Après la divulgation dans la presse de l’existence de deux fichiers constitués par l’agence de relations publiques FleishmanHillard, qui a été mandatée par Monsanto pour suivre le dossier du glyphosate, devenu hautement stratégique depuis mai 2015 (date à laquelle le CIRC a classifié la matière active dans la catégorie « cancérigène probable »), les dépôts de plaintes se multiplient. Le 10 mai, le parquet de Paris a annoncé avoir ouvert une enquête préliminaire. L’affaire est également prise très au sérieux par la firme Bayer, qui a confié à un cabinet d’avocats indépendant la mission d’enquêter sur les pratiques de sa filiale.
À lire aussi Les eaux troubles des « Monsanto Papers »
Le groupe allemand estime que ces listes de personnalités – mentionnant journalistes, responsables politiques, etc. – , établies pour le compte de Monsanto en 2016 « pourraient avoir enfreint les principes éthiques et les réglementations légales », tout en prenant soin de préciser que « à l’heure actuelle, rien n’indique que les documents en question aient violé des dispositions légales ». Le groupe a toutefois annoncé que toutes les personnes citées dans les fichiers seront contactées et auront accès aux informations les concernant.
Une pratique courante
« La réaction de Bayer me semble être la bonne », estime Alain Pajol, expert en communication de crise. « Toutefois, il faut savoir que le début d’une stratégie de communication passe nécessairement par une cartographie des acteurs et de leurs positions, une identification des alliés et des opposants, et un relevé de leurs verbatim publics. Il n’y a là, à mon sens, rien de choquant. C’est d’ailleurs une pratique courante de la part des agences de communication, qui opèrent ainsi dans tous les pays du monde. Mais ce type de fichier doit bien entendu respecter la réglementation sur les données personnelles. On ne peut pas écrire n’importe quoi ! En France, la CNIL précise ce qui est légal et ce qui ne l’est pas », souligne l’expert, qui, n’ayant pas connaissance du contenu des fichiers en question, peut difficilement s’exprimer sur ce cas précis. Il poursuit : « Que Ségolène Royal, Stéphane Foucart, José Bové, Corinne Lepage ou Michèle Rivasi soient considérés comme des “opposants“ au glyphosate et aux OGM n’a franchement rien d’un secret d’État. En revanche, désigner certaines personnes comme “influençables“ constitue une appréciation qui peut poser problème.» « Mais ce qui est surtout frappant dans cette affaire, c’est l’ampleur qu’elle revêt. Cela montre à nouveau que la simple évocation du nom “Monsanto“ prend tout de suite des proportions incroyables », conclut Alain Pajol.