AccueilPesticidesL’automne bruyant des associations antipesticides

L’automne bruyant des associations antipesticides

Alors que la législation de l’Union européenne concernant les produits phytosanitaires est en cours de révision, les ONG écologistes comme Pesticide Action Network Europe et ses partenaires intensifient leur guerre contre les pesticides

Depuis la rentrée, en septembre, le lobby antipesticides a multiplié les actions, aussi bien à l’échelle française qu’européenne, prenant pour cible l’usage des pesticides.

Le ton en fut donné par la publication d’un dossier de Générations Futures intitulé Pollution des eaux par des métabolites de pesticides le 22 septembre, le jour même où était diffusé un numéro du magazine « Complément d’enquête » consacré au sujet et où paraissait dans Le Monde un long article signé de Stéphane Foucart. Profitant d’une anomalie touchant aux limites réglementaires de certains métabolites de pesticides, cette opération coordonnée suggérait que 12 millions de personnes auraient eu accès à de l’eau dont les seuils de qualité étaient dépassés. Un soufflé qui devait vite retomber, lorsque l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) eut finalisé son calcul du seuil acceptable pour le métabolite du S-métolachlore, un herbicide utilisé notamment en grande culture. Avec le passage μg/L à 0,9μg/L,97%des eaux distribuées qui étaient déclarés non conformes sont ainsi redevenus conformes.

Pan Europe à la manœuvre

Quelques jours plus tard, le 27 septembre, c’était au tour de l’association Pesticide Action Network Europe (Pan Europe) – dont l’ONG Générations Futures est membre – de rendre public son rapport intitulé Pesticide Paradise soulignant « l’urgence de nous libérer des chaînes que nous impose l’industrie chimique ». Un dossier ayant pour objectif de dénoncer le « contrôle bien trop important » qu’exercerait l’industrie chimique sur les réglementations européennes. Le discours bien rodé de Pan Europe ne varie jamais d’un iota : la législation européenne sur les pesticides se déciderait dans le bureau des patrons de BASF, Bayer et autres multinationales.

Cette publication a donné le coup d’envoi du « Rachel Carson Pesticide Action Month » – une quinzaine d’événements européens antipesticides étalés sur un mois –, une initiative de Pan Europe pour célébrer le soixantième anniversaire de la publication du livre de Rachel Carson Printemps silencieux, véritable réquisitoire contre les pesticides.

Peu connu du public français, le réseau Pan Europe joue cependant un rôle déterminant dans le lobbying mené par la nébuleuse antipesticides à l’échelle européenne. Basé à Bruxelles, et longtemps présidé par la coqueluche du lobby bio qu’est François Veillerette, Pan Europe a été fondé dès 1983 dans le dessein de peser sur la législation européenne. Ce réseau regroupe une cinquantaine d’associations écologistes européennes, dont deux françaises, Générations Futures et Justice Pesticides.

Peu connu du public français, le réseau Pan Europe joue cependant un rôle déterminant dans le lobbying mené par la nébuleuse antipesticides à l’échelle européenne

Quelques semaines plus tard, le 18 octobre très exactement, Pan Europe publiait son Atlas des pesticides, qui condense en soixante pages tous les poncifs antipesticides les plus éculés, reprenant notamment les chiffres farfelus selon lesquels « 385 millions de personnes, soit environ la moitié des agriculteurs et travailleurs agricoles du monde, sont empoisonnées chaque année ». Document qui est également disponible sur le site de Générations Futures… Le lendemain, 19 octobre – toujours dans le cadre du mois d’action Rachel Carson contre les pesticides –, le relais passait entre les mains de Good Food Good Farming (GFGF) pour une opération de communication. Également peu connue en France, GFGF est une campagne organisée par la Convention agricole et rurale 2020 (ARC2020), plateforme multi-acteurs créée, financée et hébergée par la Fondation pour le progrès de l’homme. Pour l’occasion, GFGF a donc rendu public un rapport d’analyse de résidus de pesticides dans les cheveux de 300 personnes dans toute l’Europe, intitulé Pesticide- CheckUp. Parmi les 300 personnes testées figuraient 44 individus, membres du Parlement européen, scientifiques et journalistes, dont l’analyse avait été réalisée par l’association Pollinis, spécialisée elle aussi dans le lobbying antipesticides.

Pollinis entre en scène

De façon opportune, Pollinis organisait le 26 octobre au Parlement européen sa propre conférence de presse, mettant en vedettes les principaux euro-députés engagés dans la lutte contre les pesticides, comme le socialiste Éric Andrieu ou l’écologiste Sarah Wiener. L’occasion de distiller une nouvelle fois un discours anxiogène à souhait, en faisant état de l’« omniprésence de pesticides » et de « risques pour la santé », alors qu’une lecture rapide du document présenté indique que sur 44 échantillons de cheveux, 19 ne présentent aucun résidu de pesticides ou sont au-dessous de la limite de quantification, et 15 n’en ont qu’un seul. Et quand des résidus sont quantifiés, ils sont infinitésimaux. La plus élevée des concentrations trouvées concerne l’alléthrine, avec 0,0000018 gramme dans 1 gramme de cheveu. L’association Pollinis a dû elle-même admettre, très discrètement, que l’on ne peut rien déduire de ces analyses en termes de risques pour la santé…

Pour donner davantage de visibilité à cette action conjointe, GFGF a par ailleurs organisé le 27 octobre une manifestation réunissant une centaine de militants devant le Parlement européen sur le thème « Detox EU Agriculture ! », produisant pour l’occasion « les demandes que des centaines de citoyens de l’UE [leur] ont envoyées, accompagnées d’une mèche de cheveux – le témoignage silencieux de leur exposition aux pesticides ».

Enfin, en parallèle, ont été organisés divers séminaires et conférences. Ce fut ainsi, le 22 septembre, en Italie, à Turin, le « Forum Silent Spring » ; le 25 septembre, le webinaire « Fumée et miroirs : les tactiques de relations publiques de l’industrie des pesticides » organisé par Pan UK ; le 28 septembre, une « Rencontre des maires de villes sans pesticides à Bruxelles » ; le 6 octobre, un séminaire orchestré par Corporate Europe Observatory sur le thème « Science, lobbies et environnement », où intervenait notamment le journaliste décroissant Stéphane Foucart ; le 25 octobre, un événement en ligne intitulé « Hommage à Printemps silencieux : histoires de la ligne de front dans la lutte pour un avenir sans pesticides », organisé par les Friends of the Earth International.

Ce tour d’horizon serait incomplet sans la mention de la célébration, le 10 octobre, de la validation de l’Initiative citoyenne européenne (ICE) de la nébuleuse antipesticides intitulée « Sauvons les abeilles et les agriculteurs ! », qui a dépassé l’indispensable million de signatures pour être pris en compte légalement par la Commission européenne, et réclamant une réduction de 80 % de l’utilisation de pesticides de synthèse dans l’agriculture de l’UE d’ici 2030, et 100% d’ici 2035. Pour Pan Europe, « cette initiative marque la fin d’une époque où l’industrie chimique était maître du jeu. Cette fois, c’est pour de bon ! ».

Par-dessus tout, cette mobilisation inédite a pour objectif de peser sur les discussions en cours au sein de l’UE à propos du règlement SUR (Sustainable Use of pesticides), une bataille législative considérable qui devrait être déterminante pour l’avenir proche de l’agriculture européenne.

Pour aller plus loin :
Derniers articles :

Dans la même rubrique

Une France sans producteurs de noisettes ?

Les impasses techniques provoquées par les interdictions de produits phytosanitaires entraînent des difficultés dans de nombreuses filières, menaçant même l’existence de certaines d’entres elles....

En ce moment

Restez informer en recevant régulièrement

La Newsletter A&E