La question de la sécurité alimentaire semblant être au menu du président de la République, il n’aurait pas été inutile que l’Elysée missionne l’un de ses experts agricoles à l’atelier-débat consacré à la production des protéagineux en Europe, qui s’est tenu à Bruxelles le 26 mars 2008. Dans son allocution de clôture, Paul Temple, vice-président du groupe de travail oléagineux-protéagineux du Copa-Cogeca , a en effet rappelé que « l’UE importe plus de 70 % de ses besoins en protéines végétales pour l’approvisionnement de ses secteurs de l’alimentation et des productions animales. Cette grande dépendance des importations de pays tiers, conjuguée à la grande volatilité des cours mondiaux des matières premières agricoles, rend l’UE extrêmement vulnérable. » Une fragilité dont tous les acteurs de la filière animale se méfient comme de la peste depuis 1973, date à laquelle le président américain Richard Nixon avait décrété un embargo sur le soja, dont les conséquences avaient été désastreuses pour les filières animales. C’est d’ailleurs suite à cet épisode malheureux qu’est née la politique européenne des protéines végétales, sacrifiée quelques années plus tard sur l’autel des accords de Blair House.
Alors qu’en 1997, les 15 pays de l’Union européenne produisaient encore près de 5,5 millions de tonnes de protéagineux (pois, féveroles et lupin doux), en 2007, les récoltes étaient estimées à moins de 3 millions de tonnes… pour les 27 pays de l’Union ! Une baisse qui s’explique par le fait que la PAC a diminué son soutien à ces productions, qui souffrent en outre d’un handicap de compétitivité. « Produire plus de protéagineux constitue un véritable enjeu pour l’Europe », estime donc Paul Temple. Or, n’ayant pas bénéficié d’une recherche soutenue, les variétés de protéagineux disponibles ont un rendement largement inférieur à ceux des autres cultures. Pour Marie-Christine Ribera, conseillère politique du Copa-Cogeca, [[Copa-Cogeca : Comité des organisations professionnelles agricoles et Comité général de la coopération agricole de l’Union européenne.]] « l’Europe pourrait cependant réduire sa part d’importation de protéines végétales à 40 %, voire 50 % – au lieu des 70-75 % actuellement –, en utilisant les co-produits végétaux issus de la production de biocarburants, en mobilisant des hectares qui se libèrent du fait des réformes en cours (la réforme de l’OCM sucre implique par exemple une réorientation potentielle de 900.000 hectares), et si les agriculteurs étaient encouragés à inclure davantage de protéagineux dans les rotations ». Paul Temple aurait pu ajouter que 80 à 90 % des protéagineux importés aujourd’hui sont des produits OGM, dont certains ne pourront plus entrer en Europe à partir de septembre 2008. Il s’agit essentiellement du soja Roundup Ready 2, dont les semences sont actuellement en cours de multiplication en dehors de l’UE.
Cette situation embarrasse au premier chef Bruxelles. Car même avec un plan protéagineux ambitieux – et quoi qu’en disent certains syndicats –, l’Europe ne pourra se passer de l’importation du soja OGM qu’au prix d’une forte réduction de son cheptel animal. Or, comme l’indique une étude de l’Institut de l’élevage publiée en octobre 2007, déjà à l’heure actuelle, « l’Europe reste plus menacée par une sous-production en viandes bovines et par une aggravation du déficit en viande ovine que par des excédents ». En 2007, l’UE a importé 4 % de sa consommation de viande bovine – soit 500.000 tonnes – du Brésil, de l’Argentine et de l’Uruguay. Un pourcentage qui pourrait atteindre
les 8 % d’ici à 2015…
L’époque des excédents agricoles européens est donc bien derrière nous. Ce qui n’est pas sans poser problème pour ce qui est de la sécurité de notre approvisionnement agricole…