Alors que le traditionnel Salon de l’Agriculture n’aura pas lieu en raison de la crise sanitaire, le président de la République s’est rendu, le 23 février, dans le village d’Étaules, situé à une quinzaine de kilomètres au nord de Dijon. Ce ne fut pas l’occasion pour le chef de l’État de prononcer un grand discours « fondateur », à l’instar de celui du 11 octobre 2017, à Rungis, dans lequel il avait tracé les grandes lignes de cette « nouvelle France agricole » qu’il souhaitait voir émerger. Il est vrai qu’entre les grandes promesses des États généraux de l’alimentation, notamment au sujet d’une juste rémunération des agriculteurs, et la criante réalité vécue sur le terrain, l’écart est saisissant. Car, hormis dans le cas de la filière laitière, le fameux « ruissellement vers le bas » reste toujours à l’état de théorie.
« Aujourd’hui, beaucoup ont joué les uns contre les autres », a ainsi dû admettre Emmanuel Macron, qui s’est insurgé en particulier contre « un grand distributeur » qui demande une baisse de 10 % des tarifs à des fabricants de charcuterie. « On se fiche du monde, quand on fait cela. On fait de petits efforts sur des couloirs de nage et on continue à détruire de la valeur ailleurs », s’est indigné, avec raison, le président.
La question de la juste rémunération fut également évoquée le soir de ce même jour, dans le débat animé par le journaliste Julian Bugier qui a suivi la diffusion sur France 2 du documentaire NousPaysans. Grâce à de superbes documents d’archives, on y a (re)découvert de façon poignante toute la dureté de ce monde impitoyable, où étaient enfermés ces paysans et ces paysannes qui ne survivaient que pour faire vivre le reste de la France. Nulle nostalgie mais un très bel éloge de ces hommes et femmes qui ont construit la République.
C’est donc dommage de constater, avec Charlotte Vassant, agricultrice picarde, que « le documentaire s’est arrêté avant 1980, il nous reste 40 ans d’agriculture non expliquée ». « Rien sur le fait que l’agriculture ait réussi à alimenter sainement et quantitativement une population croissante et concentrée dans les villes », déplore pour sa part Christian Rousseau, céréalier dans la Marne. À la place, on a eu droit, dans le dernier quart d’heure du reportage, aux habituels clichés sur les méfaits du « productivisme » et de la chimie. « C’est assez marrant qu’un documentaire puisse d’abord montrer la rudesse du travail d’une agriculture de subsistance et juste ensuite, se mettre à critiquer les outils qui ont permis aux agriculteurs de s’en délivrer », ironise Josselin Saint-Raymond, directeur de l’ANPP. De toute évidence, il reste donc à France 2 à faire découvrir aux Français l’agriculture telle qu’elle se pratique vraiment aujourd’hui. Une agriculture de progrès, qui fournit l’une des alimentations les plus saines de la planète.