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empreint écologique : L’Express fait dans le politiquement correct

Pour clore l’année 2006, l’hebdomadaire L’Express fait dans le politiquement correct en présentant à ses lecteurs un dossier d’une centaine de pages sur notre Terre : « ce qui la menace », et « comment la défendre ». On y retrouve l’essentiel du discours apocalyptique de rigueur, l’activité humaine étant bien entendue désignée comme seule responsable de tous les maux possibles. En prime, l’hebdomadaire nous offre quelques entretiens, comme ceux réalisés avec l’ancien vice-président américain Al Gore ou avec le photographe Yann Arthus-Bertrand. A la question de savoir s’il a déjà commencé à modifier son mode de vie, le premier répond qu’il « consomme aussi peu d’eau chaude que possible » et qu’il éteint tous ses appareils électriques lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Le second annonce quant à lui qu’il vient juste de revendre son hélicoptère, car « il [lui] donnait des complexes »!.

Bien entendu, ni l’un ni l’autre ne désirent se priver de voyager en avion car, comme l’explique Al Gore, « le dioxyde de carbone que [ce mode de transport] émet est compensé par les efforts qu'[il] fournit à défendre la cause ». Yann Arthus-Bertrand, le fondateur de GoodPlanet, rassure ses lecteurs en les informant qu’il compense toutes ses activités « en plantant des arbres ». Bigre, voilà de beaux exemples de conscience écologique ! D’ailleurs, L’Express s’y met lui aussi. L’hebdomadaire précise en effet que « ce numéro sera “compensé carbone” » par une dépense – estimée à 8 000 euros – destinée à la plantation d’arbres. Il est vrai que ce numéro spécial écologie pourra aisément couvrir ces frais supplémentaires grâce à ses quelque 56 pages de publicité, présentées pour nous encourager à augmenter notre empreinte écologique. En revanche, la rédaction de l’hebdomadaire ne précise pas si les prochains numéros seront eux aussi « compensés carbone », ou bien s’il s’agit d’une initiative unique, destinée à marquer le coup… de pub !

Ce numéro de fin d’année permet ainsi de découvrir une sélection de photos de Yann Arthus-Bertrand, dont celle du sommet denneigé du Kilimandjaro, « signe tangible du réchauffement climatique », comme le commente le photographe, qui ne connaît visiblement pas les résultats des recherches les plus récentes à ce sujet (Cullen 2006, Kaser 2004, Kaser 2005, Mölg 2003, Mölg 2006). Celles-ci ont établi les faits suivants : la perte des glaces du Kilimandjaro est un phénomène étalé depuis le début des mesures (vers 1905), dont les fluctuations ne sont pas corrélées au réchauffement de l’atmosphère ambiante (la période 1989-2003 a ainsi le plus faible rythme de fonte depuis un siècle, malgré le « réchauffement sans précédent » de ces deux dernières décennies). En outre, les deux facteurs les plus importants pour la dynamique des glaces tropicales en Afrique de l’Est sont l’insolation des versants (liée à la nébulosité) et surtout l’humidité. Or, l’humidité de cette zone a connu une brusque chute vers 1880 (bien avant l’effet de serre anthropique), probablement due à une modification du mode zonal de l’Océan indien.

Parmi les autres perles de L’Express qui méritent d’être relevées figure l’article de Gilbert Charles sur « le premier défi environnemental posé au monde » : l’augmentation du fameux trou d’ozone. On s’en souvient, celle-ci serait due aux CFC des bombes aérosols. Grâce au protocole de Montréal signé en 1996 par plus de 180 pays, ces molécules maudites ont été éliminées par les pays industrialisés. Le hic, c’est que contre toute attente, les mesures satellitaires réalisées dix ans plus tard, en automne 2006, ont confirmé l’existence d’un trou de 28 millions de kilomètres carrés, c’est-à-dire « le plus grand jamais observé », comme le reconnaît Gilbert Charles ! De quoi mettre en doute un lien direct entre CFC et augmentation du trou d’ozone. N’est-ce pas précisément ce contre quoi nous mettait en garde le célèbre vulcanologue Haroun Tazieff à l’époque ? Qu’importe, grâce à la créativité des « spécialistes » de la question, une nouvelle théorie vient maintenant expliquer ces données troublantes : « ces gaz mettent plus longtemps que prévu à gagner la haute atmosphère ». Il faudra donc attendre plus de soixante ans pour que la couche se reconstitue, avancent-ils aujourd’hui prudemment. Rendez-vous donc dans un demi-siècle (!) pour vérifier l’exactitude de ces nouvelles affirmations…

Dernier exemple de ces approximations scientifiques relayées dans ce numéro spécial écologie, l’article de Marion Festraëts sur les abeilles, qui explique que « les butineuses déclinent, décimées par certains pesticides, la raréfaction des plantes dont elles font leur miel ou par les parasites comme le varroa ». Sortant de son chapeau des chiffres bien plus précis que ne possèdent tous les syndicats apicoles réunis, la journaliste affirme ainsi qu’en France, « la moitié des abeilles n’ont pas survécu à l’hiver 2006 ». Et dire qu’il n’y a pas si longtemps, certains de ses confrères de L’Express croyaient encore qu’avec la suppression du Gaucho et du Régent TS, l’apiculture française allait mieux se porter …

Au final, L’Express n’aurait-il pas mieux préservé l’environnement en faisant tout bonnement l’économie de ce numéro spécial écologie ?

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