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Les CEPP en sursis

Le 28 décembre dernier, entre la dinde de Noël et le homard de la Saint-Sylvestre, le Conseil d’État a estimé que l’ordonnance du 7 octobre 2015 encadrant l’usine infernale des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques, les fameux CEPP, était entachée d’un vice de procédure. En effet, elle n’a pas été soumise à la consultation publique, conformément aux exigences de l’article L.120-1 du code de l’environnement. Or, comme les CEPP sont censés avoir une « incidence directe et significative sur l’environnement », le ministre ne pouvait ignorer cette étape. Les services juridiques du ministère ont estimé qu’il suffisait de soumettre à la consultation publique les décrets d’application de l’ordonnance, et non l’ordonnance elle-même. Cet argument n’a pas convaincu les magistrats du Conseil d’État, qui n’ont donc pas dû examiner le fond du dossier.

Dommage. Car, en réalité, les véritables questions sont restées sans réponse. « Il s’agit principalement de l’ajout d’une nouvelle disposition réglementaire qui comporte une pénalité financière applicable uniquement aux distributeurs domiciliés en France, ainsi que l’ambiguïté sur les responsabilités des distributeurs et des agriculteurs », précise Sébastien Picardat, directeur général de la Fédération du négoce agricole (FNA), l’un des initiateurs de l’action en justice.

Dès la publication de l’avis, Stéphane Le Foll a immédiatement annoncé son souhait de rétablir le dispositif par voie législative. Il le fera donc via une procédure accélérée en tentant un passage à l’Assemblée nationale le 18 janvier, puis au Sénat dans les premiers jours de février. Et a priori sans en modifier une virgule. Plutôt que de répondre aux interrogations posées par la profession, Stéphane Le Foll a choisi le rapport de forces. Cette obstination à vouloir imposer son opinion au mépris du monde agricole entraînera bien entendu un nouveau bras de fer, avec sans aucun doute un débat intéressant au Sénat. Par ailleurs, le ministre n’est pas à l’abri d’une nouvelle procédure devant le Conseil constitutionnel, les points litigieux n’ayant toujours pas été résolus. On peut en effet raisonnablement penser que le négoce agricole ne lâchera pas l’affaire…

Dans sa plaidoirie, le ministère estime que l’objectif d’une diminution de l’usage des produits phytosanitaires sera atteint en fonction de « l’inflexion des pratiques culturales ». Il a raison. Cette inflexion est d’ailleurs le souhait de toute la profession. Personne ne s’oppose à une réduction des intrants lorsque c’est possible, ou à un changement dans les modes de production dès lors que les débouchés sont au rendez-vous. Encore faut-il que la production reste sécurisée face aux multiples menaces auxquelles les cultures sont toujours exposées, et ce, quel que soit le mode de production. Comme en témoigne l’action commune initiée contre les CEPP par les organisations professionnelles représentant les négociants et les coopératives agricoles, suivies par la FNSEA et par certaines filières professionnelles ainsi que par l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), le monde agricole est solide lorsqu’il est uni. Cette force peut parfaitement être mise à contribution pour faire progresser les pratiques agronomiques dans le respect de l’environnement, tout en préservant les revenus des agriculteurs. Plutôt que de vouloir passer en force, Stéphane Le Foll aurait donc été mieux avisé d’entreprendre un réel dialogue constructif. La décision du Conseil d’État lui a donné cette opportunité. Encore une fois, il a préféré faire cavalier seul.

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