Lors d’une conférence de presse à Bruxelles le 29 septembre dernier, José Bové a « révélé » l’existence d’un prétendu conflit d’intérêts au sein de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa/Aesa). C’est ce que note Jean Quatremer, correspondant bruxellois pour le quotidien Libération. Selon le journaliste, le « lobby OGM » aurait ainsi « infiltré la tête de la sécurité alimentaire ». Pour preuve, Diana Banati, la présidente de l’Efsa depuis 2006 – par ailleurs une scientifique hongroise reconnue pour son expertise sur les questions d’alimentation – fait partie des instances dirigeantes de la branche européenne de l’International Life Science Institute (ILSI), une association regroupant plus de 400 entreprises, notamment dans l’alimentaire. Ce qui expliquerait que la Commission européenne soit « toujours l’amie des OGM » et que « les instances communautaires écartent systématiquement les objections avancées tant par les scientifiques que les autorités sanitaires nationales ou les associations de défense de l’environnement ». Voilà de bien sévères accusations, à prendre d’autant plus au sérieux qu’elles proviennent d’un journaliste ayant obtenu le prix Louis Weiss du journalisme européen pour son éthique et son engagement européen.
Or, une simple contre-enquête révèle surtout que M. Quatremer – qui n’a certes fait que reprendre les propos de José Bové – fait plutôt preuve d’une ignorance consternante au sujet du processus d’évaluation des OGM et du fonctionnement même de l’Efsa. Comme le relève en effet Hervé Kempf dans le quotidien Le Monde, « le rôle du conseil d’administration est de veiller au bon fonctionnement de l’Autorité », ses membres n’intervenant pas dans le travail scientifique. Autrement dit, Diana Banati n’influence pas plus les conclusions scientifiques de ses experts que ne le faisait à son époque la belge Suzy Reckens, également mise en cause par le lobby anti-OGM. L’ex-coordinatrice du Groupe OGM de l’Efsa avait alors commis le « crime » d’accepter un poste de salariée chez Syngenta après avoir quitté l’agence… Un cas autrement moins grave que celui de Frédéric Jacquemart, élu à la vice-présidence du Comité économique, éthique et social (CEES) du Haut conseil des biotechnologies (HCB), alors qu’il est respectivement président d’Inf’OGM, une association de lobbying anti-OGM, et du Groupe international d’études transdisciplinaires (GIET), payé « pour faire au niveau européen un travail de lobbying sur les OGM ». En outre, M. Quatremer devrait savoir que les experts de l’Efsa agissent en concertation et après consultation de toutes les agences de sécurité sanitaire des 29 pays membres de l’Union européenne. En ce qui concerne les OGM autorisés en Europe, il n’y a pas de différence d’appréciation entre ces nombreuses agences et l’Efsa. La présence ou l’absence de Mme Banati n’y change rien. Alors, pourquoi une telle haine contre l’Efsa ?
Deux raisons expliquent cet acharnement : de manière générale, les très nombreux avis de l’Efsa témoignent du fait que les OGM autorisés ne représentent aucun risque avéré pour la santé et pour l’environnement. Certes, on peut s’opposer aux biotechnologies pour de très nombreuses raisons, qu’elles soient économiques ou éthiques. Toutefois, il reste un fait : depuis plus de 10 ans, le lobby anti-OGM n’a jamais été en mesure de présenter la moindre étude scientifique valable mettant en cause un problème sanitaire ou environnemental suffisamment grave pour justifier une interdiction des OGM. Le « crime » fondamental de l’Efsa est tout simplement de rappeler cette vérité, inaudible pour les anti-OGM. Et de manière plus particulière, la mise en cause de l’Efsa intervient alors que le renouvellement de la licence décennale du MON 810 est dans les tuyaux. Elle devrait avoir lieu d’ici à la fin de l’année 2010, a indiqué la Commission. Or, ce renouvellement met un terme à l’interdiction de culture du MON 810. L’arrêté du 7 février 2008 est sans ambiguïté à ce sujet, puisqu’il stipule que la mise en culture des variétés issues du MON 810 est « interdite sur le territoire national jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande de renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché ». Le gouvernement français devra donc sortir une nouvelle carte de son chapeau s’il veut interdire sa culture en 2011. Ce qui est clairement son intention, si l’on s’en tient aux propos tenus par Bruno Le Maire lors de son voyage à Chicago. Le ministre français a en effet indiqué « ne pas voir la perspective future des produits OGM de manière positive ». L’intervention du très « révolutionnaire » José Bové prépare donc tout simplement le terrain à Nicolas Sarkozy…