Apiculteur professionnel dans l’Hérault, Éric Lelong, président de la commission apicole de la FNSEA et également président de l’Interprofession apicole, précise pour A&E la position du syndicat agricole concernant la prochaine révision de la directive Miel
La Commission européenne travaille à une révision de la directive Miel. Où en est le dossier aujourd’hui ?
Dans le cadre de la révision du règlement « petit-déjeuner », l’ambition toute relative de la Commission consistait simplement à supprimer la possibilité de mettre uniquement la mention « UE » ou « non UE » sur les pots de miel, et de rendre obligatoire l’indication du ou des pays d’origine. Les commissions Agriculture et Environnement ont été sollicitées pour avis, ce qui a permis à la FNSEA, par le biais du Copa et de certains députés, de proposer des amendements beaucoup plus ambitieux. Notamment pour instaurer des mesures complémentaires sur les analyses, la traçabilité, et la précision sur les étiquettes des pourcentages respectifs de miels, lorsqu’il s’agit d’un assemblage de miels de différents pays.
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Ces modifications ont été adoptées par le Parlement à une très large majorité, obligeant ainsi la Commission à appeler à un « trilogue », afin de prendre en compte la position du Conseil et celle du Parlement.
Est-il vraiment utile d’indiquer sur les pots les pourcentages des différentes provenances, sachant qu’aucune analyse n’est en mesure de vérifier cette information ?
Absolument. Nous estimons nécessaire d’indiquer les pourcentages exacts, et cela pour une raison simple. C’est en permettant de réaliser une traçabilité comptable et documentaire, qui prend en compte les stocks des conditionneurs, qu’on peut, dans un premier temps, mettre en évidence d’éventuelles anomalies.
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Évidemment, il faut que cela soit ensuite vérifié par des analyses complémentaires dans les pots de miel. On ne demande rien d’autre que ce qui existe déjà sur les emballages des produits transformés, lesquels comportent bien le pourcentage des ingrédients des recettes utilisées ! Il est entendu qu’on ne va pas vérifier la réalité de ces pourcentages dans les pots de miel commercialisés, puisque cela n’est pas possible. Mais il s’agit d’avoir suffisamment d’éléments pour pouvoir établir une analyse « comptable », qui permette de vérifier la conformité entre les achats des conditionneurs et les volumes mis en commercialisation ou bien dans les stocks. Cette méthode a fait ses preuves, notamment dans le dossier des lasagnes au cheval. C’est en effet grâce aux bordereaux de douane – donc par de l’analyse documentaire – que, dans un premier temps, la fraude a été suspectée, et a pu être ensuite confirmée par des analyses.
Mais pensez-vous sérieusement pouvoir combattre les fraudes, très courantes dans le secteur du miel, comme l’ont révélé plusieurs enquêtes, en indiquant simplement sur les pots les origines des miels et les pourcentages ?
Non, il est évident que cela ne suffira pas. Il faut à la fois des outils de contrôle et de traçabilité mais aussi un arsenal de sanctions. C’est-à-dire qu’en plus de ces précisions sur les étiquettes, les analyses sont absolument indispensables au dispositif.
C’est la raison pour laquelle figure dans le projet de directive sur le miel un amendement spécifique concernant le renforcement et l’amélioration des techniques d’analyses qui doivent pouvoir être adoptées au fur et à mesure de leurs progrès. Ensuite, le Parlement a inclus une proposition pour la mise en place d’un système de traçabilité par le biais des technologies dites de blockchain, de manière à ce qu’on puisse suivre le miel depuis l’apiculteur jusqu’au conditionnement dans les pots. L’adoption de l’ensemble de ces mesures – étiquetage, analyses et contrôles – est nécessaire. Cependant, comme le coût reste la principale difficulté pour ces analyses – notamment lorsqu’il s’agit de la détection de sucres exogènes –, il est important de pouvoir mieux cibler les contrôles. D’où l’intérêt d’avoir au préalable une approche « documentaire », avec l’affichage des pourcentages et une traçabilité réelle grâce au fameux système des blockchains.
Tout cela peut en effet être très efficace pour le miel qui transite chez des conditionneurs, mais quid de la fraude sur les marchés, très facile à réaliser s’il n’y a aucune analyse de contenu imposée ?
Il est vrai que le dispositif proposé cible essentiellement les éventuelles fraudes commises par ceux qui commercialisent leur miel par le biais des grandes et moyennes surfaces, dont les volumes sont importants. Ensuite, vous avez raison, il y a aussi la fraude des marchés de plein vent, mais elle reste bien plus simple à caractériser.
Le problème de ces fraudes repose surtout sur le manque de capacités de l’État à mobiliser ses agents, souvent insuffisamment formés sur le dossier spécifique du miel. Cependant, depuis la création de l’Interprofession apicole, nous sommes en lien avec la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) pour apporter aux agents les outils qui leur sont nécessaires pour être plus efficaces. Il s’agit notamment de débusquer les vendeurs qui se prétendent producteurs, alors qu’ils ne possèdent pas même vingt ruches. Typiquement, lorsqu’un même apiculteur vend une dizaine de miels différents avec des origines un peu exotiques pour sa région, comme par exemple des miels d’agrumes et du miel de thym, très recherché mais peu produit en France, on peut se poser des questions.
Imposer une analyse du miel à tous les miels commercialisés ne permettrait-il pas justement de rendre cette fraude plus compliquée, tant pour les conditionneurs que pour la vente sur les marchés ?
Même si cette obligation existait, cela ne changerait pas grand-chose pour les fraudeurs des marchés, car il leur suffirait d’utiliser le certificat sur la part de miel qu’ils font eux-mêmes en l’apposant sur du miel acheté par exemple en Roumanie. Il est illusoire de vouloir imposer une analyse sur chaque pot de miel. C’est pourquoi nous n’avons jamais milité pour l’obligation des analyses des miels vendus sur les marchés de plein vent, qui porteraient un coup supplémentaire à ceux qui ne fraudent pas.
En revanche, il me semble bien plus pertinent qu’il y ait non seulement davantage de contrôles sur les marchés, et qu’ils ne se soldent plus par un simple rappel à la loi ou des sommes modiques par rapport au gain espéré, mais aussi des sanctions financières vraiment dissuasives. Car, tant que les vendeurs ne risquent pas grand-chose, les fraudes ont encore de beaux jours devant elles !