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Du mésusage des clauses miroirs

En marge du Congrès du maïs, qui s’est tenu à Clermont-Ferrand en novembre dernier, Marine Colli, consultante en affaires publiques, est revenue sur la question des clauses miroirs, que nombre d’acteurs du monde agricole souhaitent mettre en place face aux pratiques déloyales de certains pays exportateurs. Face à la menace de distorsions de concurrence qu’induirait un accord avec les pays du Mercosur, l’AGPM (Association générale des producteurs de maïs) souhaite y inclure des « clauses miroirs » et des « mesures miroirs ». De quoi s’agit-il exactement ?

À propos de l’enjeu de réciprocité des normes de production dans les échanges commerciaux, il est en effet souvent évoqué – la plupart du temps sans distinction – les « clauses miroirs » et les « mesures miroirs », alors que ces deux solutions, certes complémentaires, recouvrent des réalités juridiques bien différentes.

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Clauses miroirs ou miroir aux alouettes ?

Une « mesure miroir » est une mesure adoptée de manière unilatérale par une seule partie, par exemple l’UE, et dans le cadre d’une législation sectorielle, qui s’applique à tous les volumes importés, avec ou sans accord de libre-échange. Son exemple le plus connu remonte à 1988, avec l’interdiction d’importer du bœuf aux hormones. 

En revanche, une « clause miroir » est une clause que l’on inscrit dans un accord de libre-échange avec un partenaire donné, pour conditionner l’ouverture d’un contingent concernant un produit particulier à un droit de douane spécifique lié au respect d’une ou de plusieurs normes de production. À titre d’exemple, l’accord avec le Mercosur contient une clause miroir qui vient conditionner l’accès au marché européen des œufs coquilles en provenance du Mercosur au respect des normes de bien-être animal européennes relatives à l’élevage de poules pondeuses. Il y a donc, dans ce cas, un accord entre les deux parties.

Ces accords bilatéraux sont souvent présentés par leurs promoteurs comme des leviers efficaces pour « aligner » la politique de commerce international sur les objectifs que se fixe l’Union européenne en matière de durabilité et de souveraineté alimentaire.

N’est-ce pas le cas  ?

Cela pourrait être vrai. Si elle le décidait, l’UE pourrait utiliser ces « contrats » passés avec les principaux exportateurs agricoles mondiaux pour conditionner les préférences commerciales accordées au respect des mêmes normes de production qu’elle impose aux agriculteurs travaillant sur son territoire.

Or, cette logique ne prévaut pas dans les accords bilatéraux tels que négociés aujourd’hui. À quelques mesures non contraignantes près, exposées dans leur chapitre « Développement durable », ces accords ne consistent qu’à abaisser les droits de douane pour augmenter les échanges commerciaux à l’échelle de la planète, sans exigences liées aux modes de production des produits concernés.

Prenez le cas de l’accord avec la Nouvelle-Zélande, pourtant présenté comme une bonne nouvelle pour l’environnement par certains députés européens qui, se targuant d’être de fervents défenseurs de la nature, ont voté en faveur de sa ratification.

Concernant les quotas de produits agricoles importés, la logique reste la même : abaisser les droits de douane pour importer plus de viandes ou de produits laitiers qui auront fait le tour de la planète, alors que nous en produisons chez nous. Un comble lorsqu’on sait que les politiques environnementales européennes visent une baisse drastique de la production et de la consommation de ces produits sur le territoire de l’UE !

En outre, les systèmes bovins laitiers de Nouvelle-Zélande utilisent abondamment des substances actives interdites en Europe. C’est le cas de l’atrazine, par exemple, employée pour traiter les cultures fourragères. La Nouvelle-Zélande est aussi la première importatrice mondiale de tourteaux de palme issus de la déforestation pour nourrir ses troupeaux laitiers. Mais l’accord n’intègre aucune « clause miroir » sur ces sujets-là. Il ne dit rien, non plus, des distorsions de normes de traçabilité ou de bien-être animal entre l’UE et la Nouvelle-Zélande.

Certes, l’accord contient bien une et une seule « clause miroir », dont la France se félicite bien haut. Il s’agit d’une clause interdisant à la Nouvelle-Zélande l’exportation de viandes produites dans des « feedlots » (centres d’engraissement industriels de bovins). Une condition plutôt facile à remplir pour les exportateurs néo-zélandais étant donné qu’il n’existe dans ce pays aucun feedlot…

En revanche, la majorité des bovins dont proviennent les viandes envoyées en Europe depuis le Mercosur, les États-Unis, le Canada ou l’Australie sont bien engraissés en feedlots sans que, jamais, l’UE n’ait eu l’idée d’intégrer de clause similaire dans les accords passés (ou en discussion) avec ses partenaires. Curieux, non ?

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