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Comment fonctionne la machine à fric de Greenpeace

Alors que les questions agricoles n’ont pas été au cœur des actions de Greenpeace durant ces dernières années, l’association écologiste radicale a entamé depuis mai 2015 une série d’initiatives inédites visant à mettre en cause le modèle agricole européen en général, et l’agriculture française en particulier. Et qui dit Greenpeace, dit nécessairement actions spectaculaires ! Le 13 mai dernier, une quinzaine de militants professionnels ont ainsi déployé devant les locaux d’InVivo une banderole accusant ses dirigeants, Philippe Mangin et Thierry Blandinières, « d’empoisonner les agriculteurs au lieu de les servir ». Un slogan largement repris et diffusé sur les réseaux sociaux grâce à Anaïs Fourest, chargée pour Greenpeace du dossier agricole en France.

Une opération européenne

Cette opération s’inscrit dans un plan de communication qui veut apporter une visibilité certaine à la campagne européenne « I know who grew it » de la multinationale verte, lancée simultanément. Traduite en français par « Je sais ce que je mange », celle-ci propose aux sympathisants de Greenpeace de « défier l’agro-business » et de s’engager « pour une agriculture et une alimentation plus saines ». « L’agriculture industrielle est un modèle toxique et dépassé », affirme l’ONG écolo. « Monocultures, modifications génétiques, engrais chimiques et utilisation massive de produits phytosanitaires sont les principales caractéristiques de ce système contrôlé par une poignée d’entreprises de biotechnologies. La grande distribution, l’agro-industrie et les géants des biotechnologies tels que Syngenta, Bayer et Monsanto, exercent un pouvoir énorme sur le marché », poursuit la multinationale verte, qui appelle à « défier de toute urgence ce système dépassé et sortir de ce cercle vicieux ! ». À cette action, elle en ajoute deux autres : le lancement du financement « participatif » dédié à l’« agriculture paysanne » –autrement dit une levée de fonds–, et la « Course Zéro Pesticide », qui consiste à exercer une pression sur les principales enseignes françaises de la grande distribution afin qu’elles ajoutent à leur cahier des charges des contraintes inaccessibles pour les producteurs de pommes et de pommes de terre.

Un travail de pro de la com’

Témoignant d’une parfaite maîtrise de la communication numérique, Greenpeace accompagne cette campagne d’un site internet sur lequel figurent deux personnages animés, « Reinette, la pomme, et Nicolas, la pomme de terre, [qui] représentent tous deux deux filières empoisonnées par les pesticides ». Point d’orgue de la mobilisation, la multinationale rend public le 16 juin un simulacre de rapport intitulé « Pommes empoisonnées ; mettre fin à la contamination des vergers par les pesticides grâce à l’agriculture écologique », dont les conclusions alarmistes sont largement reprises dans les principaux médias. « L’alerte de Greenpeace sur les teneurs en pesticides dans les vergers », titre ainsi Le Figaro. « Greenpeace s’attaque aux pommes pleines de pesticides », reprend France Info. « Greenpeace : Les pommes des supermarchés bourrées de pesticides », annonce Ouest-France, tandis que Le Parisien avertit que « les pommes de la grande distribution [sont] produites à grand renfort de pesticides ». Bref, le succès médiatique est au rendez-vous. Non pas qu’une actualité agricole soudaine justifierait cet intérêt nouveau pour la pomme ou la pomme de terre… Là n’est pas l’objet de Greenpeace ! En effet, ce qui compte pour la multinationale verte – contrairement à l’immense majorité des associations militantes–, c’est de sélectionner des thèmes de campagne en fonction d’un facteur-clé : la capacité de récolter des fonds à travers un message simple, audible par les citoyens et travaillé par des pros de la communication.

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Une monstrueuse entité

Comme le déplore l’un de ses anciens dirigeants, Paul Watson, Greenpeace est ainsi devenue une « machine à fric ». « Je me sens comme le Docteur Frankenstein : j’ai contribué à créer cette immense et monstrueuse entité, Corporative écolo, qui n’est pas à Taiji en train de sauver les dauphins, qui n’est pas dans l’Océan Austral en train de sauver les baleines, qui n’est pas allée à Terre-Neuve depuis vingt ans pour sauver les phoques, qui n’a rien fait pour protéger le thon rouge, qui ne s’est pas opposée au massacre des globicéphales aux Îles Féroé et qui, en fait, soutient la chasse aux ours polaires au Canada et en Alaska. Elle n’est qu’une arnaque, une fraude, une honte », commente le charismatique président de la Sea Shepherd Society. « Greenpeace a récolté plus de quarante millions d’euros en faveur de la lutte contre la chasse à la baleine dans l’Océan Austral et a utilisé cet argent pour financer d’autres campagnes de collecte de fonds afin d’obtenir encore plus d’argent. C’est scandaleux », renchérit-il.

L’opération qui a débuté en mai 2015 s’inscrit bien entendu dans cette logique, comme en témoigne le traditionnel appel aux dons lancé suite à cette multiplication d’actions, et dont les principaux médias ont gratuitement assuré une belle promotion auprès de leurs lecteurs. « La campagne Agriculture écologique de Greenpeace bat son plein. Face aux dérives manifestes de l’agriculture intensive, Greenpeace met tout en œuvre pour qu’émerge un autre modèle agricole, garantissant une alimentation saine aujourd’hui et demain. De nombreuses activités et publications voient le jour grâce à nos adhérents fidèles ! 100% de nos dons proviennent des particuliers, comme vous. […] Les prochaines semaines seront capitales pour que nos demandes soient entendues. Soyez assuré(e) que nous agissons avec détermination pour porter haut et fort le modèle de l’agriculture écologique », milite Greenpeace pour motiver l’appel aux dons. Ces dons serviront ensuite à financer ses « recruteurs », principalement des salariés déployés à la rencontre des passants pour leur proposer d’adhérer à Greenpeace en versant une contribution financière.

Ce système bien particulier fonctionne depuis 1995 au sein de l’ONG écologiste. À cette époque, Greenpeace Autriche demande à une agence de collecte de fonds nommée Dialog Direct d’initier un programme consistant à envoyer ses fameux « recruteurs » dans la rue. Le programme est un succès financier, et Greenpeace International incite la majorité de ses bureaux nationaux à l’adopter. Deux ans plus tard, le bureau français de Greenpeace commence à le développer. Progressivement, il abandonne tous les autres canaux de collecte. « Notre principale “technique” de recrutement d’adhérents reste le dialogue direct. Des équipes, dans la rue, proposent aux passants d’adhérer. Cette option est plus efficace que celle qui consiste à attendre passivement devant un stand », confirme Pascal Husting, ancien directeur de GPF. « Nous avons été les développeurs de ce mode opératoire au milieu des années 1990. Aujourd’hui, en France, 90 % du marché du “street marketing” est géré par des anciens de Greenpeace. Notre choix ? Intégrer cette activité en interne, ce qui génère des taux de recrutement largement supérieurs », poursuit-il. En France, cette « professionnalisation » du militantisme ne s’est toutefois pas faite sans douleur. « Nous sommes sortis de la logique voulant qu’un salarié de Greenpeace soit recruté de manière prioritaire parmi les militants. Ce qui a bien sûr engendré des tensions énormes en interne. Sur les 45 salariés présents au moment de mon arrivée, 25 ont quitté Greenpeace », explique l’ancien dirigeant.

Reste qu’une telle réorganisation du programme de collecte de fonds confié à des professionnels est onéreuse. Ce qui explique que plus du quart du budget de GPF soit consacré à récupérer de l’argent (4,3 millions d’euros sur 15,8 millions). Il est donc indispensable de ne pas se tromper de campagne ! La pestophobie étant devenu le grand sport national français, il n’est pas surprenant de retrouver Greenpeace sur ce créneau porteur. « La logique de Greenpeace est de décliner ses campagnes qui font sens et créent de la valeur ajoutée sur l’international, voire le régional », poursuit Pascal Husting. Des campagnes qui font sens et créent de la valeur ajoutée : tout est résumé !

 

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