Après avoir été proche de Générations Futures, la toxicologue Annette Lexa, fondatrice de la société RCMA, prend ses distances avec l’association en répondant aux propos anxiogènes qui circulent sur les réseaux sociaux
Le 31 décembre dernier, Nadine Lauverjat, cheville ouvrière de Générations Futures, se réjouissait sur Twitter du million de signataires atteint par l’appel des coquelicots, lancé le 12 septembre 2018, pour réclamer l’interdiction de tous les pesticides de synthèse.
Une ambiance festive néanmoins quelque peu plombée par un tweet de la toxicologue Annette Lexa, observant que « le sulfate de cuivre, c’est de la chimie (Cu + H2SO4), non? ». Et celle-ci d’interroger : « Comment on va-t-on faire quand ça va s’accumuler dans les sols, vu que ce n’est pas biodégradable ? » Sauf que s’en prendre au pesticide le plus utilisé en agriculture bio n’est pas du goût de tout le monde. « Voilà les bons arguments de propesticides les plus médiocres qui soient », a immédiatement rétorqué la responsable de Générations Futures.
La toxicologue en a été sidérée. « Pour une “vieille” écotoxicologue qui n’a jamais travaillé pour l’agro- industrie, c’est un comble ! », a-t-elle répondu aussitôt, jugeant ces propos « diffamants ». « Aujourd’hui, dire que le cuivre est toxique pour la microfaune du sol ou les poissons, c’est être taxé de propesticide […] C’est donc être d’extrême droite, facho, climato-sceptique et pour l’agrobusiness qui empoisonne le monde. Voilà. Donc, je dois me taire », s’indigne Annette Lexa.
Aujourd’hui, dire que le cuivre est toxique pour la micro-faune du sol ou les poissons, c’est être taxé de propesticide […] C’est donc être d’extrême droite, facho, climato-sceptique et pour l’agrobusiness qui empoisonne le monde. Voilà. Donc, je dois me taire » s’indigne Annette Lexa.
Une ancienne amie des écolos
En effet, l’assimiler aux «pro-pesticides» est d’autant plus incongru qu’elle a longtemps été proche des milieux écologistes. En 1988, elle a ainsi soutenu sa thèse sous la direction du botaniste écolo Jean-Marie Pelt, qui, selon son témoignage, « a eu un rôle décisif ». Plus tard, elle rejoint le conseil scientifique du CRIIGEN de Corinne Lepage, dont elle a ensuite démissionné en 2018, ayant constaté le manque de sérieux de deux de ses principaux responsables, le tandem composé par Gilles-Éric Séralini et Joël Spiroux de Vendôme : « La réponse de Séralini et Spiroux, qui évoque l’arsenic sur la base de leur publication inacceptable, est objet de mon divorce d’avec ces gens. Les lire jouer au petit toxicologue me fait doucement rire, eux qui n’ont jamais rien capté à l’évaluation de risque. »
Annette Lexa a aussi été membre du conseil scientifique de plusieurs associations écologistes, notamment la fondation Nicolas-Hulot et… Générations Futures ! Sauf que la spécialiste, inscrite sur la liste des toxicologues européens (EUROTOX) depuis 2009, en a de son propre aveu plus qu’assez de voir les avis et les croyances prendre le pas sur les connaissances scientifiques: « Les gens confondent faits et opinions. Ça rend fou ! »
Et en effet, la folie semble bien s’être répandue sur les réseaux sociaux. « Ce matin, entre Geluck et l’agent orange dans les pesticides et ce lien pour m’expliquer que le cuivre n’est pas toxique car il est métabolisé et que ce sont les sols pesticidés qui le rendent toxique, l’année commence bien ! », note-t-elle. Il est vrai que, de l’humoriste Philippe Geluck s’exprimant sur les pesticides au philosophe Michel Onfray répondant à Natacha Polony sur les perturbateurs endocriniens, les occasions ne manquent pas pour susciter ses réactions : « Toujours le même message biaisé et catastrophiste […] Et ça, j’en ai marre et je le dis haut et fort désormais. »
« Quand tout le monde veut son quart d’heure de gloire de lanceur d’alerte en mode vintage (hashtag je suis Erin Brockovich), on s’y croit alors qu’on est manipulé. On s’habitue à l’ivresse d’être invité sur des plateaux de télé. Et on finit par trébucher. » Annette Laxa, qui n’a pas sa langue dans sa poche, ne ménage pas les médias, qu’elle accuse de complicité en invitant ces ONG « pour créer du buzz, du contenu, alors que ça fait beaucoup de dégâts ».
Mais la toxicologue n’a pas simplement choisi de « se lancer dans la communication du risque », elle a aussi décidé de dénoncer ces ONG qui « se sont engouffrées dans le paradoxe des marchands de doutes (les industriels du tabac) pour utiliser eux-mêmes, de bonne ou mauvaise foi, les mêmes méthodes d’entretien du doute sur les faibles doses ». Et de préciser qu’il s’agit pour ces associations « d’exister dans les médias » et de « récolter des dons ».
D’où la nécessité, selon elle, de rétablir quelques « vérités qui dérangent ». Comme, par exemple, le fait que « le niveau de protection s’est clairement amélioré depuis la mise en place des grands règlements UE depuis 2009 ». Enfin, concernant la croisade antipesticides de Valérie Murat, qui a fondé l’association Alerte aux toxiques ! en 2016, à la suite du décès de son père, victime d’une maladie professionnelle reconnue en lien avec l’arsénite du sodium, Annette Lexa explique: « Elle cherche à donner un sens à la mort de son père. On parle de conflit de loyauté, je crois. Son père appartenait à une génération qui ne se protégeait pas. Cette époque est révolue. Nous sommes entrés dans une ère plus mature et responsable. Ce combat est dépassé. »
Des prises de position courageuses, qui lui valent aujourd’hui les attaques répétées des « gardes verts », garants des dogmes écologistes fanatiques.