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Mauvaise polémique autour d’Agribalyse

Rendue publique le 30 septembre 2020, la base de données Agribalyse 3.0 mise en place par l’Ademe en partenariat avec l’Inrae, qui permet de réaliser une analyse environnementale de 2500 produits alimentaires prêts à la consommation, suscite la fureur des principaux acteurs de l’agriculture biologique

Dans une note technique de cinquante-deux pages adressée à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), l’Institut technique de l’agriculture et de l’alimentation biologiques (Itab) déplore l’existence de « biais méthodologiques » qui conduisent Agribalyse à conclure que les systèmes de production extensifs sont systématiquement défavorisés. « Les œufs de poules élevées en plein air sont moins bien notés que les œufs de poules élevées en cages, idem pour les poulets, les porcs, les pommes bio… », regrette l’Itab, tandis que plusieurs fédérations bio dénoncent « des résultats aberrants ». Même discours de la part d’Interbev (Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes), qui fait remarquer qu’Agribalyse « pénalise très fortement les produits issus d’élevages herbagers ».

La publication de cette note, le 11 décembre dernier, a occasionné le lancement d’une vaste campagne médiatique organisée par le lobby du bio et ses habituels relais (Greenpeace, Générations Futures, Agir pour l’environnement, la Fnab, Synabio, NatexBio, Bio Consom’acteurs, la Confédération paysanne, etc.).

Une méthode aboutie

Les experts de l’Inrae et de l’Ademe se seraient-ils si grossièrement trompés ?

Tel n’est pas l’avis de Jérôme Mousset, chef du service Forêts, alimentation et bioéconomie à l’Ademe, qui rappelle que « l’analyse de cycle de vie (ACV) reste une méthode incontournable, car elle permet de calculer toutes les émissions du champ à l’assiette ». Cette méthode normalisée ISO 14040 et 14044 fournit « des indicateurs d’impacts environnementaux des produits, incluant toutes les étapes et les différents enjeux (climat, eau, air, sol, etc.) ». Comme le rappelle l’Ademe, « l’analyse du cycle de vie est l’outil le plus abouti en matière d’évaluation globale et multicritère des impacts environnementaux. Cette méthode permet de mesurer les effets quantifiables de produits ou de services sur l’environnement ».

Alors, comment expliquer que les systèmes de production intensifs obtiennent une meilleure notation que les productions bio et extensives ?

La réponse est assez simple et relève du bon sens : ramenés au kilo ou au litre produits, les impacts environnementaux sont tout naturellement moins bons pour les systèmes d’élevage lent et les cultures à faible rendement.

Rien de surprenant à cela. Au contraire, ces conclusions sont conformes aux déductions fournies par de nombreuses études déjà parues à ce sujet.

Attention aux externalités

Confronté à cette cruelle réalité, le Synabio rétorque que « la méthode n’intègre pas les externalités positives des systèmes extensifs ». Un argument repris par Interfel (Interprofession de la filière des fruits et légumes frais), qui risque fort de se retourner comme un boomerang contre ceux qui le brandissent.

En effet, ainsi que le note le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Julien Denormandie, « quand vous prenez aujourd’hui les différentes méthodologies sur les bilans carbone, on se rend compte que parfois le bilan carbone d’un élevage de vaches en Argentine, du fait de son côté très intensif, est meilleur, y compris avec le transport, que le bilan carbone d’une production locale française ».

Plusieurs études comparant l’empreinte carbone de l’agneau néo-zélandais à celle de l’agneau européen, menées notamment par des chercheurs allemands, aboutissent aux mêmes conclusions. « Malgré le trajet effectué depuis la Nouvelle-Zélande en bateau, l’agneau anglais a un impact climatique plus important », confirme Hayo van der Werf, spécialiste de l’impact environnemental de l’agriculture à l’Inrae.

De même, selon une publication de l’Ademe parue en juin 2017, mieux vaut consommer une salade espa- gnole produite en plein champ qu’une salade cultivée sous serre chauffée qui émettra deux fois plus de gaz à effet de serre (510 g d’équivalent CO2 contre 240 g), et cela même en pre- nant en compte les émissions liées au transport de la salade espagnole.

Quant aux impacts sur la qualité des sols pour les productions céréalières, l’usage du labour, indispensable en bio, ne peut rivaliser en termes de préservation des sols avec les pratiques du sans labour même avec utilisation de glyphosate.

Et on pourrait aussi mentionner les effets de l’usage du cuivre, une pratique indispensable en bio faute de disposer d’autres solutions, qui, à terme, risque de rendre les sols stériles. Bref, quoi qu’en dise le lobby du bio, les analyses d’Agribalyse, quelque imparfaites qu’elles soient, sont loin d’être « préjudiciables à l’information des consommateurs », comme le prétend Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir. C’est tout le contraire. Il est sûr, en revanche, que vouloir casser le thermomètre en raison d’un affichage de températures déplaisantes n’est pas très raisonnable…

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