leur expansion. En 2006, il prévoyait la chasse de 100 ours. Une preuve que l’ours slovène n’est pas en voie de disparition », rappelle le journaliste pyrénéen Louis Dollo. Et pour ce qui est de la branche choisie, l’ours de Slovénie représente le pire choix qui soit. C’est en tout cas la conclusion du rapport rédigé en 1998 suite à un voyage d’étude effectué par un collège d’élus, de valléens et de personnalités qualifiées (dont Jean-Jacques Camarra et Gérard Caussimont, le président du Fonds d’intervention écopastoral – groupe ours Pyrénées) en Croatie, Slovénie et Autriche [[c’est aussi celle du rapport de mission du Conseil général des Hautes-Pyrénées du 18 mai 2006, intitulé La réintroduction de l’ours dans les Pyrénées]]. Ce document, remis au MED, stipule que « la consolidation des informations recueillies, la confrontation des modes de gestion des populations d’ours et la volonté exprimée des différents acteurs rencontrés, semblent orienter le choix vers la Croatie ». Il mentionne en outre le fait qu’en Slovénie, « de nombreuses aires d’apports artificiels de nourriture sont aménagées à raison d’une aire [totale] de 6.000 hectares. Elles sont approvisionnées à longueur d’année avec de la viande bovine et des céréales (maïs). » En dépit de ces conclusions sans équivoque, c’est sur la Slovénie que le choix du MED s’est porté. Cherchez l’erreur… sauf à savoir que c’était le choix préconisé par l’association Ferus ! Résultat, les ours introduits ne se sont pas du tout comportés comme prévu. Peu de temps après son lâcher, Balou a pris la direction de la plaine au lieu d’aller flâner dans la montagne : on l’a retrouvé à une trentaine de kilomètres de Toulouse. Palouma est morte suite à un dérochement dans une falaise. Quant à Franska, son cas est ubuesque : âgée de dix-sept ans, et non pas de sept comme l’avaient affirmé les experts français, elle a pris des habitudes qui ont dérouté les prévisions de nos experts ès plantigrades. « Elle boude la montagne et nettoie allègrement la plaine », commente Le Canard Enchaîné, qui note que de surcroît, il n’y a pas l’ombre d’un ourson en vue, alors que c’était pour se reproduire qu’elle avait été introduite en France. Pire, pour son petit plaisir, Franska a étripé brebis à la chaîne sans même les manger, suscitant la fureur des éleveurs de la région, déjà passablement énervés par le plan de réintroduction des ours. Elle a fini par périr le 9 août 2007, percutée par deux voitures, dans un accident qui n’a heureusement pas provoqué de victime humaine, et qui s’est produit sur une quatre voies à 3 km au sud de Lourdes, une ville qui accueille en cette période de l’année quelque 40.000 pèlerins et touristes ! Le cas de Franska n’est pas unique : selon le Plan de restauration et de conservation de l’ours brun dans les Pyrénées françaises 2006-2009, l’un des ours slovènes lâché en 1998 et suivi par radiotélémétrie avait traversé 46 fois la nationale 20 (l’un des axes routiers les plus fréquentés des Pyrénées) entre octobre 1999 et mai 2002 ! Sur les cinq ours réintroduits en 2006, deux sont morts en moins d’un an. Difficile de faire pire…

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