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Retour sur une année catastrophique

L’année 2016 a été caractérisée par une récolte catastrophique pour l’ensemble des cultures, a rappelé le président de la FNSEA, Xavier Beulin, lors de la présentation de ses vœux à la presse le 5 janvier dernier.

Et pour cause ! Avec des rendements moyens tombés à un niveau historique pour le blé tendre – 54 quintaux par hectare en moyenne –, les agriculteurs font face à une double peine : faible production et cours des céréales avoisinant les 150 euros/tonne. S’y ajoute le poids spécifique (la masse volumique d’un lot de céréales), qui n’est pas davantage au rendez-vous. Selon les dires d’experts, moins d’un quart de la récolte a atteint le niveau exigible en meunerie (soit 76 kg/hl). Pour rappel, 99% de la récolte de l’année précédente était apte à servir les meuneries. Seule lueur d’espoir : un taux de protéines particulièrement élevé (plus de 90 % des volumes présentent un taux supérieur à 11,5 %, contre seulement 12 en 2015, et 64% au-dessus de 12,5%).

Le climat, certes, mais…

Comme toujours, les moyennes ne sont pas un bon indicateur. C’est encore plus vrai cette année, la disparité entre régions, entre départements, voire entre parcelles, étant particulièrement manifeste. Les aléas climatiques locaux comme les pratiques agricoles ont donc joué un rôle décisif. De multiples raisons expliquent ce désastre. Bien entendu, le climat reste le principal facteur : un hiver exceptionnellement doux, un printemps frais et peu ensoleillé, et, pour certaines régions (principalement le centre, le nord et l’est du pays), des mois de mai et juin anormalement pluvieux. Résultat : les cultures ont souffert d’un excès d’eau et d’un manque de luminosité, avec une oraison puis un remplissage des grains qui se sont déroulés dans de très mauvaises conditions.

Ce climat exceptionnel a naturellement favorisé la très forte pression de nombreuses maladies et le développement anormal d’un ravageur vecteur de virus. Sans prétendre hiérarchiser les causes de cette mauvaise récolte, il est indispensable de prêter une attention plus particulière à ce qui aurait pu être corrigé, voire évité. Ainsi, on peut se demander si la protection sanitaire face aux maladies a été suffisante.

L’insuffisance des moyens

Ce n’est pas l’avis de certains spécialistes, convaincus que dans un nombre important de situations, les moyens mis en œuvre ont été insuffisants. Notamment en raison d’une réglementation trop stricte en ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques disponibles, mais aussi les moyens de les appliquer. En effet, depuis l’interdiction totale en France de l’utilisation des moyens aériens (hélicoptères), les agriculteurs se sont trouvés totalement démunis pour protéger les parcelles gorgées d’eau pendant plusieurs semaines.

Celles-ci étaient pourtant les plus exposées aux maladies (septoriose, rouille jaune, fusarioses toxinogènes et fusarioses à microdochium). Alors que l’EU accorde encore des dérogations – ce que n’hésitent pas à faire plusieurs autres grands pays agricoles –, la France reste au contraire stricte sur sa politique d’interdiction totale.

En outre, les réductions de doses, du nombre d’applications, conjugués aux restrictions des périodes de traitement, ont entraîné une efficacité très relative de certains produits, comme le fongicide chlorothalonil, pourtant l’un des plus robustes contre les septorioses du blé.

À noter également, l’usage de moins en moins fréquent des réducteurs de croissance, qui limitent pourtant les risques de verse dans les situations sensibles, telles celles que l’on a vécues en 2016 avec une croissance excessive puis des abats d’eau sur des céréales en cours de remplissage.

Enfin, les techniques de traitement de semences à base d’imidaclopride ont été utilisées sur moins d’un quart des surfaces en blé tendre. Ce qui explique notamment l’explosion des pucerons vecteurs du virus de la jaunisse nanisante pour les parcelles non protégées. Le développement tardif de ces insectes en décembre et en janvier a rendu plus difficile une pulvérisation spécifique d’insecticide.

Bref, 2016 interpelle sur notre capacité future à gérer les stress biotiques et abiotiques, d’autant plus que la forte réduction réglementaire des techniques de la révolution verte s’accompagne d’une réduction dite volontaire. Difficile en effet de résister aux admonestations des pouvoirs publics, qui souhaitent une agriculture plus « naturelle ».
Comme le rappelait Michel Serres au Forum de l’agriculture raisonnéerespectueuse de l’environnement (Farre) le 11 janvier 2006, ces admonestations paraissent ne pas tenir compte du fait que le rôle de l’agriculture n’est pas de favoriser la biodiversité.

Le rôle de l’agriculture n’est pas de favoriser la biodiversité. Au contraire, « c’est la mort de la biodiversité »

Au contraire, a rappelé le philosophe, « c’est la mort de la biodiversité », surtout lorsque celle-ci est hostile à la culture que l’agriculteur a pour mission de choyer… Culture dont l’objectif est bien de nourrir les hommes et les femmes. Cette « biodiversité » peut parfaitement être hostile à la santé du consommateur, comme dans le cas de certains champignons – fusarioses et ergot du seigle –, présents l’année dernière en France ainsi que dans de nombreux pays d’Europe de l’Ouest, et plus généralement de l’hémisphère nord.

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