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Le sparadrap du président

Le divorce semble désormais consommé entre le président Macron et le monde agricole, très remonté suite à l’échec du vote du projet de loi sur l’alimentation en commission mixte paritaire (CMP). Composée de députés et de sénateurs, la CMP a pour vocation de trouver un compromis entre le texte issu de l’Assemblée et celui des sénateurs. Cela ne fut pas possible lors de la réunion tenue le 12 juillet.

« La manœuvre politique l’a finalement emporté sur le réalisme d’un texte respectueux de l’esprit des Etats généraux de l’alimentation et du travail conjoint des parlementaires», s’est indignée la FNSEA dans un communiqué de presse, tandis que la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Sophie Primas, a accusé le gouvernement de «sacrifier les agriculteurs». «Afin d’inverser la logique de construction des prix des produits agricoles, l’Assemblée nationale et le Sénat avaient permis, contre l’avis du gouvernement, que l’Observatoire des prix et des marges ou FranceAgriMer proposent ou valident les indicateurs pour déterminer les prix agricoles, uniquement dans le cas où les interprofessions ne se mettent pas d’accord», note la sénatrice des Yvelines. Or, imposant sa volonté, le président de la République en a décidé autrement. «Le chef de l’Etat n’écoute ni les corps intermédiaires ni les parlementaires», constate amère Jérémy Decerle, président des Jeunes Agriculteurs, convaincu qu’il y a eu «ingérence de l’Elysée dans les discussions parlementaires». Il semblerait donc que l’Elysée aurait décidé de passer en force, en instrumentalisant le rapporteur de la Loi et député de la Creuse Jean-Baptiste Moreau.

« La discussion a tourné court et aucune des propositions n’a pu être examinée», note le sénateur Daniel Gremillet. «Dans l’esprit de la majorité LREM, c’était un retour au texte du gouvernement ou rien. Contre tous les usages, le rapporteur de l’Assemblée nationale, sous la conduite du président de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée et sous l’injonction de l’Elysée, a décidé de revenir sur des rédactions votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. Il a ainsi trahi le vote de sa propre assemblée alors que l’esprit d’une commission mixte paritaire est de chercher à régler des points de désaccord, non d’en ajouter de nouveaux », précise le sénateur de l’opposition. D’où le sentiment qui règne au sein de la profession agricole d’avoir été «lâchée par les pouvoirs publics».

La formation des prix n’est toutefois pas le seul sujet de contentieux avec Emmanuel Macron. L’acharnement de son gouvernement à vouloir réduire l’usage des produits phytosantaires à travers toute une série de mesures coercitives (taxe, séparation du conseil et de la vente, interdictions unilatérales, etc.) et le «dénigrement permanent des agriculteurs», accusés de ne pas faire correctement leur métier, sont à l’origine d’un mécontentement grandissant dans les campagnes. «Le président donne l’impression d’être à l’écoute de citadins qui fantasment sur un modèle agricole qui ne pourra jamais exister. Résultat : sur le terrain, personne ne comprend ce que souhaite réellement le gouvernement», déplore Christine Lemaire, vice-présidente de la chambre d’agriculture de l’Allier. Rien de très bon pour contrer cette image d’un « président des villes», qui commence à coller à l’hôte de l’Elysée autant qu’un sparadrap au capitaine Haddock.

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