La publication du rapport d’étape réalisé par les quatre pays rapporteurs du dossier du glyphosate ouvre la voie à la réhomologation de cet herbicide contreversé.
Fait inédit dans l’histoire réglementaire européenne, l’Efsa a décidé de communiquer sur les conclusions délivrées par le pays rapporteur en charge d’un dossier de réhomologation, en l’occurence celles des quatre pays ayant travaillé en commun sur la question de la réhomologation du glyphosate ( AGG ) , les autorités nationales de France, Hongrie, Suède et Pays-Bas ont ainsi étudié « tous les éléments de preuve soumis par les entreprises qui demandent un renouvellement de l’autorisation de commercialisation de cette substance dans l’ UE ».
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Le rapport préliminaire rédigé par l’AGG, qui compte environ 11 000 pages , conclut que le glyphosate ne peut pas être classé comme mutagène, ni comme un agent affectant certains organes comme le foie, les poumons ou le système nerveux, qu’il n’est pas un perturbateur endocrinien, qu’il n’est pas cancérigène, ni reprotoxique ( toxique pour les fonctions reproductrives ).
Ouvrant la voie à une réhomologation de l’herbicide, cet avis a immédiatement suscité de vives critiques de la part des agitateurs antiglyphosate.
« La déception est grande », a ainsi réagi Générations Futures, qui a d’ores et déjà promis « d’éplucher en détail ce document pour en repérer les moindres failles ». On imagine sans peine l’objectivité dont feront preuve les « experts » mandatés par l’association pour accomplir ce travail de «vérification»…
Pour sa part, le militant journaliste Stéphane Foucart se raccroche désespérément à l’avis rendu en 2015 par le Circ – le Centre international de recherche sur le cancer – qui avait alors classé le glyphosate dans la catégorie « cancérogène probable ».
« À l’inverse des autorités réglementaires, cette agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), principale autorité de classification des agents cancérogènes dans le monde, considère depuis 2015 le glyphosate comme “cancérogène probable” », écrit Stéphane Foucart, en reconnaissant que « les autorités réglementaires du Vieux Continent (et des États-Unis) ne partagent pas cet avis ».
Pour être tout à fait exact, il aurait dû préciser qu’en réalité, le Circ fait cavalier seul face à l’ensemble des agences sanitaires mondiales qui ont analysé les propriétés chimiques de cette molécule. Comme on conçoit difficilement que le panel des experts des quatre pays rapporteurs ait pu volontairement ignorer les études prises en compte par le Circ, il semble bien plus raisonnable de considérer l’avis de ce dernier comme obsolète. Aussi, dans cette logique, une révision de cet avis s’impose.
Une conclusion attendue
De fait, si les conclusions de l’AGG ne constituent nullement une surprise au regard de ce que l’on peut lire dans la littérature scientifique, elles apportent indubitablement la preuve qu’il y a eu, concernant ce produit, la mise en œuvre d’une véritable « fabrique du doute ». Comme le révèle notre livre Glyphosate, l’impossible débat : intox, mensonges et billets verts (Le Publieur, 2021), tous les éléments de langage autour du glyphosate ont été élaborés par de fameux cabinets d’avocats américains dans le cadre de leurs poursuites judiciaires, d’abord contre Monsanto, puis contre Bayer.
S’appuyant sur les agitateurs anti-glyphosate, ces cabinets d’avocats ont su susciter l’ignorance et la méfiance du public envers ce produit, et gagner ainsi un premier round de procès en Californie, mettant en difficulté le géant allemand.
Parmi ces agitateurs figurent des noms bien connus comme François Veillerette, le patron de Générations Futures, ou encore le journaliste décroissant du Monde Stéphane Foucart, mais aussi d’autres plus obscurs, tel un certain Mikaël Salson.
Le cas de Mikaël Salson
Maître de conférences en informatique à l’université de Lille, celui-ci anime, sous le pseudonyme de Yannick Nassol, le blog Factsory, qui s’est donné pour tâche de faire « la chasse aux idées reçues et mensonges éhontés ».
On y trouve essentiellement une reprise des thèses de Foucart, comme la défense de sa principale source d’information nommée Christopher Portier, mis en cause pour ses conflits d’intérêts, ainsi qu’une multitude d’attaques contre les agences d’homologation, censées « ne pas refléter la science ».
« Les agences sanitaires rendent des avis qui, en raison des modes de fonctionnement qui leur sont imposés, ne reflètent pas nécessairement l’état des connaissances sur une substance », martèle Yannick Nassol. Accusant l’Efsa de ne pas faire correctement son travail, notamment en ayant écarté quelques méta-analyses, le blogueur s’étonne que « certaines personnes préfèrent faire confiance à ça [l’Efsa] plutôt qu’au Circ qui ne s’appuie que sur des données publiques et dont les personnes ayant participé à l’écriture du rapport sont connues et sans conflit d’intérêts ». À l’en croire, le rôle de Christopher Portier se serait limité à servir le café aux membres du panel du Circ…
Macron mis en difficulté
En réalité, l’unanimité des agences sanitaires sur la non-cancérogénicité du glyphosate met en difficulté le discours des ONG écologistes, qui ne peuvent sérieusement soutenir que quatre autorités sanitaires européennes supplémentaires – après celles de l’Allemagne, du Canada et des États-Unis – auraient subi simultanément de fortes pressions de la part des lobbys de l’agrochimie qui leur auraient dicté ces conclusions.
Hormis aux yeux des quelques militants les plus convaincus, la vérité est donc en train d’apparaître au grand jour : toute cette affaire n’est qu’une histoire de gros sous qui s’est déroulée outre-Atlantique, orchestrée par ces cabinets d’avocats américains, qui n’ont d’ailleurs jamais, pour leur part, exigé l’interdiction du glyphosate !
Enfin, le rapport met à mal la stratégie du président Macron, qui comptait pouvoir s’appuyer sur une expertise défavorable au glyphosate pour pouvoir justifier son interdiction. Avec les conclusions rendues par l’AGG, dont fait partie l’Anses, l’autorité sanitaire française, c’est en effet toute la stratégie présidentielle qui tombe à l’eau. Car on imagine mal comment le gouvernement français pourrait contre- dire sa propre autorité sanitaire. Sauf à céder à la pression écologiste en allant à l’encontre de la science…
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