AccueilAgriculture bioIntoxication à la farine bio : des contrôles mal effectués ?

Intoxication à la farine bio : des contrôles mal effectués ?

Plus de doute possible : l’intoxication alimentaire qui a envoyé 18 personnes dans les services d’urgence des hôpitaux de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, entre le 21 septembre et le 10 octobre, provient bien de farine de sarrasin bio, contaminée par du datura, une plante sauvage connue pour sa forte teneur en alcaloïdes toxiques. C’est en tout cas ce que conclut l’enquête conduite par l’Agence régionale de santé (ARS), qui a mis en garde plus d’une centaine de points de ventes bio, dont notamment deux sections de la Confédération paysanne. Toutes ont été sommées de retirer divers pains et galettes bio. La source commune des ces intoxications a également été identifiée : Le Moulin Bio Pichard, dernier moulin entièrement bio des Alpes de Haute-Provence. Sur son site, son patron, Stéphane Pichard, affiche avec fierté qu’aucune de ses farines ne reçoit de traitement pesticide ou insecticide, et qu’il choisit de travailler avec des producteurs céréaliers régionaux. « Les céréales viennent donc des départements voisins », indique Stéphane Pichard. Sauf que, manque de bol, ne pouvant pas être approvisionné par ses producteurs locaux habituels, le patron du Moulin Pichard s’est fait livrer 4 tonnes de son sarrasin bio de… Bretagne. Bref, le sarrasin contaminé a plutôt traversé la France.

Ce n’est pas la première alerte au sarrasin bio contaminé par du datura. Lors du 18ème Congrès annuel de la Société française de toxicologie, qui s’est tenu à La Rochelle en juin 2009, le Dr Alain Baert, du Centre Antipoison et Toxicovigilance de Rennes, avait déjà fait état de résultats d’enquêtes qui avaient mis en évidence une intoxication similaire à Rennes, en décembre 2007. Parmi les sept personnes intoxiquées figurait une femme qui fabriquait régulièrement son pain bio avec de la farine de sarrasin. Mis sur l’affaire, les services de la répression des fraudes avaient réussi à retracer l’origine des contaminations grâce aux analyses effectuées sur différentes farines commercialisées en Bretagne. Sur 28 échantillons analysés, 19 contenaient des atropines et des scopolamines – deux toxines naturellement présentes dans le datura – , à des teneurs variant de 1 à 1000 μg/kg. Or, la dose toxique pour l’enfant est estimée à 100 μg/kg !

Ces taux inquiétants ne sont cependant pas surprenants. En effet, pouvant atteindre la même hauteur que le sarrasin, le datura, dont la maturité se situe vers la fin du mois d’août, libère pour chaque plante au moins 100 graines par fruit, qui peut ensuite contaminer 10 000 graines de sarrasin. Ce qui explique que la détection visuelle ne suffit pas pour garantir un produit sain. Autre motif d’inquiétude, le datura est en pleine expansion en France. « De par le respect de ses procédures, la culture de type biologique du sarrasin expose la farine qui en est produite à une contamination par les alcaloïdes de datura, l’atropine et la scopolamine », note le Dr Baert, qui précise que « l’absence, dans la filière biologique, de traitement sélectif de la culture de sarrasin, conduit du fait de la dimension des graines, à l’inefficacité du tamisage en moulin ». Selon le spécialiste, « une surveillance analytique s’appuyant sur un protocole rigoureux d’échantillonnage » est nécessaire. Après l’agriculteur, c’est donc au niveau du triage, du séchage et du conditionnement que les contrôles de sécurités sanitaires doivent être efficaces. Visiblement cela n’a pas été le cas pour le fournisseur breton du Moulin Pichard, qui lui a livré des graines pas très bien « triées »…

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