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Le mensonge des chiffres

La commission des Comptes de l’Agriculture a rendu publique son estimation provisoire de l’évolution du revenu agricole en 2003, année de catastrophes climatiques exceptionnelles. On notera ainsi un recul du résultat agricole moyen par actif de « seulement » 0,8%, chiffre qui se veut « rassurant ». Ce chiffre mérite que l’on s’y intéresse. La production agricole nationale ayant diminué de 8,8%, on peut se demander comment les agriculteurs ont pu maintenir leur revenu. Une partie de celui-ci provient, bien sûr, des aides exceptionnelles, équivalentes à un peu plus de 2,5% du revenu global. Cependant, c’est surtout l’augmentation des prix qui permet d’afficher des chiffres qui occultent une réalité bien plus nuancée. En effet, les variations entre secteurs et régions sont considérables. Ainsi, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur enregistre une hausse moyenne de 15%, tandis que la région Champagne-Ardennes accuse une baisse de 23,8% ; le record revenant au département de la Côte-d’Or, avec une baisse supérieure à 30% ! Le cas des exploitations fruitières illustre à lui seul le mensonge des chiffres : la production nationale de fruits a reculé de 10% en moyenne, tandis que leurs prix ont augmenté de 17%. Or, les producteurs de fruits des Alpes-de-Haute-Provence, qui n’ont pas subi de baisse de récolte, ont vu leur revenu augmenter de 43%, alors que ceux du Rhône, dont la production d’abricots et de pêches a chuté de 50%, ont enregistré une baisse de 18% de leur revenu. Aucun ne se retrouve dans le chiffre de 0,8% affiché par l’Insee.

Ce qui fait dire à la Coordination Rurale que ces résultats « ne correspondent à rien, car ils sont obtenus en divisant le revenu global de la “Ferme France“ par le nombre de paysans actifs. »

Or, comme le nombre d’agriculteurs baisse de près de 3% par an, la baisse par actif est en réalité bien supérieure, comme l’explique le syndicat de François Lucas. La FNSEA confirme que ce chiffre de 0,8% cache une réalité bien plus sombre. Pour le syndicat agricole, « l’exploitant français a perdu près de 2% de son revenu en termes réels chaque année depuis 1999.» L’Assemblée Permanente des Chambres d’agriculture (APCA) note également que « la volatilité des prix a été accentuée ces dernières années par la volonté de la Commission européenne de libéraliser les marchés des produits agricoles. » Et son président, Luc Guyau, s’interroge : « Qui peut raisonnablement penser que la canicule de 2003 ne se reproduira jamais ? » La canicule n’a d’ailleurs pas fait que des perdants : en 2003, le Royaume-Uni a vu son résultat agricole net croître de plus de 18% selon l’Insee. Il est vrai que l’Angleterre est le berceau d’Adam Smith et des théories libérales !

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