Voilà bientôt quatre ans que Stéphane Le Foll occupe le poste de ministre de l’Agriculture. Un record de longévité depuis le mandat d’Edgard Pisani, locataire de la rue de Varenne entre août 1961 et janvier 1966. Or, après presque cinquante mois de bons et loyaux services, le bilan du ministre est plutôt catastrophique.
Comme l’a rappelé le président de la FNSEA, Xavier Beulin, lors de sa présentation des vœux à la presse le 6 janvier dernier, tous les jours, des exploitations agricoles déposent leur bilan. « Le ministre doit comprendre une chose, l’agro-écologie, c’est très bien : captation du carbone, travail des sols, etc., c’est de l’agronomie et je n’ai rien à redire. Mais on ne peut pas se contenter d’un discours uniquement sur ces sujets-là, alors qu’il y a le feu à la ferme France ! », a-t-il alerté.
Certes, l’état dramatique dans lequel se trouvent aujourd’hui de nombreuses filières agricoles ne peut être exclusivement imputé à l’action de Stéphane Le Foll. En effet, le ministre ne fixe pas le cours des céréales, du lait, ni de la viande, bien trop bas depuis deux ans. Il ne détermine pas le taux des charges sociales chez nos voisins européens. Et il ne maîtrise pas la propagation de la grippe aviaire, qui ferme à la filière volaille des marchés entiers à l’exportation. Ni davantage celle de la fièvre catarrhale ovine (FCO), qui entraîne aujourd’hui des restrictions de rassemblement et de circulation dans 48 départements français, et plombe notamment nos exportations de petits veaux vers l’Espagne et l’Italie. Mais le rôle d’un ministre consiste avant tout à composer avec la réalité ! À la place, Stéphane Le Foll tente d’imposer son propre modèle agricole depuis le début de son mandat. Un modèle théorique tout droit sorti de l’imaginaire de sociologues et d’économistes réunis au sein du Groupe Saint-Germain, qu’il a lui-même créé. Le fil conducteur de ce modèle consiste à mettre en place une agriculture à valeur ajoutée écologique à travers des « savoirs, pratiques et technologies pragmatiques ». Dans leur dernier ouvrage, L’intelligence est dans le pré. Penser la ruralité du XXIe siècle (2014), ces experts et amis du ministre évoquent « des citoyens animés par l’idée de prendre en main leur destin » grâce à l’agro-écologie, des plateformes de distribution en circuit court, des jardins potagers collectifs… « Un nouveau contrat social entre ruraux et urbains serait ainsi en train de s’écrire », peut-on y lire.
Or, l’échec de Stéphane Le Foll, c’est surtout celui de ces experts hors-sol, aveuglés par une vision qui ne laisse aucune place au reste du monde ! En effet, comme l’a noté avec pertinence Xavier Beulin, « pendant que nos filières agricoles perdent des volumes importants de production, nos voisins espagnols et allemands continuent d’en gagner ». « Il y a de quoi se poser quelques questions », a-t-il conclu avec amertume.
Face à ce constat, le ministre n’a d’autre choix que de revenir à la réalité et de « regarder ce qui se passe dans les exploitations », pour reprendre les termes de Dominique Barrau, secrétaire général du syndicat. Sinon, le mieux serait encore qu’il profite du prochain remaniement ministériel pour céder sa place à quelqu’un de plus compétent…