Dépourvu d’une quelconque ambition dans sa version présentée en décembre dernier, le projet de loi d’orientation agricole (LOA) a dû être, depuis lors, reporté et modifié de nombreuses fois afin de répondre aux revendications des filières agricoles. Présenté au début avril lors du Conseil des ministres, il sera ensuite soumis au Parlement en mai, pour un vote prévu d’ici cet été, a indiqué le Premier ministre Gabriel Attal
Bien qu’il maintienne ses objectifs initiaux concernant les défis du changement climatique et de la préservation de la biodiversité, ainsi que celui du renouvellement des générations – dans une dizaine d’années, un tiers des agricultrices et des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite –, le projet de loi impose désormais la souveraineté alimentaire comme « l’une des priorités stratégiques de nos politiques publiques ». Son premier article inclut ainsi la reconnaissance de l’agriculture comme « intérêt général majeur en tant qu’elle garantit la souveraineté alimentaire, qui contribue à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation »
Cette qualification est un acquis considérable obtenu par la mobilisation agricole de ce début d’année. Elle permet ainsi de placer les questions agricoles au même niveau juridique que celles concernant l’environnement, et confère à l’agriculture le même statut que, par exemple, la défense nationale. Désormais, ce sera donc à l’aune de cet article que les tribunaux devront trancher les litiges relevant de la production agricole.
Néanmoins, dans le projet de loi soumis au Conseil des ministres, on ne trouve nulle part l’une des principales promesses de Gabriel Attal attachées au volet de la souveraineté alimentaire. En effet, parmi les engagements pris par le gouvernement, se trouvait celui de définir des indicateurs et des objectifs de production, afin justement de « poser les fondements d’une véritable souveraineté alimentaire », comme l’expliquait le Premier ministre dans son discours du 21 février, à quelques jours du Salon de l’agriculture.
Ces indicateurs quantitatifs, secteur par secteur, sont essentiels, car, sans eux, le terme même de « souveraineté alimentaire » demeure flou et insaisissable. Il ne s’agit pas, bien entendu, d’introduire une forme de planification agricole à la soviétique, mais de fixer un cap, un horizon, dans toutes les filières, parmi lesquelles certaines ont vocation à rester exportatrices. Et ceci pour des raisons de géopolitique. Ils permettraient, aussi, de rompre définitivement avec l’ambition décroissante du volet agricole du Green Deal. Pourtant, alors que le texte contient plusieurs paragraphes sur la bonne gestion des haies, pas une seule ligne n’y est consacrée à un sujet aussi capital que celui des objectifs de production. Dommage !