AccueilDécryptageLoi sur les drones : une loi votée mais toujours pas appliquée

Loi sur les drones : une loi votée mais toujours pas appliquée

Six mois après que le député du Rhône Jean-Luc Fugit a fait voter une loi afin d’autoriser l’usage de drones, rien ne semble avoir bougé. Explications.

Finalement adoptée en avril 2025, la loi autorisant l’usage de drones dans des conditions bien particulières n’est toujours pas entrée en vigueur, faute d’avoir fait l’objet d’un décret d’application. Pourtant, les députés ont bien accepté que des drones puissent être employés pour l’usage des produits de biocontrôle, des produits utilisés en agriculture biologique et des produits à faible risque sur les vignes-mères de porte-greffes conduites au sol, sur les bananeraies et, plus généralement, sur toutes parcelles agricoles, quelle que soit la culture, dont la pente est supérieure ou égale à 20 %. La loi a cependant exclu les cultures de type riziculture, qui sont pourtant confrontées à de gros problèmes lorsque l’exploitant ne peut plus pénétrer dans sa parcelle en raison d’un terrain trop humide. Idem pour les zones inondées et autres parcelles à l’accès difficile.

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Néanmoins, comme pour toutes les lois, l’application de celle-ci est subordonnée à la publication d’un décret d’application, qui survient en général dans un délai de trois mois après l’adoption du texte. Le ministère de l’Agriculture a fait savoir que « le dossier suit son cours », et des sources proches de l’affaire ont indiqué à A&E que le retard serait dû au fait que la rue de Varenne souhaite obtenir l’avis de l’Anses, notamment sur le côté scientifique des applications phytosanitaires. Sauf que l’agence n’aurait toujours pas été saisie.

— Lire aussi : dossier droit d’inventaire : interdiction de l’épandage aérien : une bonne intention aux conséquences désastreuses

Des données techniques devenues obsolètes pour l’Anses

Ce n’est pas tout. « La question qui se pose est de savoir sur quels essais l’Anses va se baser pour apporter ses recommandations. Certes, des essais sont disponibles, mais ils ont été réalisés il y a quatre et cinq ans », précise Augustin Navarranne, directeur associé d’Agribio Drone. Or, dans le domaine du drone, l’évolution technologique est spectaculaire et les drones utilisés il y a quelques années sont déjà obsolètes. « Nos drones ont une charge utile bien supérieure à ceux qui ont servi aux essais, puisqu’on est passé de 70 kilos au décollage à 103 kilos », ajoute Augustin Navarranne, qui précise : « Le poids du drone est fondamental, car le souffle des hélices participe à la qualité de l’application. Par exemple, quand on a un souffle conséquent sur la vigne ou sur l’arboriculture, il y a un tel mouvement du feuillage qu’on va avoir une application de produit beaucoup plus homogène sur la feuille et sous la feuille, et surtout, il est désormais possible d’atteindre directement le fruit pour le protéger. » En outre, la technologie de la pulvérisation elle-même a évolué. Ainsi, les buses antidérive ont laissé la place à des gicleurs rotatifs offrant la possibilité de maîtriser la taille et le poids des gouttes en fonction du vent ou de la vitesse des drones. Enfin, le système de pompes a, lui aussi, évolué, permettant de bien meilleurs débits, ce qui améli ore la rentabilité. De surcroît, avec un meilleur positionnement centimétrique dans la parcelle, un suivi en trois dimensions, les drones actuels sont de mieux en mieux contrôlables. Il reste à savoir si l’Anses prendra en compte dans son évaluation tous ces nouveaux éléments, une question d’autant plus prégnante que, dans le secteur très évolutif des drones, de nouvelles technologies surgissent chaque année. « Si l’Anses est convoquée à chaque évolution technologique, on est parti pour vingt années sans avoir de cadre pour travailler », avertit Augustin Navarranne, qui souligne l’importance pour le décret d’application d’avoir une écriture ouverte aux progrès incessants.


Ce dossier témoigne de la lenteur administrative qui plombe l’économie de notre pays

Ce dossier témoigne de la lenteur administrative qui plombe l’économie de notre pays. Lenteur parlementaire, lenteur du ministère de l’Agriculture, lenteur due aux consultations interminables des agences, qui croulent sous les dossiers. Une situation qui se révèle dramatique notamment pour les producteurs de bananes, qui attendent depuis des années une solution.

La banane : une filière orpheline

Car, comme de nombreux autres secteurs agricoles, la culture de la banane française est, elle aussi, en perte de vitesse. Alors qu’il y en avait 8 500 ha en Martinique et en Guadeloupe avant 2014, les surfaces ont diminué pour se retrouver aujourd’hui à seulement 6 000 ha. La première responsable en est une maladie, comme l’explique Augustin Navarranne : « Les producteurs doivent désormais se défendre contre la cercosporiose noire, une maladie qui a la spécificité de se déposer sur la cime de la plante. Donc, l’idéal pour un traitement aérien ! »

Sauf que, depuis onze ans, tout traitement aérien étant interdit, les producteurs de bananes doivent utiliser des canons-tracteurs ou des canons tenus à la main, qui, très souvent, ratent leur cible. « Cela fait plus d’une décennie que la filière demande une vraie solution. Or, le drone est une réponse parfaitement adéquate », s’insurge le spécialiste, qui conclut avec amertume : « Et pourtant, on attend, on discute, on consulte. Et pendant ce temps, les bananes étant atteintes d’une maladie qui n’est pas détectable sont récoltées, empaquetées, et envoyées par bateau en métropole, avant qu’on découvre, à l’ouverture des conteneurs, des bananes pourries. Quel gâchis ! » Une situation d’autant plus révoltante que la solution se trouve à portée de main…

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