« Peu de soleil et trop de mouches. La cerise française n’a pas survécu à ce cocktail qui a fait chuter sa production de 16 % », note Le Parisien dans son édition du 20 août dernier. Ce chiffre de 16% n’est toutefois pas définitif. Il s’agit d’une estimation rendue publique par le ministère de l’Agriculture, suite aux remontées d’informations réalisées par les Directions départementales des territoires. Celle de l’Isère fait état de pertes estimées à 50% pour les fruits présents au moment de la récolte, en raison des dégâts considérables signalés dans la vallée du Rhône et de l’Isère. En Rhône-Alpes, deuxième région productrice après la Provence-Alpes-Côte-d’Azur, les producteurs annoncent avoir perdu un tiers de leur production par rapport à 2015. En revanche, dans le Sud-Est, les conditions climatiques très défavorables à drosophila suzukii, cette redoutable mouche qui pond ses larves dans les cerises, ont globalement permis aux producteurs de maîtriser les ravages causés par ce prédateur. « Toutefois, des pertes importantes ont eu lieu sur les zones de production tardive », tempère Alexandra Lacoste, la directrice de l’AOP Cerise.
Sans connaître les chiffres définitifs, on peut déjà affirmer que les grands perdants de cette affaire sont incontestablement les consommateurs, les producteurs et les abeilles. Pour les premiers, la cerise française a été commercialisée pendant la pleine saison entre 6,18 et 8,85 euros le kilo (contre 5,49 à 6,33 euros pour 2015, selon les données de FranceAgriMer). Le surcoût moyen payé par le consommateur a été d’environ 20%. L’écart est encore plus flagrant lorsqu’on compare ces chiffres avec ceux de 2013 (surcoût moyen de 24%). Et pour les cerises bio, il a fallu débourser en moyenne 11 euros le kilo. Bref, bio ou non, les cerises sont désormais des « fruits de riches » !
En ce qui concerne les producteurs, la charge de travail supplémentaire a été considérable. La protection des cerises a été beaucoup plus laborieuse, nécessitant souvent plus de six passages, contre un seul avec le désormais maudit diméthoate. La récolte a dû être effectuée beaucoup plus lentement en raison de l’obligation de procéder à un tri minutieux pour éliminer les cerises impropres à la consommation (sachant qu’un taux de perte avoisinant les 35% rend la récolte impossible). Pour les producteurs de cerises industrielles, le surcoût a été estimé entre 3 et 4 centimes le kilo. Or, l’année dernière, la marge nette s’élevait à 5 centimes par kilo. Elle est donc réduite à 1 à 2 centimes le kilo.
Enfin, les abeilles –comme les cigales et les coccinelles– ont paradoxalement payé au prix fort les bonnes idées du ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. En tout cas, c’est ce qui ressort clairement d’un courrier adressé rue de Varenne par le préfet du Vaucluse, Bernard Gonzalez, le 26 juillet 2016. « Les exploitants ont remarqué la diminution (voire la disparition dans certains cas) de la population d’abeilles et de cigales dans les parcelles qui ont fait l’objet de traitements phytosanitaires lourds », alerte-t-il. Logique ! Pour protéger leurs récoltes, les producteurs ont utilisé de l’Imidan, de l’Exirel, du Karaté ou encore du Success, dont l’efficacité est médiocre –pour reprendre les termes du préfet. Avec au moins deux passages par semaine pendant 15 à 20 jours, on peut imaginer les perturbations sur la flore et la faune ! Mais comme personne n’en parle, Stéphane Le Foll peut dormir tranquille…