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Bisbille chez les pieds nickelés de la désobéissance civile

C’est désormais une tradition : chaque été, lors de leur Assemblée générale, les Faucheurs Volontaires se sentent obligés de commettre une opération de vandalisme. Et l’été 2017 n’a pas dérogé à la règle.

Après avoir tenu leur AG les 8 et 9 juillet derniers, à La Vacquerie-et-Saint-Martin-de-Caastries, dans l’Hérault, quelques militants se sont rendus à Cazouls-d’Hérault, situé à 50 km de distance à peine, pour détruire une parcelle de semences de tournesol qu’ils « pensent appartenir à la société RAGT ». « C’est à 4 heures du matin que les Faucheurs Volontaires ont fait ce qu’ils savent faire de mieux : rendez-vous est donné sur un terrain caché entre Cazouls et Usclas-d’Hérault. Une soixantaine de militants font face à 7000 m2 de champs de ”tournesols OGM”, ils en sont ”sûrs” », relate la journaliste Sarah Gilmant de Radio Pays d’Hérault, qui a suivi le déroulement de ce saccage.

« Jusqu’à ce que mort s’ensuive »

Les raisons évoquées sont toujours les mêmes : « Il n’y a aucune transparence dans ce domaine », s’indigne un Faucheur anonyme, qui agit… le visage caché, au beau milieu de la nuit, pour une opération tenue « secrète ». « Maintenant il y a la mutagénèse. Ça n’arrête pas de se développer. Il y a des nouvelles biotechnologies tous les ans pour résister à des herbicides et pour permettre une certaine forme d’agriculture », murmure un autre militant, estimant que « la santé des gens est mise en danger ». « Certains cassent, certains arrachent », commente un Faucheur. « On est surtout en train de détruire un tout petit bout d’un système, qui est un système d’artificialisation du vivant et d’industrialisation de la vie et d’expropriation des êtres humains », poursuit une voix féminine tandis qu’une autre explique ne pas vouloir « de merde » dans son assiette et souhaiter que ses petits-enfants « puissent vivre normalement ». Effarante est la radicalité du discours, en témoigne l’exclamation d’une activiste prête à poursuivre ces opérations « jusqu’à ce que mort s’ensuive ». « En trente minutes, le champ a changé de visage : les tournesols sont à terre », note Sarah Gilmant, la seule journaliste à rendre compte de cette destruction passée totalement inaperçue dans les médias. L’affaire n’aura pas de suite. Les semences de la parcelle détruite n’appartenant à aucun semencier, les Faucheurs de science se sont encore une fois trompés de cible !

Un mois plus tard, dans la nuit du 10 août, ils récidivent. Toujours dans l’Hérault, à Bélarga. Cette fois encore, l’opération se déroule dans le plus grand secret. « Cette action militante, qui a concerné 3 hectares susceptibles d’être la propriété d’un semencier, est passée, semble-t-il, inaperçue dans la commune de Bélarga », note le Midi Libre, seul média ayant repris leur communiqué de presse diffusé quelques jours plus tard. « Le maire José Martinez assure ne pas avoir été mis au courant autrement que par nos soins », poursuit Hélène Amiraux, la journaliste du Midi Libre, ajoutant qu’une enquête de gendarmerie a été ouverte.

Toujours dans la plus grande opacité, les Faucheurs saccagent ensuite cinq parcelles de tournesol cultivés dans le cadre de la plateforme Syppre, un dispositif expérimental porté conjointement par Arvalis, Terres Inovia et l’Institut technique de la Betterave. L’action a eu lieu dans la nuit du 15 août près de Gardouch, en Haute-Garonne. En moins d’une demi-heure, il ne reste plus rien de ces essais conduits et financés par les agriculteurs et leurs instituts techniques. « C’est vrai qu’à force, nous sommes devenus efficaces. Là, en plus, il y avait du monde donc c’est allé vite. Du coup, le temps de trajet a été plus long que le temps de l’action elle-même », se félicite un Faucheur, cité par La Dépêche.

Afin de justifier leur forfait, les Faucheurs publient un court texte sur leur page Facebook : « Malgré un aspect de ce projet qui, porté par d’autres et avec d’autres objectifs, aurait pu être intéressant (la rotation des cultures sur 10 ans) nous avons décidé de mener cette action pour les raisons suivantes : la certitude qu’une ou plusieurs variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) y sont cultivées. Ces VRTH sont des organismes génétiquement modifiés ; la certitude que rien dans ces essais n’est fait pour arriver à proscrire l’usage des pesticides ; le manque total de transparence de ces recherches et des variétés étudiées. » Beaucoup de certitudes qui ne résistent pas à la réalité des faits.

Abandonné par José Bové, le mouvement est désormais dirigé par des « petits chefs », dont la survie repose sur des opérations d’autant plus vides de sens qu’il n’y a plus d’OGM cultivés en France.

Ces trois actions ont été conduites par un petit groupe de militants dont les méthodes entrent en contradiction avec les préceptes de désobéissance civile énoncés par Jean-Baptiste Libouban, fondateur du mouvement des Faucheurs volontaires. Ils n’agissent plus « à visage découvert » mais par le biais d’opérations tenues secrètes. Ils n’attendent plus l’arrivée des gendarmes pour fournir la liste des participants ; ne convoquent plus les médias, comme ce fut le cas au temps des actions menées par José Bové. Pire, ils vandalisent les essais des instituts techniques appartenant aux agriculteurs, et non plus ceux réalisés par les entreprises semencières. Comble du ridicule, ces pieds nickelés de la désobéissance civile affichent leur incompétence en se trompant systématiquement de cible ! Les cinq parcelles de la plateforme Syppre détruites contenaient en effet des variétés des plus classiques – un hybride de tournesol, le LG56.87HO de Limagrain – et non une variété résistante à un herbicide.

Sous la conduite de « petits chefs »

« Je regrette de voir que d’année en année nous nous écartons de plus en plus de nos idéaux fondateurs. D’un mouvement populaire et paysan, nous sommes devenus un petit milieu qui cultive l’entre-soi et amateur de courbettes pour nos petits chefs », note une faucheuse qui a publié un texte sur le site militant BellaCiao. Elle poursuit : « Agir de nuit, sans revendication, c’est abandonner une lutte légitime pour le simple vandalisme ! (…) Quand en plus nous fauchons les mauvais champs, cela tourne au pitoyable ! À ma connaissance, deux fois en moins d’un an, des champs ont été fauchés à tort ! Comment pouvons-nous espérer être respectés après cela ? »

Aveuglés par leur radicalité, les Faucheurs volontaires sont effectivement devenus des « faucheurs clandestins » dirigés par « une classe de petits notables, de petits chefs, dont la parole est d’or et dont les écrits sont devenus paroles d’évangile », note la faucheuse.

Abandonné par José Bové, le mouvement est désormais dirigé par des « petits chefs » radicaux, dont la survie repose sur des opérations d’autant plus vides de sens qu’il n’y a plus d’OGM cultivés en France. Et lorsqu’ils ne vandalisent pas des parcelles conventionnelles appartenant à des agriculteurs, cette petite bande de délinquants tente désormais de se faire entendre en peignant des bidons d’herbicide contenant du glyphosate…Pathétique !

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