En s’exprimant sur les revenus des agriculteurs, Sandrine Rousseau a mis en colère des membres de la commission agricole de son parti
« J’en ai rien à péter de leur rentabilité ! », a déclaré Sandrine Rousseau à propos des agriculteurs, lors d’une interview accordée le 11 juillet au site Le Média, proche de La France insoumise (LFI). Un dérapage non contrôlé ? Pas vraiment, puisqu’un mois plus tard, à l’occasion des Amfis organisés par LFI à Valence (Drôme), la députée parisienne persistait : « Je dis aux agriculteurs : n’ayez pas peur de dire que vous ne voulez plus de la rentabilité ! »
Si ces déclarations ont soulevé une vague d’indignation au sein du monde agricole, elles ont également exaspéré certains membres de son propre parti. C’est ce que révèlent des échanges internes de la commission de l’agriculture et du développement rural (Comagri) auxquels A&E a eu accès grâce à certaines indiscrétions.
Des « interventions d’urbaine inconsciente »
« Serait-ce possible de demander à Sandrine Rousseau de ne pas s’exprimer sur l’agriculture, un sujet sensible qu’elle ne maîtrise manifestement pas assez ? », s’exaspère ainsi l’une des principales porte-parole de Scientifiques en rébellion, membre de la Comagri. « Ses propos actuels, autant sur le fond que sur la forme, desservent la mobilisation contre la loi Duplomb. Très dommageable à mon avis ! », poursuit la militante.
Également membre de la Comagri, un éleveur bio estime pour sa part que ces propos « nous ostracisent » « montrent son incompétence » et « hystérisent un débat déjà bien difficile face à des opposants à l’écologie », tandis qu’un membre du parti belge Ecolo, ayant travaillé au sein de l’Union européenne pour promouvoir le Green Deal, se désole : « Les propos de Sandrine ont été destructeurs ». Une ancienne conseillère fédérale d’Europe Écologie-Les Verts enchaîne : « À un moment où on tente désespérément d’ouvrir un dialogue avec le monde rural […], ses interventions d’urbaine inconsciente des difficultés à mobiliser dans les campagnes sont très mal venues. C’est du sabotage. »
Et un adjoint au maire de la ville de Dieppe renchérit : « Encore une fois, Sandrine Rousseau, en opposant les écologistes aux agriculteurs, et surtout en essayant comme les papillons de nuit de se mettre sous la lumière d’une pétition qui frise les 1,4 million de signatures, c’est vraiment pathétique ! » Avant de déplorer qu’« en un tweet, elle est capable de remettre en cause tous les efforts que nous menons pour travailler avec le monde agricole ». En effet, ces propos ne vont certainement pas faciliter le rapprochement tant espéré par la secrétaire nationale écologiste Marine Tondelier, qui, dès 2023,
annonçait vouloir, d’une part, faire de son parti « le premier parti des ruralités », et, d’autre part, en finir avec l’image, selon les termes de la députée écologiste Marie Pochon, d’« écolo-bobos, déconnectés et donneurs de leçons ».
« Serait-ce possible de demander à Sandrine Rousseau de ne pas s’exprimer sur l’agriculture ? »,
s’exaspère l’une des porte-parole de Scientifiques en rébellion
Plusieurs membres de la Comagri se sont néanmoins lancés au secours du soldat Rousseau, en expliquant que « c’est une polémique à la noix astroturfée par les réseaux sociaux et les médias Bolloré », et que « sur le fond, elle a raison ». Autre son de cloche d’une militante : « Pour moi, c’est impossible d’être écolo et capitaliste. […] Franchement ceux qui tiennent des propos qui s’insurgent contre ce qu’a dit Sandrine Rousseau n’ont rien à faire dans ce parti. »
Devant l’ampleur de la polémique, les responsables de la Comagri ont dû admettre que « les propos en question, surtout sortis de leur contexte, ont pu choquer, chez nos adversaires, bien sûr, qui ne ratent pas une occasion de taper sur les écolos, mais aussi en interne, chez nos partenaires et chez les acteurs·trices du monde agricole avec lesquels nous sommes en échange ». Ce qui n’a pas empêché la Comagri de concocter un communiqué interne à la défense de Sandrine Rousseau, pour dénoncer « les forces réactionnaires de l’agriculture française et leurs relais médiatiques [qui] tentent de grossièrement manipuler l’opinion en prétendant que les écologistes ne se soucieraient pas des agriculteurs·trices et de leurs revenus ». Pas très convaincant, surtout quand on regarde de près le programme agricole des écologistes…