Dans le dossier du Cruiser, Michel Barnier a finalement décidé de ne rien décider. Dommage ! « Au regard des premières informations collectées, Michel Barnier considère que les conditions ne sont pas réunies pour statuer sur une nouvelle autorisation du Cruiser », indique en effet un communiqué du ministère, qui annonce que la décision de renouvellement ou d’interdiction sera prise en octobre ou novembre 2009. En clair : le ministre transmet habilement la patate chaude à son successeur… Et s’il avait assuré toute la transparence dans un dossier qui le mérite, ce n’est pas l’impression qu’a donnée la réunion du comité post-homologation du vendredi 19 juin. Michel Barnier avait annoncé sa présence : il s’est excusé en dernière minute, laissant son chef de cabinet diriger les quatre heures d’échanges difficiles. Depuis le départ de son prédécesseur, Michel Cadot, ce dossier semble en effet être géré avec une insoutenable légèreté. Exemple : la publication à nouveau reportée du compte rendu définitif sur le suivi post-homologation 2008. Comme le note le Syndicat des producteurs de miel de France (SPMF), « ceci contribue d’autant plus à la confusion que les acteurs concernés, en particulier les apiculteurs victimes d’intoxications, n’obtiennent pas l’ensemble des données scientifiques et techniques sur l’origine des accidents ». Et ce n’est pas l’unique grief formulé. Lors de cette réunion, les autorités publiques n’ont pas été en mesure d’apporter des explications claires et précises sur les quelques cas de mortalités d’abeilles relevés pendant les semis. Ainsi, dans un communiqué de presse, le SPMF estime que « les explications fournies lors de la réunion apparaissent incomplètes et les hypothèses sur les causes sont peu crédibles ». « Une nouvelle fois, il faut mettre un terme au black-out de l’information si on ne veut pas aggraver encore plus l’incompréhension et la confusion », met en garde le syndicat des apiculteurs professionnels, qui demande que « toutes les cartes soient enfin mises sur la table ».
Le syndicat doit toutefois admettre qu’alors qu’un peu plus de 600.000 ha de maïs enrobé avec du Cruiser ont été semés en 2009, « les intoxications relevées sont limitées et n’ont pas le caractère massif observé dans le passé avec d’autres molécules ». Il est important de le dire et le redire : les hécatombes d’abeilles annoncées par certaines associations environnementales (et par l’Union nationale de l’apiculture française) – n’ont pas eu lieu !Pourtant, rien à faire, le discours apocalyptique reste de mise. Ainsi, France Nature Environnement, qui avait annoncé son retrait du comité de suivi post-homologation, a réagi à la réunion en demandant au ministère de l’Agriculture de ne pas renouveler l’autorisation du Cruiser pour la campagne 2010. FNE va jusqu’à évoquer « l’application en urgence du principe de précaution pour la protection des abeilles et des pollinisateurs en général ». Claudine Joly, chargée du dossier à FNE, estime ainsi que « les pollinisateurs sont en danger ». « Même si les pesticides ne sont pas l’unique cause de leur déclin, nous devons pour les sauver mettre toutes les chances de notre côté et donc stopper impérativement l’utilisation de produits qui, comme le Cruiser, sont officiellement reconnus dangereux pour les abeilles », indique le communiqué de presse de FNE.
Bref, le passage de Michel Barnier au ministère de l’Agriculture n’aura pas vraiment fait bouger les choses. Comme le note le mensuel AGPM-Info du mois de juin, « tout recommence dans quelques semaines, avec un nouveau cabinet, un nouveau ministre, pour obtenir une nouvelle homologation pour 2010. […] Tout cela, pour un produit qui, en 2009, aura protégé plus de 600.000 hectares de maïs avec efficacité et sécurité ». Bref, « que d’énergie, de temps et d’argent dispensés pour rien… Si, pour quelque chose, pour pallier à l’abandon par le Politique de son rôle premier et pourtant tellement évident : analyser avec objectivité et décider ».