Après la Hongrie, le virus H5N1 a infecté un élevage industriel de dindes situé à proximité de Lowestof, en Grande-Bretagne ; et pas n’importe lequel ! En effet, il s’agit d’un élevage de 160 000 dindes qui appartient au numéro un du secteur en Europe : le groupe Bernard Matthews. Cette entreprise emploie 7 000 personnes dans le monde. Elle affiche un chiffre d’affaires annuel de 600 millions d’euros ainsi qu’une production de dindes de deux millions de tonnes pour 2006.
Après la Hongrie, le virus H5N1 a infecté un élevage industriel de dindes situé à proximité de Lowestof, en Grande-Bretagne ; et pas n’importe lequel ! En effet, il s’agit d’un élevage de 160 000 dindes qui appartient au numéro un du secteur en Europe : le groupe Bernard Matthews. Cette entreprise emploie 7 000 personnes dans le monde. Elle affiche un chiffre d’affaires annuel de 600 millions d’euros ainsi qu’une production de dindes de deux millions de tonnes pour 2006.
Il n’est donc pas surprenant que les Verts aient immédiatement saisi l’occasion pour « mettre en cause les élevages industriels tels qu’ils fonctionnent actuellement », exigeant même que la France « prenne l’initiative d’une conférence internationale » sur le sujet. Il est vrai qu’en France, le seul élevage touché par le redoutable virus était aussi un élevage confiné, et qu’aucun des élevages voisins, dont les poulets picoraient allègrement en plein air, n’a jamais été atteint. En outre, « les races de volailles industrielles sont sélectionnées pour leur capacité à produire, au détriment des facultés immunitaires des animaux », comme le rappelle le Dr Jean-Luc Angot, de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Elles sont par conséquent d’excellentes productrices de protéines – généralement sans matière grasse et sans goût -, nécessaires pour une production de masse ; ni plus, ni moins. Et la promiscuité dans les élevages industriels n’est pas faite pour arranger les choses…
Ceci étant établi, rien n’indique que dans le cas français comme dans le cas britannique, ce soit l’élevage industriel qui soit en cause. Comme l’a constaté le vétérinaire Claude Lassus – qui a décelé le H5N1 dans la ferme de Versailleux -, « la filière avicole a été mise dans la merde [sic] à cause d’une faute professionnelle ». Ce que reconnaît volontiers l’agriculteur concerné, qui pense que la contamination est arrivée dans sa cour « sous les semelles d’un visiteur » pour ensuite entrer dans son local par « le transport de la paille ». Une piste que certains spécialistes réfutent, au profit de celle d’une source d’eau contaminée.
Dans un premier temps, l’origine de la contamination outre-Manche a dérouté. A tel point que le secrétaire d’Etat à l’Environnement s’est déclaré « un peu surpris que cela arrive ici et maintenant, alors que le foyer d’infection le plus proche est la Hongrie ». Or, comme le groupe Bernard Matthews possède une filière en Hongrie, Saga Foods, certains experts ont tout de suite privilégié la piste d’un transfert du virus par un employé ou une marchandise. Cette hypothèse a d’abord été contestée par les dirigeants du groupe britannique, qui ont affirmé qu’il n’y avait pas la moindre possibilité que les foyers britanniques et hongrois aient un lien direct. Montrant qu’elle n’était pas dupe, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a déclaré que « les déplacements migratoires ou la persistance du virus dans le biotope environnant apparaissent très peu probables dans le cas britannique ». D’où son avis, particulièrement percutant, du 5 février dernier, qui indiquait que l’origine du virus est avant tout à rechercher dans « des supports passifs (litières, cages, véhicules…) aux cours d’échanges licites ou non » !
Quelques jours plus tard, le 11 février, le groupe britannique a été contraint de reconnaître qu’il importait de Hongrie, chaque semaine, 38 tonnes de volaille partiellement transformée. S’il est trop tôt pour conclure sur la pertinence de cette piste, l’attitude mensongère de Bernard Matthews, ainsi que celle du gouvernement de Tony Blair, qui selon plusieurs journaux britanniques, était au courant de ces échanges, jettent une zone d’ombre sur la traçabilité et la transparence de l’entreprise. D’autant plus que celle-ci entretient des liens commerciaux avec de nombreux autres pays, dont la Turquie, qui est à l’origine de la contamination africaine par le biais d’un trafic illicite de poussins d’un jour.