Préfacé par leur ami le sénateur écologiste Joël Labbé, le dernier livre de Claude Aubert et François Veillerette a pour ambition d’expliquer comment arrêter l’usage des pesticides 1
S’attardant moins sur « l’horreur chimique » que représenteraient à leurs yeux les pesticides et les engrais de synthèse, qui fondaient leurs précédents ouvrages respectifs, Claude Aubert et François Veillerette ont choisi un angle d’attaque relativement neuf.
Ainsi, pour convaincre de l’inutilité de ces produits, les deux responsables de Générations Futures prennent le parti de se focaliser sur le système immunitaire des plantes. « Les plantes ont, comme nous, un système immunitaire qui leur permet de se défendre contre leurs agresseurs », écrivent-ils, non sans illlustrer leurs propos par quelques exemples sympathiques et passionnants.
Selon eux, pour les végétaux, à la différence des humains qui tombent malades « parce que nous n’avons pas bien pris soin de notre corps » ou « en raison de notre grand âge (ou parce que l’on a été exposé à des pesticides ou autres polluants) », les causes seraient « pour la plupart liées à des modes de production incapables de maintenir les plantes en bonne santé ». En clair, ce sont les pratiques agricoles du mode de production conventionnelle qui rendraient les plantes vulnérables aux maladies. Certes, ils sont bien obligés d’admettre que « même en pratiquant une agriculture écologique, il faut parfois intervenir avec des moyens de lutte biologique ». Néanmoins, en vertu de leur idéalisation du système immunitaire naturel de la plante, les principales solutions résideraient dans la simple restauration « des capacités naturelles des plantes ».
« De fait, les auteurs reconnaissent qu’il n’est pas possible aujourd’hui de se passer de pesticides et que le 100% bio « n’est pas pour demain » »
On peut s’interroger sur la véracité de ce premier postulat, puisque, bien avant l’avènement de l’agriculture moderne et de la chimie, les ravageurs n’avaient aucune peine à détruire les cultures existantes, pourtant constituées de variétés rustiques. Tout comme on l’observe d’ailleurs encore aujourd’hui dans les pays où la protection par les pesticides n’est pas suffisamment accessible – un constat que n’ignorent bien entendu pas les deux auteurs.
Une reconnaissance des limites du tout bio
De fait, ils reconnaissent clairement – et sans doute pour la première fois – qu’il n’est pas possible aujourd’hui de se passer de pesticides et que le 100 % bio « n’est pas pour demain ».
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D’abord, parce que cela exigerait de « profonds changements auxquels de nombreux agriculteurs ne sont pas encore prêts », car « se passer totalement des pesticides chimiques suppose un tel bouleversement de l’agriculture que cela prendra du temps ».
Ensuite, en raison d’un évident blocage de la part des consommateurs, qui restent réticents à ce bouleversement, « soit parce qu’ils n’en voient pas l’intérêt, soit parce qu’ils ne veulent pas changer leurs habitudes alimentaires, ni augmenter leur budget alimentation ». Or, estiment Aubert et Veillerette, « l’on ne pourra pas changer l’agriculture si on ne change pas aussi les habitudes alimentaires, notamment en diminuant drastiquement la consommation de produits animaux et en particulier de viande ».
Pour arriver à cette conclusion, ils se basent sur deux scénarios (Afterres 2050 et TYFA) montrant qu’une agriculture 100 % bio « pourrait nourrir la population française tout en sauvegardant nos capacités d’exportation, mais à une condition : diviser par deux notre consommation de viande ».
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Là aussi, les exemples de plusieurs pays qui ont tenté le tout bio ont permis de constater qu’il y a un monde entre cette séduisante hypothèse et la pratique. Dans le cas du Bhoutan ou du Sri Lanka, qui ont souhaité passer au 100 % bio, le régime alimentaire était déjà bien frugal, puisqu’il reposait sur peu de denrées et surtout très peu de produits carnés. Et même dans ce cas, l’échec est patent.
Ainsi, donner à croire qu’il suffit de modifier les habitudes alimentaires de l’ensemble de la population française pour se passer de pesticides reste une vue d’esprit, qui a malheureusement contaminé une partie de la classe politique, dont le sénateur Joël Labbé.