AccueilAlimentation« Manger mieux que bio », c’est possible.

« Manger mieux que bio », c’est possible.

A en croire les grands titres de la presse, les produits écolos ont la pêche. « Le boom des produits verts », titrait Le Parisien du 2 avril 2009. Le même jour, Sandrine Blanchard expliquait dans sa chronique du Monde comment « la serpillière prend sa revanche sur la lingette ». En effet, les enseignes, à l’image de Monoprix, incitent les ménagères « à faire un geste développement durable ». Les biscuits Taillefine disparaissent des rayons, poursuit la chroniqueuse, car « manger prétendument moins gras ou moins salé ne mérite plus que l’on pioche davantage dans son porte-monnaie. Quitte à débourser plus, autant choisir du bio que du light ». Les sociologues, qui observent et analysent le moindre geste des citoyens, annoncent déjà « un nouveau cycle de consommation plus économe, plus sobre et moins ostentatoire ». Une aubaine pour les grandes surfaces, qui ont flairé le bon filon. Lors d’une conférence de presse, le 26 mars 2009, Jérôme Bédier, président de la Fédération du commerce et de la distribution, a indiqué que la croissance des ventes alimentaires issues de l’agriculture biologique dans la grande distribution avait progressé de plus de 20% en un an, « c’est-à-dire au-delà de l’objectif de 15% fixé en janvier 2008 ». Toutefois, il convient de relativiser ces chiffres, puisque le marché du bio représente toujours moins de 1,5 % de la consommation alimentaire des Français. Si la progression est belle, elle part de bien peu. D’ailleurs, avec moins de 1% de bio dans la composition des repas, même la restauration publique est encore à la traîne.

Or, un très fort concurrent du bio commence à s’imposer : le commerce de proximité. Le distributeur de surgelés Picard vient à peine de mettre sur le marché sa gamme de produits bio qu’elle est déjà contestée au nom de son bilan énergétique. « Des surgelés se mettent au bio. N’est-ce pas schizophrène ? », se demande Pascale Santi dans Le Monde. La journaliste s’explique : « La congélation multiplie par trois ou quatre l’énergie consommée habituellement durant le cycle de vie de ces aliments ». Les produits étiquetés AB ne sortiront peut-être pas gagnants de l’affichage du bilan carbone ! D’ailleurs, outre-Atlantique – d’où viennent souvent les modes –, le débat fait rage. John Cloud, journaliste au Time , a ainsi rédigé une tribune intitulée « Manger mieux que bio », dans laquelle il écrit : « Il n’y a pas très longtemps, j’ai eu un problème. Me baladant dans les rayons frais de mon magasin à Manhattan, je n’arrivais pas à me décider entre une pomme bio et une pomme non bio (qui était étiquetée comme conventionnelle, ce qui sonne mieux que “arrosée avec des pesticides qui peuvent vous tuer”). Cela ne devrait pas être un choix, car qui désire manger des résidus de pesticides ? Mais la pomme bio a été cultivée en Californie alors que la pomme conventionnelle provenait juste d’ici à côté, dans l’Etat de New York ». Tout le monde n’a en effet pas la chance d’habiter une somptueuse maison blanche et de disposer d’un potager, comme une certaine « First lady bio ». « Même si beaucoup d’Américains voudraient manger des produits bio locaux, cela n’est pas possible », note John Cloud. A moins de rejoindre les puristes réunis au sein des Locavores, qui ne consomment que des produits cultivés à moins de 160 kilomètres de chez eux (ce qui, en passant, interdit aux Parisiens le café, le chocolat, le thé, les ananas, les poissons et fruits de mer, ainsi qu’une bonne bouteille de Bordeaux ou de Bourgogne)…

Le choix entre bio et local risque très vite de tourner à l’avantage du dernier. Surtout à force d’écouter les discours du style « il faut prendre en compte les impacts de nos modes de consommation sur le changement climatique et le gaspillage des ressources ». Cela sonne bien plus généreux et plus « favorable à la planète » que de vouloir manger bio au motif – non prouvé – que ce serait meilleur pour la santé, ce qui constitue encore la motivation d’une très large majorité de consommateurs bio. Penser à sa santé plutôt que de « prendre soin de la planète » pourrait rapidement devenir, au mieux, ringard, au pire, signe d’égoïsme.

Selon un sondage publié en février dernier, le virage du bio aux produits de proximité a déjà été amorcé en Grande-Bretagne, sous la pression du coût exorbitant des produits bio : la part des consommateurs qui ont répondu avoir acheté des produits bio est tombée à 19%, contre 24% le mois précédent, indique le sondage réalisé par IGD, un cabinet d’expertise. Sa directrice, Joanne Denney-Finch, considère que « les consommateurs sont en train de privilégier des options meilleur marché que le bio, tout en restant éthiques, comme le commerce équitable, les produits locaux ou ceux portant un label d’origine » . Son analyse correspond précisément au choix final de John Cloud, qui a conclu son article en expliquant toutes les raisons qui le conduisent à choisir un produit local plutôt qu’un produit bio : « Je préfère connaître la personne qui collecte mes œufs, qui fait pousser ma salade ou qui ramasse mes pommes, qu’acheter des produits 100% bio provenant d’une méga-ferme ou d’un supermarché ». Un virage à méditer !

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