« Il faut revenir à (…) ce que faisaient nos grands-parents », a déclaré le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume, en marge d’une visite dans la Drôme, le 26 avril dernier. Le ministre a profité de l’occasion pour réaffirmer que la France interdira donc le glyphosate dès 2021, première étape pour « en finir avec tous les pesticides ». En réalité, ces propos ne font que confirmer une tendance longue de la présidence Macron, dont les contours avaient été très clairement dessinés dès le 11 octobre 2017, lors de son fameux discours de Rungis. Il s’agit, ni plus ni moins, de l’abandon du modèle agricole français tel qu’il a été construit depuis une trentaine d’années. Inutile de prendre des « mesures techniques » pour soutenir les filières qu’il estime ne pas être suffisamment compétitives; en revanche, tout doit être mis en œuvre afin de rendre florissantes celles qui sont censées apporter une valeur ajoutée suffisante pour rémunérer correctement les producteurs, estime le président. Plutôt une bonne idée, à en juger a priori.
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Toutefois, très mal conseillé par de brillants experts qui, n’ayant jamais mis les pieds dans une exploitation agricole, connaissent à peu près autant les mécanismes de l’économie agricole qu’un chef d’orchestre la vie sexuelle des moustiques, Emmanuel Macron ne pouvait proposer qu’un « changement de paradigme » voué à l’échec. Ainsi, la loi Egalim, qui se propose d’inverser la pyramide des prix, se révèle inopérante pour de très nombreuses productions agricoles, puisque les prix, établis par de multiples acteurs, dépendent notamment de la productivité des pays voisins. Et la montée en gamme de l’agriculture, au cœur de ce changement de paradigme, est tout autant une vue de l’esprit.
De même, sous la conduite de Didier Guillaume, la mise au ban des produits de protection des cultures est devenue le leitmotiv de la rue de Varenne. Cette chasse aux phytos est ainsi le véritable marqueur de la politique agricole de Macron, accompagnée de la promotion de l’agriculture biologique, bien que ses produits ne soient ni meilleurs pour la santé, ni meilleurs pour l’environnement que ceux issus de l’agriculture conventionnelle. Afin de conforter ce marché, le gouvernement a repris une idée en vogue chez les écologistes : la création d’un marché d’État captif (achat obligatoire par la restauration collective d’un minimum de 20% de produits bio d’ici 2022). En fin de compte, c’est le grand retour des exploitations sous perfusion d’aides de l’État (directes et indirectes), notamment en raison du besoin important de main-d’œuvre de ce mode de production, pour une offre alimentaire 30 à 50% plus chère pour les consommateurs.
En revanche, rien n’est prévu par le gouvernement pour assurer aux productions françaises une meilleure rentabilité afin de reconquérir le marché français, ou de conquérir ceux émergeant de pays qui sont déjà aujourd’hui à l’affût de produits agricoles dotés de la qualité de ce que nous produisons actuellement. Car la France demeure l’un des pays les plus performants en matière de qualité sanitaire et de traçabilité alimentaire, deux atouts majeurs qui font de l’agriculture française l’une des meilleures du monde. Mais il semblerait que, au lieu de conforter ce modèle, le président Macron se soit engagé à le faire disparaître au profit du modèle de celui de nos grands-parents…