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Nouvelle offensive contre les néonicotinoïdes

Alors que la FNSEA dénonçait l’excès de réglementation dont la profession fait l’objet à travers une manifestation organisée le 24 juin, la guerre de sape contre les produits phytosanitaires est encore montée d’un cran. En effet, 173 parlementaires de tous horizons politiques ont co-signé une résolution « invitant le gouvernement français à agir auprès de l’Union européenne pour une interdiction de toutes les utilisations des substances néonicotinoïdes ».

L’enjeu consiste à élargir la suspension actuelle, qui concerne trois substances actives de la famille des néonicotinoïdes (clothianidine, thiaméthoxam et imidaclopride), utilisées sur 75 cultures différentes (dont les cultures fruitières, les cultures de maïs, colza, tournesol et coton), à toutes les molécules de cette famille (c’est-à-dire thiaméthoxam, imidaclopride, thiaclopride, dinotéfuran, acétamipride et clothianidine), cette fois-ci pour toutes les cultures (notamment les céréales à paille) et tous les usages (traitements de semences comme pulvérisations).

En clair, il s’agit de priver définitivement les agriculteurs des pays de l’Union européenne d’un des moyens de protection des plantes les plus efficaces. En France, ce ne sont pas moins de deux millions d’hectares de céréales à paille traités avec de l’imidaclopride (soit un tiers des cultures totales de céréales à paille), ainsi que la quasi-totalité de la production de betteraves, qui se retrouvent ainsi dans la ligne de mire des parlementaires.

Les trois crimes des « néo »

Entraînés par le sénateur écologiste Joël Labbé et le député socialiste Germinal Peiro, les signataires accusent les néonicotinoïdes de trois crimes : provoquer le déclin des pollinisateurs, avoir des impacts « sur de nombreuses composantes de notre environnement telles que les macro-invertébrés ou les oiseaux », et affecter la santé humaine. La charge est lourde ! On peut donc raisonnablement supposer que ces parlementaires disposent d’éléments nouveaux, qui auraient échappé à la vigilance des organismes d’homologation, notamment à celle de l’Agence européenne de sécurité alimentaire (Efsa). Or, il n’en est rien : ces pourfendeurs des néonicotinoïdes reprennent principalement des travaux à charge réalisés par des opposants notoires aux pesticides.

Des propos dévoyés

Pire, lorsqu’ils citent certaines études d’organismes officiels, ce n’est que pour mieux en tordre les propos. Exemple : pour justifier leur discours alarmiste sur de prétendus effets sur la santé humaine, les auteurs de la résolution parlementaire citent une seule source, en l’occurrence le communiqué de l’Efsa daté du 17 décembre 2013, dans lequel il est indiqué que « deux insecticides néonicotinoïdes –l’acétamipride et l’imidaclopride– peuvent avoir une incidence sur le développement du système nerveux humain ». Or, suite à la publication de cette étude, l’Efsa, qui se garde bien de conclure, n’a jamais exigé leur interdiction, mais une légère diminution des valeurs de référence toxicologique (de 0,08 mg/kg pc/jour à 0,06 mg/kg pc/ jour pour l’imidaclopride). L’agence conclut même que « la valeur actuelle de la DJA pour l’imidaclopride est considérée comme assurant une protection adéquate contre d’éventuels effets neurotoxiques au stade du dé-veloppement ». Pourtant, c’est bien sur la base de cet unique document que les parlementaires affirment que « de récentes publications [sic] font craindre que ces produits affectent également la santé humaine ».
 
Comme le débat sur les biotechnologies végétales, celui sur les néonicotinoïdes s’est transformé en guerre totale dont l’enjeu n’est autre que la mise en péril du modèle agricole performant développé il y a plus de soixante ans.

Comble de l’hypocrisie, ni Joël Labbé, ni Germinal Peiro ne sont prêts à assumer leur responsabilité de militants hostiles à cette agriculture performante. Comble du ridicule, ils osent même prétendre que l’usage de ces molécules n’apporte aucun bénéfice aux agriculteurs !

« L’Agence européenne de l’environnement a analysé les rendements sur le tournesol et le maïs entre 1995 et 2007, période durant laquelle le Gaucho a été autorisé puis interdit sur ces cultures, sans noter de différence significative de rendement. De même, une équipe britannique a mené la comparaison sur le blé et le colza dans une Review publiée dans le Journal of Applied Ecology. Au terme de cette analyse, les traitements préventifs déployés sur une vingtaine d’années ne semblent pas avoir d’impacts notables sur les rendements. Outre-Atlantique, le Center for Food Safety a examiné 19 publications scientifiques traitant de la relation entre les néonicotinoïdes et les rendements des principales cultures des États-Unis. La plupart d’entre elles montrent que les insecticides néonicotinoïdes n’ont pas permis une amélioration significative des rendements des cultures », écrivent les parlementaires.

Comme le débat sur les biotechnologies végétales, celui sur les néonicotinoïdes s’est transformé en guerre totale dont l’enjeu n’est autre que la mise en péril du modèle agricole performant développé il y a plus de soixante ans.

Le lecteur attentif aura constaté qu’aucune des trois autorités citées –l’Agence européenne pour l’environnement, le Journal of Applied Ecology et le Center for Food Safety– ne possède de compétence particulière en matière d’agronomie, et qu’il ne s’agit pas davantage d’instituts de recherche. Et pour cause ! Si les parlementaires avaient pris la peine d’interroger les instituts français spécialisés dans ces questions, ils auraient obtenu des réponses bien différentes…

Un impact significatif sur les rendements

« Tous les travaux de l’Institut technique de la betterave (ITB) concordent vers la même conclusion : les traitements de semences à base de néonicotinoïdes évitent une perte de rendement moyenne sur le territoire national de 7,5 %, et pour certaines régions (notamment le Nord-Pas-de-Calais et la Normandie), de 15 à 30 %. Dans ces situations, la gestion des volumes deviendrait très problématique et compromettrait gravement la compétitivité de la culture », explique Marc-Richard Molard, qui a suivi le dossier des traitements de semences pour l’ITB jusqu’à tout récemment.
 
« L’utilisation d’une protection efficace contre les taupins, les mouches (oscinie, géomyze), les cicadelles, et les pucerons avec des produits de la famille des néonicotinoïdes à base d’imidaclopride ou de thiamethoxam a permis de préserver environ 750 000 tonnes de maïs grain et 350000 tonnes de maïs fourrage en moyenne par an. À ce jour, les solutions disponibles ne permettent pas de protéger aussi efficacement les maïs », confirme Jean-Baptiste Thibord, responsable Ravageurs pour Arvalis. Sa collègue Nathalie Robin souligne que pour l’orge d’hiver, « la protection des semences avec l’imidaclopride, qui concerne environ 75 % des surfaces semées, permet un gain de rendement significatif, atteignant 25 q/ha en moyenne dans nos essais (14 essais Arvalis), ce gain allant de 5 à 78q/ha ».

Même discours chez les professionnels des filières fruits et légumes. « L’impact économique de l’interdiction éventuelle des néonicotinoïdes sera très significatif pour le secteur des fruits et légumes. Pour un même usage, il existe dans ce secteur très peu, voire aucune alternative, d’autres familles chimiques. L’interdiction éventuelle conduira donc à des impasses techniques avec de fortes conséquences pour l’économie du secteur », avertit Alain Vernède, directeur du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes. Des propos qui tranchent singulièrement avec ceux des parlementaires !

Que le dogmatique sénateur EELV Joël Labbé méprise l’avis des principaux instituts agricoles de son pays n’est pas surprenant. En revanche, que le socialiste Germinal Peiro, qui ne cache pas son ambition de remplacer Stéphane Le Foll rue de Varenne, en fasse autant, est beaucoup plus grave…

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