« La puissance d’une nation se mesure par le commerce extérieur », a déclaré tout récemment le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Cette affirmation, légitime, rend d’autant plus surprenant le silence de son cabinet sur la stratégie « De la ferme à la table », promue par la Commission européenne.
En effet, une étude réalisée par le Centre commun de recherche (CCR), une émanation de la Commission, indique que la mise en place de la stratégie « Farm to Fork » entraînerait à l’échelle européenne une chute globale de 15 % de la production des céréales et des oléagineux, de 13 % pour les fruits et légumes, de 10 % pour les produits laitiers, de 17,5 % pour la viande bovine et de plus de 15 % pour le porc et la volaille. Ces chiffres n’ont rien d’étonnant et sont même plus sévères que ceux publiés par les économistes de l’USDA, qui évaluaient, il y a déjà presque un an, la baisse de la production européenne de 7 à 12 %.
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Publié au beau milieu de la pause estivale, ce rapport a fait l’objet de si peu de publicité que le Copa-Cogeca s’est demandé s’il ne s’agissait pas là d’une volonté d’enterrer « un rapport qui dérange ». Une hypothèse d’autant plus plausible que, dans une note datée de décembre 2020, la Commission avait contesté les chiffres américains démontrant que le besoin en surfaces agricoles pour nourrir les citoyens européens serait diminué en raison de l’évolution démographique et que, grâce à l’augmentation des rendements due aux « meilleurs systèmes de rotation des cultures, à une meilleure gestion des sols et une utilisation accrue des outils d’aide à la décision (…), la production céréalière totale de l’UE devrait rester stable à 277 millions de tonnes ». Ce que vient donc de démentir formellement le CCR, qui ajoute en substance que, quel que soit le scénario étudié, plus de la moitié de la réduction des émissions de gaz à effet de serre due à la diminution de la production entraînerait une augmentation équivalente de ces émissions dans les pays tiers. « Pour être vertueuse, l’Europe va tout simplement exporter ses nuisances », déplore Gilles Keller, en charge du dossier de la PAC pour la Coordination rurale, tandis que Christiane Lambert fulmine : « Détruire notre agriculture pour ensuite importer du carbone, ce n’est pas responsable ! » Elle précise : « Dans tous les scénarios, on observe en outre une augmentation nette des prix de la production d’environ 10 %, avec un impact négatif sur les revenus de la plupart des agriculteurs. » Autrement dit, le CCR confirme que « De la ferme à la table » n’est ni plus ni moins qu’un beau projet… perdant-perdant !