Dans l’émission « On n’est pas couché » du samedi 5 mars, Isabelle Saporta parle d’un sujet qu’elle semble bien mal maîtriser : l’éclaircissage du pommier. Voulant démontrer l’absurdité du raisonnement shadockien des arboriculteurs français, l’auteure du Livre noir de l’agriculture s’est lancée dans une explication sur l’usage d’hormones « d’accrochage » et d’hormones « de décrochage ». « Comme on a fragilisé les pommes avec les hormones de décrochage, il est nécessaire, d’un coup, de remettre un petit coup d’hormones d’accrochage sur le pommier, histoire que les fruits restent suffisamment longtemps sur l’arbre. Suivez le guide : hormones d’accrochage, puis hormones d’éclaircissage, puis de nouveau hormones d’accrochage », écrit la spécialiste. Une telle explication fait passer les arboriculteurs pour de sacrés imbéciles !
Qu’en est-il vraiment ?
Au moment de la floraison, c’est-à-dire entre la fin du mois de mars et le courant avril, selon la variété et le terroir considérés – et non pas au même moment comme l’explique Isabelle Saporta –, les insectes viennent polliniser les fleurs des pommiers. En conditions climatiques normales, la floraison est naturelle et excessive, et les vergers deviennent alors « boules de neige ». Les « hormones d’accrochage » citées par Mme Saporta n’ont donc aucun intérêt. En revanche, sans l’intervention du producteur, les fruits demeurent de petite taille, subissent des déformations (car ils se partageraient une quantité de sève fixe) et certains chutent spontanément entre mai et juin. En outre, les maladies risquent de se développer plus facilement (avec des fruits plus fragiles, et une transmission de proche en proche…). Enfin, par des mécanismes physiologiques complexes (médiateurs hormonaux), l’année suivante, l’arbre réagit en produisant un nombre restreint de boutons floraux. Ce phénomène est connu sous le nom « d’alternance ».
L’éclaircissage est une opération qui consiste à éliminer avant grossissement une partie des fruits produits pour des raisons de régularité de production (et donc de revenu), mais aussi pour aider l’arbre à régulariser son taux de fructification. Deux types d’interventions ont lieu :
Une première qui s’effectue autour de la floraison et qui consiste en l’apport d’un complément de molécules qui vont faire avorter un certain nombre de fleurs. Cela peut se faire de manière mécanique ou chimique. On utilise alors des molécules naturellement présentes au niveau de la physiologie de l’arbre, et qui permettent au pommier de faire chuter les fruits en excès ; ou bien des spécialités à base de soufre et d’huiles blanches, comme le pratiquent très souvent les producteurs bio. C’est ce qu’Isabelle Saporta a baptisé les « hormones de décrochage ».
Une deuxième intervention a lieu quelques semaines plus tard (juin ou juillet), car la réussite de cette première intervention varie essentiellement selon le climat. Du personnel intervient alors manuellement pour adapter le juste potentiel des arbres et garder le bon nombre de fruits, permettant ainsi d’obtenir la qualité gustative recherchée ainsi qu’un calibre adapté aux souhaits des consommateurs. En effet, trop de pommes tuent le goût !
Ces pratiques n’ont donc rien à voir avec l’injection « d’une bonne douche d’hormones d’accrochage » que mentionne Isabelle Saporta dans son livre. Ni avec les « hormones d’éclaircissage » dont l’objectif serait de faire en sorte que « toutes les pommes ou presque parviennent à maturité en même temps ». Isabelle Sapora semble d’ailleurs ignorer que selon la variété, on récolte les pommes de fin juillet à fin novembre, et que pour une même variété donnée, on procède à sa récolte en plusieurs fois (jusqu’à 8 passages pour la Reine des Reinettes).
« Malgré son prétendu travail d’investigation de deux ans dans les campagnes, ces grosses imprécisions doivent être très certainement dues à son oubli de visiter un verger », note avec une certaine ironie Daniel Sauvaitre, le président de l’Association Nationale Pommes Poires !