Cela fait des mois, voire des années, que plusieurs associations agricoles, désormais réunies en collectif, demandent au gouvernement de revenir sur l’interdiction franco-française de l’acétamipride.
Très largement utilisée dans le reste de l’Union européenne, cette matière active a en effet été interdite en France au seul motif qu’elle appartient à la famille controversée des néonicotinoïdes, et cela bien que son profil écotox, plutôt rassurant, la distingue des autres molécules de cette famille. Ce qui a conduit l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) à maintenir son autorisation. Or, depuis plusieurs années, la France travaille en coulisse à convaincre l’Efsa de modifier sa position.
Persuadé de sa force de conviction, le cabinet du ministre de l’Agriculture récuse toutes demandes pour une réhomologation, en arguant que l’acétamipride sera « de toute manière » bientôt interdit en Europe. Comme le soulignent nos confrères du Betteravier français, dès 2020, la France aurait ainsi fourni à la Commission européenne des données scientifiques, en l’occurrence une seule étude suisse portant sur l’infertilité, « visant à démontrer la toxicité de lʼacétamipride, dans le but de faire interdire cette substance active au niveau européen ».
Mais, manque de pot pour notre ministre, cette stratégie n’a pas fonctionné. Ainsi, le 15 mai dernier, l’agence européenne a rendu publiques ses dernières conclusions sur la toxicité de la molécule, qui confirment celles de janvier 2022, où un panel d’experts de l’Efsa avait certifié qu’il n’existait « aucune nouvelle preuve de dangers accrus de l’acétamipride » par rapport à ce que l’Efsa avait conclu en 2016. Certes, l’avis reconnaît qu’il demeure « des incertitudes majeures s’agissant de la neurotoxicité au stade de développement », mais sans pour autant se prononcer pour une interdiction de la substance. Par mesure de précaution, l’Efsa propose simplement d’accroître la gestion du risque en divisant par cinq les doses journalières admissibles (DJA) et de référence aiguë (ArfD), et elle invite la Commission européenne à revoir à la baisse les limites maximales résiduelles (LMR) pour une trentaine d’usages.
« Que ce soit pour les noisettes, les carottes ou encore les betteraves, nos filières respectent déjà ces recommandations de l’Efsa », insiste Franck Sander, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves, qui estime que cet avis justifie donc la levée de l’interdiction de l’acétamipride. Il n’a pas tort. D’autant qu’en cessant de camper sur sa position de refus dogmatique, le gouvernement ferait ainsi preuve d’un pragmatisme qui délivrerait enfin cette vraie « preuve d’amour », si chère au Premier ministre Gabriel Attal.