L’association Avenir Santé Environnement, qui s’est constituée après l’apparition de cancers pédiatriques dans des localités de Charente-Maritime, concentre désormais son discours sur les pesticides
Le 20 septembre, pour sa troisième édition, l’Appel de La Rochelle a réuni environ 400 personnes pour une marche qui a été suivie de plusieurs tables rondes. Son objectif proclamé : faire reconnaître les dommages causés par les pesticides sur la santé et l’environnement.
Organisé par une petite association locale, Avenir Santé Environnement (ASE), l’événement s’est résumé, dans les faits, à dénoncer les pesticides en général et la loi Duplomb en particulier, tout en martelant la nécessité d’une « convention citoyenne sur la transition agricole ». En soutien à cette initiative, il y a eu notamment les interventions de la députée des Deux-Sèvres et ancienne ministre de l’Écologie, Delphine Batho, ainsi que de la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, sans oublier la présence du député écologiste de Charente Maritime, Benoît Biteau.
Inquiétudes sur les origines de cancers pédiatriques
L’association ASE s’est constituée en 2018 lorsqu’une leucémie a été diagnostiquée chez une adolescente de 15 ans, à Saint-Rogatien, près de La Rochelle, alors que d’autres cas de cancers pédiatriques, dans cette même commune et dans la ville proche de Périgny, avaient déjà suscité de fortes inquiétudes. Une étude épidémiologique a alors été menée par l’Agence régionale de santé (ARS), dont les résultats ont été rendus publics en 2018. Bien que celle-ci ait conclu que « statistiquement sur la population générale, il n’y a pas davantage de cancers à Périgny et Saint-Rogatien que dans le reste de la Charente-Maritime », Jean-Marie Piot, président de la Ligue contre le cancer en Charente-Maritime, note que l’ARS a estimé qu’« on ne peut pas écarter un “excès de risque” chez les plus jeunes, en particulier à Saint-Rogatien ».
Même si cette étude observationnelle n’a pas permis de déterminer les causes de cet excès de risque, l’activité de la Société rochelaise d’enrobés (SRE), basée dans la commune voisine de Périgny, à quelques centaines de mètres à peine d’un lotissement sis à Saint-Rogatien, a longtemps été pointée du doigt. Dès 2008, l’entreprise de fabrication de bitumes et d’enrobés routiers, était ainsi accusée par les riverains et l’association Nature Environnement 17 de causer une pollution de l’air en dégageant fumées, poussières, odeurs et rejets polluants. En 2010, la présence trop élevée de chrysène, composé de goudron classé comme cancérigène, a été relevée dans les rejets atmosphériques de la SRE, sans que l’on puisse prouver un lien avec les cancers pédiatriques. En 2015, l’usine a été démantelée pour être reconstruite, avec un procédé de fabrication entièrement nouveau qui élimine le fioul comme combustible.
L’événement s’est résumé à dénoncer les pesticides en général et la loi Duplomb en particulier, tout en martelant la nécessité d’une « convention citoyenne sur la transition agricole »
Cependant, d’autres causes possibles ont aussi été invoquées, telle une usine de compostage ou encore les lignes à haute tension.
Les pesticides seuls en ligne de mire
Néanmoins, ASE va progressivement reléguer au second plan ces différents suspects pour ne plus se focaliser que sur… les pesticides. Un sujet qui avait tout pour séduire le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot, qui, en janvier 2022, est accueilli à bras ouverts par plusieurs membres d’ASE à Saint-Rogatien.
À cette occasion, Franck Rinchet-Girollet, père d’un petit garçon en rémission d’un cancer et cheville ouvrière d’ASE, demeurant à une douzaine de kilomètres de Saint Rogatien, évoquera des « effets cocktails » et « plusieurs facteurs qui peuvent induire ces maladies ». Et de préciser : « Nous n’avons jamais dit que les pesticides sont la cause des cancers pédiatriques de l’Aunis, mais nous considérons qu’ils participent activement à un effet cocktail non pris en compte et certainement dévastateur pour la santé et la biodiversité. »
Marqué par cette rencontre, Yannick Jadot n’aura de cesse, tout au long de sa campagne, d’insister sur les liens entre les cancers pédiatriques et les activités agricoles. Discours qui a été largement diffusé ensuite par des associations antipesticides comme Générations Futures et le Réseau Environnement Santé, rendant hommage au candidat Jadot.
À cela est venue s’ajouter l’inquiétude suscitée par la publication d’une étude sur la qualité de l’air réalisée par Atmo France en juillet 2022, qui a révélé un pic de présence de prosulfocarbe dans la plaine d’Aunis (jusqu’à 200 ng/m3) lors des traitements de novembre 2021. Bien qu’on reste très largement au-dessous des seuils de dangerosité, Franck Rinchet-Girollet et le collectif Stop aux cancers de nos enfants y ont vu la confirmation de la responsabilité des pesticides dans les cancers pédiatriques.
Dans une tribune publiée en septembre 2022 sur le site de France Info sous le titre « Nous ne pourrons plus dire que nous ne savions pas », ils réclament une sortie des pesticides de synthèse d’ici à cinq ans et l’application « immédiate et systématique » du principe de précaution. Cette tribune a reçu le soutien de 80 organisations, parmi lesquelles la Confédération paysanne, l’UFC-Que-Choisir, Générations Futures, Secrets Toxiques ou Pollinis, mais aussi l’appui du leader du bio Léa Nature, dont le siège est à Périgny, devenu par la suite un sponsor d’ASE.
Franck Rinchet-Girollet lance l’Appel de La Rochelle
Dans la foulée, Franck Rinchet-Girollet prend alors l’initiative de faire tester les cheveux de son fils par le laboratoire ToxSeek afin de rechercher des résidus de pesticides, expliquant sa démarche en ces termes : « Nous, nous avons décidé d’agir contre TOUS types de pollutions ou d’expositions subies là où l’État est défaillant (industrie, alimentation, agriculture…). Mais force est de constater que, sur notre territoire, une problématique d’exposition subie ressort d’étude en étude depuis trois ans. Il s’agit de l’exposition aux pesticides. » Bien qu’il admette que les concentrations de résidus trouvés dans les cheveux de son fils « ne sont pas élevées » et qu’« il n’y a pas que des pesticides dans le prélèvement, mais aussi des pollutions issues peut-être des usages domestiques », il persiste cependant dans sa croisade « contre les corporations qui défendent l’utilisation des pesticides », estimant que « c’est donc tout un système qu’il faudrait repenser…».
Marqué par cette rencontre, Yannick Jadot n’aura de cesse, tout au long de sa campagne, d’insister sur les liens entre les cancers pédiatriques et les activités agricoles
Devenu président d’ASE, Franck Rinchet-Girollet lance en septembre 2023 l’Appel de La Rochelle exigeant « une véritable transition agricole » assortie d’un « plan de sortie des pesticides de synthèse avant 2030 ».
En février 2024, ASE organise une réunion au Biopôle de Léa Nature pour présenter son nouveau projet intitulé « Nos Enfants EXposés aux Toxiques » (NEEXT). Une fois de plus, évacuant tous les autres toxiques possibles, « parce que ça a un coût », le seul sujet retenu est celui des pesticides. Sans que l’association ASE fournisse aucune donnée chiffrée des quantités détectées, il ressort de la présentation des résultats que le DEET est le produit qui arrive en tête des analyses de cheveux « avec 86 % d’enfants au-dessus de la limite de détection ». Or, il s’agit d’un insecticide à usage domestique utilisé comme répulsif contre les insectes ! D’autres produits rémanents employés dans le traitement du bois sont également apparus, comme le pentachlorophénol, qui se hisse sur le podium des deux classements (urine et cheveux). Muni de ces résultats, Franck Rinchet-Girollet s’entête néanmoins à se focaliser sur les seuls pesticides à usage agricole : « On va demander des comptes, une enquête des pouvoirs publics. » Et il réclame à nouveau la mise en place de son « plan de sortie des pesticides ».
On comprend aisément qu’un tel engagement ait séduit le député écolo Benoît Biteau, dont Franck Rinchet-Girollet est devenu l’assistant parlementaire en août 2024, non sans rester le porte-parole d’ASE…

