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Documentaire Food Evolution : une censure prévisible

Dans un rapport confidentiel, la société de distribution cinématographique 2iFilms relate ses mésaventures concernant la diffusion du documentaire Food Evolution

Lorsque 2iFilms, jeune société de distribution cinématographique créée en 2018, décide de s’occuper de la diffusion en France du documentaire Food Evolution, sorti sur les écrans américains en 2017, elle est bien loin de s’imaginer qu’il existe dans notre pays une censure aussi parfaitement bien organisée. Le récit que relate ce distributeur indépendant fait en effet froid dans le dos. Certes, il faut reconnaître que le film en question aborde un sujet sensible : exposer les mécanismes de diabolisation utilisés par les anti-OGM contre cette technologie. S’il peut ne pas convaincre, le documentaire a du moins le mérite indéniable d’ouvrir l’espace à un débat. Mais encore faudrait-il que celui-ci soit le bienvenu…

Une situation inquiétante

« Food Evolution a révélé une situation inquiétante qui était méconnue, voire dangereuse, pour la garantie du pluralisme dans le cinéma, à savoir la mainmise des associations militantes dans la programmation cinématographique française », écrit Eddy Agnassia, l’un des responsables de 2iFilms, dans une note confidentielle d’une dizaine de pages datée du 11 décembre 2019. Il poursuit : « Seuls les films qui défendent leurs causes ont droit de cité. C’est un monopole de la pensée qui est ainsi imposé. »

L’auteur y expose ses mésaventures, qui ont commencé par une surprenante «non recommandation par le cinéma français». Soumis à la fin décembre 2018 à la procédure pour obtenir le label «Art et Essai», le film est refusé un mois plus tard par le collège des experts de l’AFCAE (Association française des cinémas d’art et d’essai). Avec une unanimité surprenante : pas une seule voix ne se prononce en faveur du documentaire ! « Ce film a obtenu le pire vote jamais enregistré par le comité d’experts », déplore Eddy Agnassia, qui juge cette décision d’autant plus étrange que son réalisateur n’est pas un novice en la matière. Scott Hamilton Kennedy a même été nominé aux Oscars en 2009 pour le film The Garden.

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Quant à Food Evolution, avec le très populaire et respecté astrophysicien Neil deGrasse Tyson dans le rôle du narrateur, il a plutôt bien marché outre-Atlantique. D’aucuns pourraient d’ailleurs lui reprocher d’être davantage adapté au public américain qu’européen. Mais son principal défaut ne serait-il pas plutôt de ne pas s’inscrire dans la longue liste des pseudo-documentaires de propagande anti-OGM et antipesticides, tant appréciés dans les milieux du cinéma français ? Ainsi, que penser du documentaire Demain, réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, quand il affirme clairement que l’on « plante des OGM qui rendent les animaux et les gens malades » ? Or, en dépit de ses « faits alternatifs », ce film primé aux César a bénéficié du soutien de plusieurs institutions internationales (COP 21, Parlement européen, ONU…) et a même été diffusé dans de nombreux établissements scolaires français, ainsi que dans chacune des écoles de Bruxelles à l’initiative de la ministre belge de l’Environnement…

Exclu des festivals

Et ce n’est pas tout. Originellement programmé pour l’ouverture de la 8e édition du festival international du cinéma Le Temps Presse, Food Evolution fut très rapidement déprogrammé. « Marc Obéron, son directeur, nous a contactés pour nous indiquer que la direction du festival avait reçu des pressions pour le déprogrammer, car le film ne semblait pas plaire à certains membres du jury », note Eddy Agnassia. Pas très surprenant lorsqu’on découvre que des personnalités engagées dans la lutte contre les biotechnologies végétales, comme Juliette Binoche, faisaient partie du jury.

Menaces et pressions

« Très vite, nous avons également compris qu’il y avait eu des menaces de retraits de financement par certains partenaires du festival si sa programmation était maintenue » , poursuit Eddy Agnassia, qui déplore que le documentaire ait été sacrifié par des professionnels du cinéma, « qui ne niaient pas sa qualité cinématographique puisque ce film avait été retenu dans un premier temps pour être programmé dans le cadre de ce festival ». Selon lui, la raison de cette décision est limpide : « Il a été exclu parce qu’il n’était pas politiquement correct, compte tenu de son message véhiculé sur l’agriculture, les pesticides et les OGM. »

À cette occasion, Eddy Agnassia a pu ainsi découvrir comment « les associations militantes – notamment Générations Futures, qui est très actif dans les différents festivals consacrés à l’alimentation et à l’agriculture – ont verrouillé toute expression visuelle différente de la leur, et imposé leur vision idéologique de l’alimentation et de l’agriculture auprès du public, refusant ainsi toute représentation contradictoire dans le cinéma ». Plus incisive, la journaliste de L’Opinion Emmanuelle Ducros a parfaitement résumé l’affaire en expliquant que Food Evolution, « c’est le documentaire sur les OGM que le lobby bio veut cacher ».

Si le destin du documentaire américain dans les salles de cinéma françaises semble bien être scellé, Eddy Agnassia espère néanmoins qu’il en ira différemment de l’exploitation prochaine sur les plateformes qui proposent des films en VOD, comme Vimeo. Quoi qu’il en soit, l’initiative du distributeur 2iFilms a le mérite d’avoir mis au jour une vérité qui dérange: le totalitarisme fait bel et bien partie de la pensée de l’écologie politique…

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