Dans son « billet » paru dans le numéro de septembre du magazine Que Choisir, Alain Bazot s’emporte contre l’« épandage de fausses promesses » opéré dans le cadre de la transition écologique annoncée par le gouvernement. Visiblement atteint d’une phytophobie aiguë, le président de l’UFC-QueChoisir estime que le bannissement total des produits phytosanitaires (à l’exception de ceux autorisés en bio) ne va pas assez vite. Le plan Écophyto se voit rebaptisé « Éco-pipeau » dans le même temps qu’il se félicite d’avoir signé la pétition de l’association Nous voulons des coquelicots. « Mais bon sang, qu’attend l’État pour privilégier la santé de ses citoyens plutôt que les intérêts à court terme des lobbys agricoles et industriels ? », s’interroge-t-il.
Des pesticides dans le bio, mais pas trop
L’occasion pour le magazine de consacrer un dossier au bio, intitulé « Le bio perd-il son âme ? », dans lequel figure une série de tableaux présentant des produits bio et conventionnels (pommes de terre, endives, clémentines, lentilles et ananas), de marques différentes, avec des appréciations allant de « très bon » à « mauvais ». Et, sans surprise, le bio s’en sort bien mieux: « 28 produits non bio (soit 74%) sont contaminés [sic] par au moins un résidu de pesticide, contre seulement 2 en bio (soit 5%). »
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Contrairement aux rapports annuels de l’Union européenne, réalisés sous la direction de l’Efsa, portant sur un nombre bien plus important d’échantillons (plus de 88000 analyses), l’UFC-QueChoisir ne renseigne ni sur les produits recherchés ni sur les doses retrouvées. Pour ce qui est des deux produits bio contaminés, l’UFC-Que Choisir s’empresse de préciser qu’il s’agit là de « doses très faibles ». À ceci près que, dans le cas du bio, la moindre trace est par définition suspecte, étant donné qu’aucun produit n’est autorisé ! Comme nous l’explique le mensuel, ce sont certainement des « contaminations accidentelles qui peuvent survenir au champ ou lors du transport ou du stockage ». Pour sûr ! À moins que ce ne soit le résultat d’une pratique illégale émanant d’un producteur peu scrupuleux… Ainsi que le note d’ailleurs le magazine, « les mesures de surveillance des produits bio ne cessent d’être allégées. »
En effet, dans une note interne de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), on découvre que le gouvernement a restreint sa mission pour la filière bio, transférant aux organismes certificateurs – privés et payés par les entreprises bio – le rôle d’« investigateurs ». Autrement dit, les quelques contrôles effectués le seront par des entreprises n’ayant aucune capacité de procéder à une vraie enquête (pas de perquisitions sur autorisation du juge, ni saisies de produits, ni assignations en justice, etc.).
Toutes les analyses n’en restent pas moins rassurantes, tant pour les produits bio que conventionnels, étant systématiquement conformes aux normes réglementaires. Mieux encore, pour le lait, aucune différence n’est relevée. « Bio ou non, c’est idem », note le mensuel, qui affirme : « Pour les 15 laits, dont 8 bio, que nous avons analysés, nous n’observons pas de différence significative entre bio et conventionnel pour l’ensemble des paramètres étudiés. » Le magazine oublie toutefois de préciser que la seule différence est finalement dans le prix : 0,91 euro le litre bio demi-écrémé chez Carrefour contre 0,62 dans sa version non bio, soit un écart de 47%… pour zéro bénéfice en termes sanitaires et gustatifs !
Le bio toujours trop cher
Ce qui reste néanmoins inférieur aux 73,4% de moyenne relevés par l’enquête du mensuel concernant la différence de prix entre le panier annuel non bio et le panier bio sur un échantillon de 24 fruits et légumes. Au lieu de se demander s’il est raisonnable de payer beaucoup plus cher pour jouir de si peu d’avantages, l’UFC-QueChoisir préfère tirer à boulets rouges sur la grande distribution, qui est pourtant la plus favorable aux consommateurs. Au classement par enseignes, le panier de 39 produits bio revient en effet à 127 euros chez Leclerc et 131 euros chez Carrefour contre plus de 170 euros chez Naturalia et Bio c’Bon, les deux enseignes historiques, La Vie Claire et Biocoop, se situant aux alentours de 168 euros.
Forcée cependant d’admettre qu’acheter bio reste considérablement plus cher, l’UFC-QueChoisir affirme qu’ « il faut arrêter de croire que la cherté du bio provient exclusivement du surcoût agricole ». Car la grande distribution « capte 41% du surcoût », s’insurge la revue. Des propos qui n’ont pas manqué de faire réagir la profession. « La marge compense le vieillissement plus rapide des fruits et légumes bio, ce qui fait que nous avons, sur les étals, une perte plus importante », corrige Benoît Soury, directeur des marchés bio de Carrefour. « À titre d’exemple, une pomme de l’agriculture conventionnelle peut rester douze jours sur un étal. Alors qu’une pomme bio ne pourra être vendue que quatre ou cinq jours », poursuit-il. Une précision tout à fait intéressante, puisque cela implique qu’il y a nettement plus de gaspillage dans le bio que dans le conventionnel !
Pour sa part, le délégué général de la FCD (Fédération du commerce et de la distribution), Jacques Creys- sel, ne mâche pas ses mots : « C’est une étude à charge qui ne repose sur rien de sérieux. Les prix des fruits et légumes évoluent selon la météo, les arrivages. Il faut regarder une période beaucoup plus longue que dix jours. »
Au bout du compte, ce qu’il faut surtout retenir de l’enquête de l’UFC-Que Choisir, c’est que le marketing bio fonctionne de mieux en mieux, avec de sempiternelles fausses promesses et des prix qui se portent bien !