Deux nouvelles variétés de tournesol sont désormais disponibles pour les producteurs. A&E fait le point avec André Pouzet, directeur du Centre technique interprofessionnel des oléagineux métropolitains (Cetiom).
L’arrivée sur le marché de deux nouvelles variétés de tournesol tolérantes aux herbicides est-elle « Grenello-compatible » ?
Absolument ! Et ceci pour plusieurs raisons : jusqu’à présent, seuls des traitements de pré-semis (s-metoloachlorou pendiméthaline, depuis le retrait de la trifluraline), suivis d’une application de post-semis/pré-levée étaient possibles. Dès lors que la levée du tournesol avait commencé, les agriculteurs ne disposaient pas de solution de rattrapage contre les adventices dicotylédones de printemps (notamment la carotte sauvage, le datura, la morelle, le xanthium, le bidens, mais aussi l’ambroisie, qui peut entraîner des risques allergènes pour une partie de la population). L’agriculteur était donc obligé de procéder à des traitements préventifs afin de se prémunir contre ces problèmes.
La sélection de variétés tolérantes aux herbicides – en l’occurrence à l’imazamox et au tribenuron-méthyl – change la donne. Désormais, il pourra traiter en fonction de la présence réelle des adventices, même après la levée des cultures, et donc adapter les doses en fonction de l’hétérogénéité de la présence des mauvaises herbes dans la parcelle. Mieux encore, s’il n’observe aucune adventice sauvage, il pourra ne pas traiter du tout ! L’utilisation des variétés tolérantes à ces herbicides ne conduit donc pas à un usage automatique de l’herbicide, contrairement à ce que laissent entendre certaines rumeurs …
En outre, ces nouvelles variétés facilitent le binage, dont la réalisation n’est pas toujours aisée. Elles permettent aussi de rattraper un mauvais binage, ou mieux, d’allier désherbage sur le rang et binage dans l’inter-rang (désherbinage). Dans son rapport Écophyto R&D rendu public en janvier 2010, l’Inra préconise cette solution pour la betterave. Aujourd’hui, elle est également possible pour le tournesol.
Ces nouvelles variétés peuvent donc réduire l’usage des herbicides ?
Oui. D’autant plus que même utilisés à pleine dose, ces deux nouveaux herbicides vont considérablement réduire les quantités de matière active par rapport aux autres solutions disponibles jusqu’à aujourd’hui. L’application d’un herbicide de pré-semis et d’un herbicide de pré-levée, aux doses homologuées, représente un apport de 2 000 à 4 000 grammes de matière active à l’hectare. Avec les nouvelles solutions de post-levée en application simple, les quantités de matière active se situent au maximum à 50 grammes à l’hectare, soit une réduction d’un facteur de 80 !
Mais cela ne veut-il pas dire que la matière active est plus toxique ?
Pas du tout. Les conditions requises pour l’inscription des produits phytosanitaires au niveau européen sont de plus en plus rigoureuses, et les
matières actives récentes présentent en moyenne des risques moins importants, grâce à leurs modes de fonctionnement différents. Comme on peut le constater, c’est bien par le progrès qu’on peut répondre aux exigences de réduction de l’usage des produits phytosanitaires établies lors du Grenelle de l’environnement.
Bien entendu, il est hors de question de généraliser l’emploi de ces nouvelles variétés de tournesol, et ceci pour au moins deux raisons. D’une part, avec les variétés tolérantes actuellement disponibles, le gain économique n’est avéré que dans les cas d’enherbement important des parcelles. Il convient donc de les réserver aux cas où le contrôle des adventices de printemps dans le tournesol est reconnu difficile. En France, 20 000 hectares sont concernés. Désormais, l’agriculteur disposera d’une solution adaptée, ce qui lui permettra de mieux répondre à la demande croissante en huiles végétales, avec une culture d’été particulièrement économe en eau, en engrais azoté et en produits phytosanitaires.
D’autre part, d’autres herbicides utilisés sur céréales présentent le même mode d’action, et l’apparition d’adventices résistantes n’est donc pas à exclure. Afin de parer à cette éventualité et de favoriser la durabilité de ces innovations, il faut accompagner leur usage de mesures agronomiques simples, incluant par exemple le binage, le déchaumage ou les faux-semis.