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Le rôle du maïs dans la lutte contre le réchauffement climatique

Face au défi du réchauffement climatique, la filière maïs apportera sa contribution grâce à sa capacité exceptionnelle à capter du carbone. Gildas Cotten, responsable « Nouveaux débouchés » au sein de l’AGPM, livre son analyse

Quelle réponse le maïs peut-il apporter à l’enjeu climatique ?

Rappelons d’abord que l’effet de serre est indispensable au maintien d’une température moyenne de la Terre propice à la vie. Mais point trop n’en faut, selon les scientifiques. Depuis l’ère préindustrielle, la température moyenne mondiale a augmenté d’environ 1,1°C (Celsius), et de manière particulièrement rapide depuis les années 1980. En adoptant l’Accord de Paris à la COP21, en 2015, la communauté internationale s’est fixé l’objectif de maintenir nettement en dessous de 2°C la hausse des températures mondiales d’ici 2100.

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Les principaux gaz à effet de serre d’origine humaine sont le CO2, le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N20). Entre 2010 et 2019, l’atmosphère a accumulé environ 19 milliards de tonnes de CO2 par an (5,2 milliards de tonnes de carbone), après prise en compte d’une absorption équivalente par les réservoirs forestier et océanique. À cela il faut ajouter la présence croissante des gaz à effet de serre (GES) du CH4 et du N20, liés à l’élevage et à l’apport d’engrais azoté, bien que n’étant pas des molécules de CO2. Le pouvoir de réchauffement global (PRG) du méthane est 28 fois supérieur à celui du CO2, quand le N20 est 265 fois supérieur, le PRG étant ici mesuré sur les 100 ans suivant l’émission d’un kilo de ces gaz. Le PRG s’exprime en équivalent CO2.

La lutte contre le réchauffement climatique est une cause à l’échelle internationale, qui induit une réduction ou une compensation des émissions de GES, et dans un futur proche, une épuration de l’excédent de GES présent dans l’atmosphère. Il faut donc décarboner les énergies, stocker plus de carbone, et pour certains moins consommer. Tout cela doit y contribuer.

L’initiative « 4 pour 1 000 », lancée par Stéphane Le Foll lors de la COP21, vise à démontrer que l’agriculture, et en particulier les sols agricoles, peuvent jouer un rôle crucial pour la sécurité alimentaire et le changement climatique. En effet, il y aurait environ 1 500 milliards de tonnes de carbone stockés dans les sols agricoles et forestiers mondiaux. Une hausse de 4 pour 1000 par an de ce stock compenserait une grande partie des émissions annuelles mondiales de CO2.

Comment peut-on stocker davantage de carbone ?

Pour stocker plus de CO2, il faut augmenter la performance de la pompe à carbone des forêts et de l’agriculture. C’est là que le maïs tire son épingle du jeu, car il peut faire valoir la performance de sa pompe à carbone. À la différence de la forêt, dont le stockage de carbone dans la biomasse concerne les sols et le bois sur une longue durée, le cycle du carbone des cultures est évidemment bien plus court, mais rend aussi plus de services.

Ainsi, le maïs, pour le prendre en exemple, capte du carbone dans l’air pour sa croissance, et produit une biomasse qui va servir une bioéconomie au service de l’alimentation humaine et animale, au service de la production de bioénergies en remplacement des sources fossiles, et pour nourrir les sols et contribuer au stockage de carbone.

La pompe à carbone des plantes est directement liée à leur productivité, la composition en carbone des plantes étant relativement similaire. Ainsi, avec un rendement moyen français de 9,4 t/ha sur les cinq dernières récoltes, supérieur aux autres cultures, le maïs grain capte dans sa biomasse aérienne près de 22 t de CO2 eq/ha nettes des émissions de GES liées aux apports d’engrais, à leur fabrication et aux consommations d’énergie.

Le rôle du maïs contre le réchauffement climatique est donc plus diversifié que celui de la forêt. Le maïs dispose d’un métabolisme dit « en C4 », qui fixe plus de CO2 et produit plus de biomasse carbonée à l’hectare que les autres plantes. Il « économise » une part importante de l’énergie issue de la photosynthèse, car il n’a pas de photorespiration comme les plantes en C3. Avec cette productivité, et combiné au progrès génétique, son développement permet de répondre plus efficacement à la demande alimentaire en minimisant la déforestation, grande source d’émission de GES.

Le maïs est une source d’énergie, non seulement pour l’alimentation, mais aussi pour remplacer les carburants fossiles comme l’essence ou le gaz naturel. Le maïs sert à produire du bioéthanol qui émet trois fois moins de GES sur son cycle de vie que l’essence, ou encore du biométhane, qui est plus efficace à 70% par rapport au gaz naturel. En France, 220 millions de litres de bioéthanol sont produits chaque année à partir d’environ 500 kt de maïs du Sud-Ouest.

Et dans le sol ?

Le maïs permet en effet aussi de stocker du carbone dans le sol. Car, contrairement à d’autres cultures, celle du maïs laisse sur place une partie considérable de sa biomasse, comme les cannes de maïs et les racines dont la décomposition nourrit la faune du sol. Sur la base des rendements des cinq dernières années, les cannes et racines du maïs français injectent l’équivalent d’environ 2,2 à 2,5 tonnes de CO2 par hectare et par an dans le sol sous forme d’humus. Paradoxalement, la monoculture de maïs apparaît même l’un des systèmes les plus efficaces dans ce domaine. De même, l’efficacité GES de la culture du maïs peut être améliorée, pour réduire ses émissions et améliorer le stockage de carbone via les couverts végétaux, par exemple. 

Il est certainement possible d’améliorer davantage la contribution carbone du maïs, mais encore faut-il que les revenus générés le permettent. C’est l’ambition de l’AGPM et de sa participation à la méthode bas carbone grandes cultures.

Certifiée par l’État dans le cadre du label bas carbone, cette démarche doit permettre de rémunérer les actions carbone de l’agriculture, et des maïsiculteurs en particulier. Les premiers retours d’expérience montrent une génération nette potentielle de crédits carbone jusqu’à un crédit par ha (un crédit égale une tonne de CO2), mais pas dans tous les cas. Le choix d’investissement devra reposer sur un diagnostic de l’exploitation agricole.

Ces données sont à confirmer mais corroborent d’ores et déjà le rôle positif du maïs sur la seule partie séquestration et amélioration des pratiques. Il reste cependant à optimiser cela dans le cadre de la bioéconomie, avec un modèle économique rémunérateur.

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