Le 29 juin, la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire a confirmé la mise en place d’une « aide alimentaire d’urgence » en faveur des 9 millions de foyers les plus modestes. Une mesure qui remplace momentanément le chèque alimentaire imaginé par la Convention citoyenne pour le climat
Au chèque alimentaire prévu initialement, le gouvernement a finalement substitué un chèque anti-inflation ou une prime inflation. Estimée à un coût global d’un milliard d’euros, cette nouvelle aide de l’État à destination des 9 millions de foyers français les plus pauvres va se décliner en virements de 100 euros par personne, majorés de 50 euros par enfant à charge, qui seront versés, à la rentrée, directement sur le compte en banque des ménages concernés, libres d’utiliser ces sommes selon leurs besoins.
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Changement de priorité pour le gouvernement
On est donc aujourd’hui très loin du chèque alimentaire tel qu’il avait été imaginé par la Convention citoyenne pour le climat, et repris ensuite par Emmanuel Macron pendant sa campagne électorale, qui ne constituait en réalité rien d’autre qu’une aide déguisée versée, indirectement aux acteurs de l’agriculture biologique. Quoique destiné, selon les propos du président, aux classes modestes et classes moyennes , ce chèque alimentaire devait leur permettre d’avoir accès aux produits issus de l’AB, et plus particulièrement aux AMAP. Une manière de compenser le surcoût inévitable de ce genre de denrées alimentaires, plus onéreuses à produire en raison de la charge salariale plus importante. « Le chèque alimentaire doit cibler les produits sains et non cancérigènes [sic] », insistait pour sa part le MoDem, qui souhaitait ainsi voir « baisser les prix des produits de qualité afin qu’ils deviennent accessibles au plus grand nombre ».
Or, on peut raisonnablement se demander si la priorité de ceux qui ont du mal à boucler leurs fins de mois consiste vraiment à acheter des produits qui ne leur apporteront aucun bénéfice nutritionnel ou sur leur santé… Comme le note le Secours populaire, dans son dossier « Pauvreté-Précarité » de 2021, pour 64 % des 9 millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté, « il leur arrive régulièrement de ne plus savoir sur quelles dépenses faire des compromis, car ils ont déjà réduit tout ce qui pouvait l’être ». Et de préciser : « Quand on est parent, cela veut dire se priver régulièrement, y compris de nourriture. »
Aussi, privilégier le pouvoir d’achat général au moment où le pays se trouve confronté à une inflation galopante semble de toute évidence bien plus raisonnable qu’apporter une aide pour acheter des produits vendus dans les enseignes du type Biocoop et consorts…
Une mesure qui ne répond pas aux enjeux annoncés
D’autant que le rapport rendu par les Inspections générales des affaires sociales, des finances et de l’agriculture (IGF et IGAS) aux ministères de l’Économie, de l’Agriculture et de la Santé, a clairement fait savoir qu’il ne préconisait pas le déploiement de la version initiale du chèque alimentaire, estimant celui-ci inadéquat pour « répondre à des enjeux pourtant primordiaux ». C’est ce qui explique que le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, se montre lui-même très dubitatif, se disant « prêt à regarder toutes les propositions », à condition « qu’elles tiennent la route ». « Je ne vais pas dire aux Français : ”On a trouvé un super dispositif, vous allez pouvoir aller dans votre magasin prendre des produits bio ou sourcés français qui vont bénéficier strictement aux producteurs français”, car ça je ne sais pas faire », a-t-il lancé sur BFMTV, en soulignant le fait que personne n’a été en mesure de lui proposer un dispositif qui soit immédiatement opérationnel.
Reporté mais pas abandonné
Du côté de la rue de Varenne, on fait savoir qu’un chèque alimentaire verra bien le jour, mais pas avant novembre. « On a travaillé depuis deux ans sur le sujet, mais reconnaissons que c’est un sujet complexe », a admis le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, sur Franceinfo. Il a donc promis de « réunir tout le monde : les agriculteurs, les producteurs, les différentes filières » afin de répondre à plusieurs interrogations : « La question, c’est bio ou pas bio ? C’est fruits et légumes, pas fruits et légumes ? C’est quel type de produits carnés ? C’est ça qui compte et quel est le modèle agricole que l’on défend à travers ça. »
Un vaste sujet qui promet encore moult discussions à venir, au regard de l’importance des enjeux financiers impliqués. Ainsi, pour la FNSEA, ce chèque doit concerner sans distinction « tous les produits alimentaires bruts ou transformés, d’origine animale ou végétale » et être « utilisable dans tous les canaux de distribution sans restrictions ».