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Aymeric Caron : l’aile antispéciste et malthusienne de la Nupes

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Copie écran Youtube de l'émission C à Vous ! de France 5 dont l'invité était Aymeric Caron

Pour les législatives 2022, l’alliance avec le parti antispéciste d’Aymeric Caron confirme que LFI n’hésite pas à courtiser l’aile la plus radicale de l’écologisme

Le bon score réalisé par Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle a provoqué un déplacement manifeste du centre de gravité de l’écologie politique, qui se situe désormais au sein de La France insoumise (LFI). Et si Europe Écologie-Les Verts (EÉLV) et LFI s’accordent sur une même ligne politique de décroissance, le parti de Mélenchon, à la différence d’EÉLV, prône la mise en place d’une « écologie de rupture », à savoir une écologie radicale sur le modèle cubain, imprégnée d’un anticapitalisme typique de l’extrême gauche.

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Six investitures pour le parti antispéciste de Aymeric Caron


Rien n’illustre mieux cette radicalisation que l’adhésion de la Révolution écologique pour le vivant (Rev) à la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes). Ce parti fondé en 2018 par l’ancien journaliste Aymeric Caron, qui, selon l’hebdomadaire Marianne, aurait apporté sa contribution à la rédaction du programme de Mélenchon sur le chapitre de la condition animale, a ainsi obtenu l’investiture d’au moins six candidats pour les prochaines législatives.

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Ce qui n’a pas manqué de ranimer des polémiques concernant certaines prises de position d’Aymeric Caron, lui-même candidat dans la 18e circonscription de Paris. Ainsi, un journaliste du Figaro a exhumé une de ses interventions datée de 2017, dans laquelle il proposait d’instaurer « un permis de voter, exactement comme il y a un permis de conduire ». « À chaque élection, on s’assure que les connaissances liées à l’enjeu du moment sont bien maîtrisées », expliquait alors Caron, qui poursuivait : « On répondrait à un petit QCM qui vérifie que vous avez bien les connaissances. » Le responsable antispéciste a rétorqué que, si cette proposition figurait bien dans son essai d’utopie intitulé Utopia XXI (Flammarion, 2017), son parti « ne porte pas cette mesure » et il ne la défendra pas en tant que candidat de la Nupes.

Dans une de ses interventions datée de 2017, Aymeric Caron proposait d’instaurer «un permis de voter, exactement comme il y a un permis de conduire

Et pour cause, le parti de Jean-Luc Mélenchon proposant, quant à lui, de rendre le vote obligatoire ! « Une mesure à laquelle Aymeric Caron se disait hostile sur C à vous, qualifiant l’idée “d’hérésie” et “d’atteinte à la liberté ”», comme le souligne le journaliste de Marianne Pierre Lann. Des positions par conséquent totalement antagonistes qui trahissent le caractère opportuniste de cette drôle d’alliance.

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Dans l’ombre de Dieudonné

Une autre polémique concerne la personnalité d’Azelma Sigaux, responsable communication et porte-parole de la Rev, qui est candidate aux élections législatives dans la deuxième circonscription de Haute-Loire. C’est le twittos dénommé @GastonCremieux qui, le 10 mai, a rappelé que le père de la candidate, Jacky Sigaux, « est tristement célèbre pour avoir joué le déporté dans les spectacles de l’antisémite Dieudonné », et qu’« il est même allé jusqu’à décerner un sinistre “prix de l’infréquentabilité et de l’insolence” sur scène au négationniste Faurisson ». Dès 2019, Azelma Sigaux avait clairement pris ses distances avec Dieudonné, en indiquant qu’elle ne partageait pas « les idées qu’il développe désormais dans ses vidéos ».

Toutefois, dans ce même texte, elle ne prenait aucune distance avec les agissements de son père, se contentant de préciser qu’il « n’est ni antisémite ni fasciste ». Et quand, en 2017, Dieudonné avait partagé sur sa page Facebook un lien vers le site internet d’Azelma Sigaux, cette dernière avait répondu sur un ton complaisant : « Merci Dieudo ! Mon 2 e bouquin sort en juin mais le premier ferait un bon cadeau de Noël à tes fans, jeunes et moins jeunes. »

En réalité, par-delà ces points de polémique, c’est bien l’ensemble du socle idéologique de la Rev qui pose problème. Concernant l’agriculture, la Rev défend ainsi une réforme radicale visant à aboutir à « un modèle entièrement végétal, biologique et non-intensif ». En d’autres termes, la Rev s’affirme favorable à l’interdiction de toute forme d’élevage, ainsi d’ailleurs qu’à toute forme de pêche. Dans ce contexte, elle dénonce « l’hypocrisie » du parti écologiste : « Le triptyque “paysan, local, respectueux des animaux” est systématiquement dégainé pour défendre l’élevage cher au cœur des écologistes d’EÉLV et justifier une consommation carnée à laquelle quasiment aucun d’entre eux n’a personnellement renoncé. » Les éleveurs adhérents à la Confédération paysanne apprécieront particulièrement, puisque, le 12 mai, leur syndicat a annoncé soutenir la Nupes…

Signe de l’influence exercée par ce groupuscule, Caron a d’ailleurs déjà obtenu du parti de Mélenchon la fin des « fermes usines [sic] » et « l’abolition de la corrida ou de la chasse à courre ». Une première étape vers la reconnaissance du droit de tous « les animaux non humains sensibles » à ne pas être tués. Ce positionnement extrême n’a rien de surprenant vu qu’il émane de l’idéologie antispéciste décrite par Aymeric Caron comme « le refus du spécisme, c’est-à-dire un système de pensée dominant qui considère que nous devrions faire un tri parmi les espèces entre celles qui méritent notre respect et les autres ».

Ainsi, dans une vidéo réalisée en 2019, l’ancien journaliste prenait la défense des moustiques femelles qui « cherchent dans le sang de leur victime des protéines pour nourrir leurs œufs en développement et donc leurs bébés ».

En d’autres termes, la Rev s’affirme favorable à l’interdiction de toute forme d’élevage, ainsi d’ailleurs qu’à toute forme de pêche

Avant de conclure que cet insecte « est en fait une dame qui », en nous piquant, « risque son avenir pour ses enfants en devenir ». Selon Caron, « un antispéciste considère que les moustiques ont le même droit à vivre que vous et moi et que n’importe quel être vivant sur cette planète ». Avec un bémol lorsqu’il s’agit de moustiques… vecteurs de maladies.

Dans le même registre, le parti de Caron propose le remplacement du Sénat par une « Assemblée naturelle », où siégeraient des représentants d’animaux et d’organismes vivants. Cette Assemblée réunirait un tiers d’élus, les deux tiers restants étant alors composés de hauts fonctionnaires « spécialement formés à toutes les questions qui touchent le vivant » et de représentants d’ONG. Désignés par un « Comité du vivant », un « collège de sages et d’experts constitué de scientifiques et d’intellectuels compétents », ces technocrates seraient investis d’un droit de veto sur l’ensemble des décisions de l’Assemblée nationale, dès lors qu’ « une loi contrevient aux intérêts du vivant ».

Autrement dit, la Rev se prononce en faveur d’un changement radical de l’équilibre des pouvoirs de la Ve République, comprenant notamment la suppression du poste de président de la République, au profit d’une caste de technocrates. On est très loin, là encore, de l’idéal mélenchoniste du « droit du peuple à exercer sa souveraineté ». Mais peu importe, car l’objectif poursuivi par LFI en s’associant à la Rev est avant tout de séduire l’électorat sensible à la cause animale et aux idées antispécistes radicales.

Enfin, la Rev brise le tabou que constitue chez les écologistes la question de la surpopulation.

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