Spécialiste des questions agricoles pour le groupe socialiste, le sénateur de l’Hérault Henri Cabanel livre son analyse en exclusivité à A&E.
On assiste aujourd’hui à une mise en accusation récurrente des produits alimentaires et, par conséquent, de notre agriculture, phénomène particulièrement mal vécu par le monde agricole. Quel message souhaiteriez-vous lui délivrer ?
J’estime tout d’abord que, sur le plan politique, l’agriculture n’est pas considérée à sa juste valeur. Nous devrions avoir une politique agricole d’ambition, qui prenne en compte à la fois les questions sanitaires, environnementales et économiques. En effet, n’avoir en ligne de mire que la santé ou la biodiversité, sans égard pour les réalités économiques, aboutit souvent à des résultats contre-productifs. J’en veux pour preuve la situation actuelle de notre production de fruits et légumes, qui, en raison de contraintes réglementaires franco-françaises drastiques, est en déclin permanent. Ce qui, en fin de compte, ne fait qu’accroître nos importations, aboutissant par là même exactement au contraire des souhaits émis par les consommateurs.
L’interdiction du diméthoate constitue un parfait exemple de ce que je déplore. Ainsi, si nous en avons interdit l’usage sur la cerise, il est encore couramment utilisé dans d’autres pays de l’Union européenne. On nous dit bien qu’un accord aurait été finalisé avec les pays exportateurs de cerises, garantissant que leurs productions sont exemptes de traitements par ce produit. Mais est-ce vraiment la réalité sur le terrain ? Et surtout, avons-nous réellement mis en œuvre des moyens suffisants pour procéder aux contrôles aux frontières ? Permettez-moi d’en douter, au regard du faible nombre d’agents mobilisés par les services des fraudes ! L’an dernier, nous avons eu quelques soucis avec des vins espagnols importés, dont certains distributeurs et opérateurs avaient « francisé» les étiquettes – une pratique qui ne visait qu’à abuser le consommateur. Or, la DGCCRF comptant à peine six fonctionnaires pour tout le Languedoc-Roussillon, il n’a pas été possible aux services des fraudes d’intervenir de façon satisfaisante. Qu’en est-il donc des importations de cerises sur l’ensemble du territoire français ? Ce qui est certain, en revanche, c’est que l’interdiction du diméthoate a conduit de très nombreux producteurs français, faute de disposer de moyens sérieux pour protéger leur culture, à arracher leurs arbres. Le consommateur a donc dû acheter davantage de cerises importées, sans réelle garantie qu’elles n’aient pas été traitées au diméthoate.
À LIRE AUSSI : diméthoate : Y aura-t-il encore des cerises françaises cet été ?
Il en va de même d’un sujet qui fait actuellement polémique : le glyphosate. Le groupe parlementaire socialiste, dont je fais partie, avait déposé un amendement pour sa suppression, mais à la condition expresse de donner aux consommateurs la possibilité de savoir, en faisant figurer clairement sur les étiquettes si les produits importés avaient ou non été traités avec cet herbicide. Vous n’ignorez pas que l’année dernière, le Canada a réhomologué l’usage du glyphosate pour une période de 15 ans, ce qui implique que, en vertu des accords de libre-échange signés par ce pays avec l’UE, il pourra exporter son blé traité au glyphosate. On pourrait donc retrouver ce blé canadien dans les baguettes françaises ! Une interdiction n’apportera donc pas l’assurance d’une meilleure protection de la santé des consommateurs français, mais bien la certitude d’une fragilisation de nos exploitations agricoles, tant sur le plan national qu’international.
Et le raisonnement vaut aussi pour le vin. Aujourd’hui déjà, les producteurs de vin espagnol – de très bonne qualité, au demeurant – ont un coût de production deux fois moins élevé que celui de nos producteurs viticoles du Languedoc-Roussillon, pourtant géographiquement voisins. L’interdiction unilatérale du glyphosate va inévitablement accentuer le différentiel de coût de production entre les vins de cette région et ceux importés d’Espagne.
Tous ces exemples montrent qu’il ne faut jamais séparer les préoccupations sanitaires, environnementales et économiques, et s’appliquer à trouver un compromis qui ne pénalise personne, en s’abstenant de légiférer dans la précipitation.
Et n’oublions pas que, en dépit des moyens limités dont dispose la DGCCRF, la France reste le pays où les contrôles en termes de sécurité alimentaire sont parmi les meilleurs au monde. La traçabilité est exemplaire, et la qualité de nos productions, exceptionnelle. On l’a encore vérifié lors de l’affaire du Friponil, retrouvé dans les œufs, où des contrôles français ont mis en évidence une fraude dont les origines étaient belges. De même, la fraude de la viande de cheval trouvée dans les lasagnes a été révélée par nos services. Il s’agissait là aussi d’un réseau international qui opérait à partir de différents pays de l’Union européenne.
Pourtant, au travers de très nombreux reportages à charge sur l’alimentation, les médias donnent plutôt une image anxiogène de ce qui se trouve dans nos assiettes.
Vous avez raison, et cela nous renvoie à la problématique de la légitimité de nos experts, dont le rôle reste très important. En matière de sécurité sanitaire, ils fournissent aux parlementaires les données indispensables pour leur permettre de légiférer de manière raisonnable. C’est notamment la mission de l’Anses – une agence impartiale financée par l’argent du contribuable – dont l’expertise de- meure essentielle.
Non seulement l’Anses n’est pas assez entendue, mais elle est régulièrement mise en cause, notamment par des ONG qui rejettent ses avis dès lors qu’ils ne corroborent pas leurs opinions. Certaines de ces ONG lancent même des accusations irresponsables contre les experts, les soupçonnant soit de ne pas bien faire leur travail, soit d’être à la solde des multinationales.
Or, non seulement elle n’est pas assez entendue, mais elle est régulièrement mise en cause, notamment par des ONG qui rejettent ses avis dès lors qu’ils ne corroborent pas leurs opinions. Certaines de ces ONG lancent même des accusations irresponsables contre les experts, les soupçonnant soit de ne pas bien faire leur travail, soit d’être à la solde des multinationales.
Mais dans le cas du glyphosate, le président de la République lui-même a pris ses distances avec l’avis de l’Anses…
C’est là un vrai problème. Je suis convaincu que la position d’Emmanuel Macron est plutôt une réponse à l’opinion sociale, qui ne tient pas compte de l’avis de nos agences sanitaires. Tout récemment, nous avons auditionné le directeur de l’Anses, qui, au sujet du glyphosate, a tenu des propos plutôt rassurants. Comme il devient de plus en plus difficile, avec la propagation galopante des fake news sur les réseaux sociaux, de séparer le vrai du faux, il est plus que jamais essentiel pour nous, parlementaires, de faire le tri entre les avis des experts rendus par nos agences, dont l’indépendance est garantie par la loi, et des études très médiatisées, mais dont les conclusions ne seront pas validées par la suite.
Et il n’y a malheureusement pas que l’opinion publique qui ne fasse plus confiance à nos experts : des collègues parlementaires refusent également d’écouter leurs avis, attitude qui contribue aux yeux de l’opinion publique à semer le doute sur la fiabilité des conclusions délivrées. Ne pas respecter une institution nationale légitimée par la loi constitue à mon sens une faute politique grave de l’élu. À cet égard, il serait donc grand temps que les parlementaires adoptent une attitude responsable.
Quel est votre sentiment sur la loi Egalim, issue des États généraux de l’alimentation ?
Pour ma part, je trouve qu’elle résulte de la meilleure démarche possible. Ainsi, après avoir cerné un problème, – en l’occurrence, le manque de revenus de nos agriculteurs par rapport à l’effort qualitatif qu’ils fournissent depuis de nombreuses années et le prix payé par le consommateur –, on a mis tous les acteurs – du producteur au consommateur en passant par le distributeur, le transformateur et les syndicats agricoles – autour de la table. Tous se sont exprimés et sont tombés d’accord sur le fait que l’avenir de l’agriculture française passait par une montée en gamme de nos productions, avec des garanties sanitaires encore meilleures. C’était donc un projet gagnant-gagnant, dont les contours étaient clairement dessinés. Toutefois, il régnait un climat de défiance entre les intervenants, que nous-mêmes observons entre élus et citoyens. Notre pays traverse en effet une redoutable crise de confiance, qui n’a pas épargné les différents acteurs du secteur agricole.
Dans la loi, il a été convenu d’instaurer une inversion du système de la fixation des prix, afin que le vendeur puisse intégrer sa réalité économique. Ce ne serait donc plus l’acheteur qui définirait seul le prix, mais le vendeur, en y incluant ses coûts de production. Or, force est de constater que la réalité du terrain est bien plus complexe. Notamment parce que, en France, face à quatre ou cinq enseignes, souvent réunies en un groupement d’achats, on a des milliers de fournisseurs. De là qu’on assiste à un déséquilibre évident entre les différents acteurs de la chaîne alimentaire : c’est le pot de terre contre le pot de fer. D’autant que les fournisseurs non sélectionnés par la grande distribution n’ont aucun recours possible.
Je me souviens qu’ici même au Sénat, en 2015, à l’époque où Stéphane Le Foll était ministre de l’agriculture, le président du Sénat, Gérard Larcher, a organisé une rencontre entre tous les acteurs de la filière porcine, afin d’apporter une solution à la crise des éleveurs qui pâtissaient alors d’une brutale chute des prix. Les représentants du groupe Bigard ont fait clairement comprendre au ministre qu’il était hors de question que les achats de porc se réalisent sans référence au prix du marché ! Cet état de fait n’a pas été pris en compte dans l’élaboration de la loi Egalim. D’où la déception de beaucoup d’agriculteurs qui, malgré son entrée en vigueur, n’ont perçu aucun changement.
Que faire, alors ?
L’une des pistes intéressantes à suivre consisterait à conforter la confiance que les consommateurs portent aux produits français, notamment en luttant contre l’agribashing. Il conviendrait d’engager une véritable politique de communication sur la qualité de l’ensemble de nos filières agricoles. Dans le contexte de la viande, par exemple, une toute petite minorité de végan – organisés en lobbyistes efficaces – pèse aujourd’hui très lourd dans le débat sociétal, quoiqu’ils ne soient pas du tout représentatifs de ce que souhaitent les Français. C’est là un vrai problème. Il reviendrait aux producteurs de répondre aux interpellations de cette minorité au moyen d’une communication bien plus réactive.
Puis, ces initiatives doivent recevoir le soutien inconditionnel des responsables de toutes les familles politiques. La combinaison d’une communication soutenue sur nos produits avec un arsenal législatif permettant aux consommateurs d’être des acteurs constitue, selon moi, la meilleure solution pour faire sortir l’agriculture de l’impasse de ses difficultés. Je suis conscient que cela va prendre du temps, mais il n’y a pas d’autre voie possible.
Ne craignez-vous pas que ce repli nationaliste ne participe à la montée du nationalisme tout court ?
Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de s’opposer aux échanges internationaux, et moins encore à ceux qui ont lieu à l’intérieur du marché commun. Simplement, dans le souci de l’environnement, il me semble qu’il est souhaitable de favoriser les circuits courts. Est-ce que vous trouvez normal que la restauration collective hors domicile – et notamment les cantines scolaires – s’approvisionne à plus de 80 % en viande importée ?
La raison en est que ces produits sont moins chers…
C’est précisément pour cela que je dis qu’il faut trouver un équilibre et ne pas se cantonner à une vision simplement budgétaire qui nous amènera dans le mur ! Aujourd’hui, le poids des fonctionnaires de Bercy dans ces décisions est beaucoup trop important.
Revenons au sujet des importations de viande. Elles proviennent pour l’essentiel de pays limitrophes à la France. Or, ce sont eux précisément qui posent un problème de compétitivité à nos filières. Comment expliquez-vous que ces pays soient capables de produire moins cher que nous ?
Cela vient d’abord de la politique agricole menée au niveau de l’Europe. Nous avons mis en place une politique monétaire commune autour de l’euro, sans l’assortir d’une politique d’harmonisation sociale. Cela explique, notamment, le différentiel important entre le coût de la main-d’œuvre dans les différents pays de l’Union européenne, et en fin de compte le prix du produit. Les citoyens français bénéficient ainsi d’un système social très performant (maladie, retraite, etc.) dont d’autres pays sont dépourvus, et qui justifie en partie le coût élevé du travail en France.
Ensuite, il ne faut pas opposer les agricultures diverses. Nous avons besoin de l’agriculture conventionnelle et des différents types d’agriculture biologique, de celle qui est dédiée aux circuits courts, mais aussi de celle qui va fournir les marchés d’exportations. Ce panel d’agricultures doit donc rester compétitif, sans que soit jamais négligée la qualité sanitaire et environnementale. Tout cela doit être envisagé non seulement à l’échelle nationale mais aussi au niveau européen, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui. J’irai jusqu’à dire, si je peux me permettre, que nous autres Européens sommes bien naïfs ! Pendant que des pays comme le Brésil, les États-Unis, le Canada, la Chine, et maintenant l’Inde, sont en train de doubler les moyens accordés à leur agriculture, on discute au sein de l’Union européenne pour savoir comment diminuer le budget de la PAC. C’est totalement ubuesque !
On parle beaucoup des circuits courts. Ne pensez-vous pas que la France devrait également mettre les bouchées doubles pour permettre à l’agriculture de se développer vers l’exportation, sachant que les classes dites « moyennes », en croissance constante dans de nombreux pays, sont très demandeuses d’une alimentation de qualité telle que nous la produisons en France ?
Je pense que nous devons plutôt nous concentrer sur une politique agricole européenne, afin d’assurer une nourriture de qualité qui réponde aux normes environnementales, et qui, en termes économiques, fasse vivre nos agriculteurs. Politiquement parlant, l’indépendance alimentaire demeure une nécessité absolue. Et plutôt que d’avoir des politiques nationales pour protéger ses propres intérêts, il faudrait, me semble-t-il, avoir une véritable ambition européenne.
Ensuite, ne perdons pas de vue que la politique agricole menée par la France a toujours été à l’avant-garde de la qualité. N’est-ce pas la France qui a forgé l’image du vin, avec ses châteaux, ses cépages, son excellence, devenue un modèle à l’échelle planétaire ? Ce lien direct que nous avons créé entre le terroir, le vigneron et les cépages, fait la spécificité de nos vins et rend impossible de les produire ailleurs. C’est tout l’enjeu des AOC, et plus largement des AOP (appellation d’origine protégée). En aucun cas, notre politique agricole ne doit faire de compromis sur ce plan-là. Il en va de l’image de la France !
Mais n’est-ce pas en raison des politiques de soutien communautaire qu’aujourd’hui, nos producteurs de pommes se trouvent face à une concurrence déloyale avec la production polonaise ?
Vous avez raison. Il y aurait beaucoup de choses à revoir dans la politique agricole de l’Union européenne. Mais je maintiens que le problème majeur provient de l’inégalité des charges sociales entre les pays membres.
Quand on y réfléchit, les pommes, le lait, la viande, finalement, c’est pareil. L’essentiel est d’être inventif et de savoir s’adapter, innover. On ne peut pas se satisfaire de produire, en France, les mêmes pommes que les Polonais. C’est ce que la filière s’est appliquée à prouver avec, par exemple, la Pink Lady et une stratégie marketing adaptée. Il faut donc expliquer aux consommateurs les raisons pour lesquelles les pommes polonaises sont moins chères et détailler le coût de production pour un producteur français. Le consommateur comprendra et opérera ses choix d’achat en connais- sance de cause. Mais quand la filière agricole s’éloigne du consommateur pour répondre exclusivement aux desiderata des distributeurs et des transformateurs, il y a deux perdants: ceux qui produisent, rémunérés trop faiblement, et ceux qui consomment, ne payant pas les denrées alimentaires qu’ils achètent à leur juste prix. D’où l’importance des circuits courts, où le nombre d’intermédiaires est réduit au minimum.
À LIRE AUSSI : pourquoi les pommes polonaises envahissent le marché français ?
Si ce que vous dites est de toute évidence pertinent pour certaines productions, comme la vigne ou les fruits de saison, comment mettre en place des circuits courts pour d’autres productions telles que le lait, le sucre, les céréales ou la viande ?
Dans le secteur de la viande, on dispose de systèmes qui nous permettent, par le biais des indications géographiques protégées (IGP), de localiser, sur un territoire bien précis, une source de production qui ne se fasse qu’à cet endroit, et, à partir de là, la valoriser, voire l’exporter. Un peu à l’image du champagne qui est une belle réussite régionale. Évidemment, ce n’est pas la panacée, car la solution ne peut s’appliquer à l’ensemble de la production agricole. Prenez le cas du vigneron : les circuits courts lui permettent la vente en direct de sa cave à des consommateurs avertis, mais, comme ils ne suffisent pas à rendre son exploitation rentable, il lui faut par ailleurs vendre dans les circuits traditionnels.
Difficile d’imaginer qu’on puisse approvisionner de grandes villes comme Paris ou Marseille à partir de circuits courts… Que faire donc en faveur des circuits traditionnels, qui restent très largement majoritaires, comme par exemple celui des céréales ?
Je pense qu’une partie de la solution tient dans la montée en gamme. A fortiori pour des productions comme le blé, denrée mondialisée dont le prix n’est pas établi à Paris. Dans ce marché ultra-libéral, on trouvera toujours quelqu’un qui pourra vendre moins cher. D’où l’importance de se démarquer, sur la qualité nutritive du blé, par exemple. D’un côté, un blé cultivé intensivement sur les grandes plaines des États-Unis, de l’autre, un blé français pourvu d’une qualité nutritive supérieure…
Sauf que nous avons perdu des marchés en faveur de l’Allemagne, en raison du faible taux de protéine dans nos blés, conséquence logique de la réduction de l’azote épandu sur nos cultures. Donc, là encore, on voit bien comment des contraintes environnementales mettent en péril nos productions.
Votre exemple prouve clairement que, dès lors que des mesures environnementales sont prises, il faut savoir analyser les questions de façon transversale, en prenant en compte le volet économique. Sinon, cela crée des déséquilibres qui se révéleront contre-productifs… Permettez-moi de revenir sur le glyphosate, qui est devenu au cours des derniers mois un véritable sujet sociétal, imposant une forte pression sur les responsables politiques. N’avez-vous pas remarqué que le discours de certains de nos élus est devenu de plus en plus modéré ? Beaucoup d’entre nous ont entendu le monde agricole, et un nombre croissant de parlementaires reconnaissent qu’il faut prendre son temps, une interdiction sur 100% des cultures n’étant pas envisageable pour le moment. Avoir une vision transversale et savoir s’adapter, c’est la clé de tout.
Étant vous-même viticulteur, comment avez-vous abordé cette adaptation ?
Mon grand-père n’a jamais arraché un seul cep de vigne, ni agrandi ses surfaces de production, car son offre correspondait à la demande des consommateurs. Mon père, tout en conservant les cépages de son père, a dû agrandir l’exploitation. Lorsque cela a été mon tour de m’installer, j’ai dû m’adapter.
Nous avons mis en place une politique monétaire commune autour de l’euro, sans l’assortir d’une politique d’harmonisation sociale. Cela explique, notamment, le différentiel important entre le coût de la main-d’œuvre dans les différents pays de l’Union européenne, et en fin de compte le prix du produit.
Avec de nombreux collègues vignerons de la région, nous avons amorcé une révolution qui consistait à arracher tous nos cépages traditionnels – décision très mal vécue par mon père qui nous prenait pour des fous ! Au bout du compte, ce défi a fait que notre région a été la seule au monde à avoir mené à bien une restructuration d’envergure, pour produire un vin de qualité qui corresponde à nouveau aux attentes du marché.
Moi qui ai été l’un des acteurs de cette transformation, je suis aujourd’hui en train d’en vivre une nouvelle. En effet, fervent défenseur des cépages résistants, c’est-à-dire des cépages nécessitant moins d’intrants, j’ai intégré une expérimentation portée par l’INRA, l’interprofession des vins du Languedoc, la chambre d’agriculture de l’Hérault et la Région Occitanie. J’ai donc procédé à de nouveaux arrachages et j’ai remplacé mes vignes par de nouveaux ceps, afin de répondre au mieux à la demande du consommateur.