Dans sa chronique du 30 octobre, le journaliste Stéphane Foucart regrette que, face à la crise climatique, Emmanuel Macron mise sur « d’hypothétiques révolutions technologiques plutôt que sur des évolutions sociales et culturelles ». « Pour M. Macron comme pour la plupart des dirigeants aux affaires, plus de technologie est invariablement la seule réponse possible aux dégâts provoqués par l’accumulation de nouvelles technologies – quand on a un marteau dans la tête, tout a la forme d’un clou », se désole le journaliste du Monde, réaffirmant ainsi sa technophobie, déjà exprimée sur France Culture en juin 2019, lorsqu’il assurait que « pouvoir profiter du monde comme on le fait aujourd’hui avec des solutions techniques, comme avec des avions électriques ou des voitures un peu plus sobres en énergie » n’était pas une option possible.
En lieu et place de ce qu’il considère comme de fausses solutions technologiques, le journaliste milite pour « des évolutions sociales et culturelles », dont les maîtres mots sont sobriété, limites ou « modes de vie moins énergivores ». S’agaçant que « les rêves de conquête et la mise en valeur de nouveaux espaces n’ont pas tari », il déplore que cette révolution culturelle ne soit toujours pas d’actualité. Dans la conclusion de son livre paru en 2018 chez Grasset (Des marchés et des dieux : Quand l’économie devient religion), le journaliste du Monde s’était pourtant pris à rêver que le « culte du Marché » qu’il abhorre puisse être rapidement remplacé par un « nouveau culte » qui « puisera sa doctrine aux sources de l’écologie ». Et l’auteur ne manquait pas de souligner « le succès d’estime que se taille, dans certains milieux, le culte traditionnel andin de la Pachamama (la Terre-mère) ».
Dans cette chronique, Foucart s’interroge : « Tout cela est-il inéluctable ? (…) Qui sait ce que l’accumulation des dégâts causés par le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité produira, en 2030, sur les imaginaires, les croyances et les aspirations collectives ? » Autrement dit, il se demande si l’apocalypse écologique annoncée ne pourrait pas être l’occasion d’anéantir tous les prétendus faux espoirs de l’innovation pour, enfin, initier une révolution culturelle écologiste.
La Chine du XVe siècle en exemple
Comme pour se rassurer, il évoque un livre de l’économiste américain Robert H. Nelson ( Economics as a religion : from Samuelson to Chicago and beyond, Pennsylvania State University Press, 2014 ), qui « donnait un exemple historique frappant où l’éthique socialement dominante peut oblitérer ou rendre inepte l’innovation technique, lorsque les objectifs qu’elle poursuit sont perçus comme indésirables ». Il s’agissait en l’occurrence de la Chine du XVe siècle : « Dans les années 1400, la Chine était non seulement la société la plus développée économiquement dans le monde, mais aussi une grande puissance maritime, explorant jusqu’à la côte orientale de l’Afrique avec de grands voiliers techniquement très avancés, sous le commandement de l’amiral Zheng He. Ces efforts se sont toutefois heurtés aux érudits confucéens qui ont (…) finalement réussi à mettre un terme aux voyages d’exploration, ont imposé une interdiction de construire de nouveaux navires et ont même obtenu la destruction des archives maritimes. »
Prendre comme modèle cette Chine qui a « oblitéré » l’innovation technique pour se refermer sur elle-même est pour le moins saisissant. Car c’est précisément cette stratégie des « érudits confucéens » chinois de l’époque qui a précipité l’Empire du Milieu vers un sombre déclin. Ce que, comme par hasard, le journaliste Stéphane Foucart omet de préciser.