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Quelques exemples de variétés issues des NGT disponibles dans un avenir proche

Alors que le trilogue doit décider du sort du futur règlement concernant les NGT, plusieurs entreprises semencières sont déjà dans les starting-blocks, annonçant avoir plusieurs variétés qui seront bientôt disponibles

Le 8 avril dernier, la commission de l’environnement du Parlement européen a validé son mandat de négociation sur le projet de règlement concernant les nouvelles techniques génomiques (NGT), donnant ainsi le feu vert aux pourparlers en trilogue.

La veille, dans une tentative désespérée de bloquer le mandat, une vingtaine d’ONG avaient adressé aux parlementaires européens un courrier leur proposant « un échange » afin « d’approfondir ces questions cruciales pour l’avenir de l’agriculture et de l’alimentation européennes ». Au nombre des signataires figuraient la Confédération paysanne, Pollinis, le Synabio, la Fnab, l’Unaf ou encore France Nature Environnement.

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Ayant pour stratégie d’instrumentaliser les questions autour des brevets, de la traçabilité et de l’étiquetage pour en faire un objet de blocage, ils réclamaient ainsi aux députés européens de maintenir, lors des négociations en trilogue, l’étiquetage jusqu’au consommateur final « en communiquant clairement qu’il s’agit d’organismes génétiquement modifiés issus des NGT », de même que « la demande d’interdiction de brevetabilité pour les plantes issues des NGT », et d’introduire une « évaluation des risques environne- mentaux et sanitaires pour toutes les plantes issues des NGT ainsi qu’une évaluation des risques et effets systémiques ».

Par ailleurs, les dernières élections européennes ayant modifié les rapports de force au sein du Parlement, devenu nettement moins sensible aux arguments de la mouvance écologiste décroissante, le lobby anti-NGT va sans aucun doute tenter de rallier à sa cause d’autres élus de tous bords politiques. Certains – à l’instar des parlementaires hongrois affiliés à Viktor Orban – se montrent en effet réticents aux NGT, principalement en raison d’une connaissance rudimentaire de ce dossier complexe, au mépris des résultats impressionnants que ces techniques ont déjà atteints.

Limagrain promet des maïs et des blés NGT pour 2029

Une chose est sûre : quel que soit le caractère plus ou moins restrictif du cadre réglementaire qui sera adopté en Europe, les agriculteurs du reste du monde pourront bien- tôt bénéficier de variétés issues de ces techniques. C’est ce qu’a révélé Sébastien Chauffaut, directeur général de Limagrain, lors d’un échange avec la presse organisé le 18 mars dernier par l’Association française des journalistes agricoles (Afja). Son groupe prévoit ainsi de commercialiser des premières variétés NGT en 2029, en donnant la primeur au maïs et au blé. « Nous avons commencé en 2017 à utiliser cette technologie. Les espèces concernées sont le blé et le maïs en priorité, ainsi que le colza et la tomate », a-t-il expliqué, précisant qu’il s’agit de projets portant sur des tolérances et des résistances aux maladies (70 % des efforts), ainsi que sur la qualité intrinsèque (en particulier nutritionnelle) des variétés et leur productivité.

Corteva dans les starting-blocks

Et le géant américain Corteva n’est pas en reste, puisqu’il commence également à communiquer sur l’avancée de ses projets. « Nous avons dans nos cartons des variétés de maïs issues des NGT qui ont comme caractéristique d’être à stature réduite, et qui sont donc plus résistantes aux aléas climatiques, notamment lorsqu’il y a des fortes tempêtes » indiquait à A&E Cédric Riboulet, sélectionneur de maïs précoces pour l’Europe du Nord, au dernier Salon de l’agriculture. En effet, il existe déjà des maïs 40% plus petits que la moyenne en raison de la présence d’un gène particulier, connu et identifié depuis les années 1930. Cependant, comme ce gène affecte également la reproductibilité de la plante, il est indispensable de le modifier afin de tempérer ses effets négatifs. Or, les techniques Crispr permettent de diminuer de plus de 30% le temps nécessaire à ces modifications, notamment lors de la conversion des variétés élites existantes. « Ces variétés éditées existent déjà, mais pour y avoir accès, les agriculteurs européens devront attendre plusieurs années après le feu vert de la Commission. C’est le temps nécessaire pour implémenter ces modifications dans les hybrides adaptés au marché européen », nuance Cédric Riboulet. Un délai qui sera bien plus court pour les agriculteurs outre- Atlantique, puisque ces adaptations peuvent commencer immédiatement.

En outre, comme l’explique le sélectionneur, Corteva a d’autres projets : « Nous avons aussi des maïs qui ont des gènes de résistance à plusieurs maladies différentes, comme l’helminthosporium, une maladie fongique, la rouille ou l’anthracnose. » Pour ces variétés, l’usage de Crisper a permis de regrouper sur un même locus (une même région chromosomique) ces différents gènes de résistance, facilitant ainsi la sélection. « Crispr-Cas9 est un ciseau moléculaire très précis », poursuit Cédric Riboulet, « l’enzyme coupe l’ADN exactement à l’endroit souhaité. Nous l’utilisons pour cibler des coupures sur un locus prédéterminé et ensuite insérer les gènes souhaités dans ces coupures pour les regrouper au même endroit ».

Corteva attend de connaître la nouvelle réglementation européenne avant d’inclure ces modifications dans les hybrides adaptés au marché européen, alors même que cette étape a déjà commencé outre-Atlantique

Une procédure impossible à réaliser sans cet outil. « Suivre une dizaine de gènes de résistance disséminés sur l’ensemble d’un génome nécessite l’utilisation massive de marqueurs moléculaires et surtout des tailles de populations beaucoup trop grandes. Au contraire, regrouper les gènes sur un même locus permet d’utiliser très peu de marqueurs moléculaires et de travailler avec des tailles de populations parfaitement gérables dans un programme de sélection », note encore le sélectionneur. Là aussi, Corteva attend de connaître la nouvelle réglementation européenne avant d’inclure ces modifications dans les hybrides adaptés au marché européen, alors même que cette étape a déjà commencé outre-Atlantique.

Le soja et le tournesol

Le maïs n’est pas la seule culture concernée. Corteva travaille également sur un soja adapté aux conditions climatiques des pays européens. « Dans le cadre des projets pour diminuer la dépendance de l’Europe au soja brésilien ou américain, nous avons engagé avec l’Inrae un projet de recherche privé et publique, qui consiste à faire muter de façon très précise les gènes impliqués dans la floraison du soja afin d’obtenir un soja qui fleurit plus tôt que la variété originale », précise pour A&E Sylvain Bedel, directeur général de Corteva France. « Grâce à Crispre-Cas9, nous avons pu utiliser la stratégie dite de ”knock-out” multiplex pour générer une diversité allélique dans le réseau génique régulant la floraison. Ainsi, cinq à onze répresseurs de la floraison ont été ciblés simultanément pour être inactivés. Cela permet d’aboutir à la création de lignées de soja précoces, avec des floraisons avancées de jusqu’à quatre semaines par rapport aux témoins. Et ça marche, comme le montrent des résultats obtenus en serre, qui doivent encore être confirmés en plein champ », ajoute Cédric Riboulet. Là aussi, rien ne pourra être commencé avant le feu vert réglementaire de l’UE.

Enfin, le projet le plus audacieux – et qui s’inscrit dans un temps plus long – est très certainement celui qui a été baptisé du nom de « GAIN4CROPS ». Il s’agit d’un projet européen d’un montant de 8 millions d’euros, qui allie recherche publique et privée dans un consortium incluant 14 partenaires (4 organismes de recherche, 6 institutions universitaires, 1 grande entreprise et 3 PME) de 9 pays différents d’Europe qui rassemble l’expertise nécessaire dans la biologie computationnelle et systémique, l’édition du génome, et la physiologie végétale. « Le but de ce projet consiste à transformer un tournesol, c’est-à-dire une plante dite en C3, en une plante de type C4 », explique Cédric Riboulet. À la différence des plantes en C3, les plantes en C4 utilisent la fixation du carbone (CO2) pour augmenter leur efficacité photosynthétique à travers un couplage plus efficace avec la photorespiration.

Ainsi, chez les plantes en C4, le dioxyde de carbone est concentré autour d’une enzyme appelée Rubisco. « C’est bien ce couplage plus efficace entre la photosynthèse et la photorespiration qui favorise la croissance de la plante et lui confère un meilleur rendement, notamment en conditions sèches », précise l’expert. Passer de C3 à C4 nécessite de modifier de nombreuses enzymes impliquées dans la photosynthèse et la photorespiration. Un tel travail ne peut se réaliser sans l’usage des NGT, en raison du nombre important de gènes cibles impliqués.

Faire passer une plante de C3 à C4 nécessite de modifier de nombreuses enzymes à la fois, ce qui ne peut se faire sans l’usage des NGT

Il existe dans la nature environ 8100 espèces en C4 connues, parmi lesquelles figurent des cultures importantes telles que le maïs, le sorgho et la canne à sucre. Ces espèces utilisent un type de photosynthèse plus efficace que la photosynthèse en C3, particulièrement dans les conditions de températures élevées et de faible disponibilité en eau. Ce système de photosynthèse plus avancé représente donc un atout considérable, permettant aux espèces d’être mieux adaptées à l’évolution climatique.

Ces quelques exemples de R&D mettent en évidence l’apport de ces techniques pour l’évolution vers une agriculture plus efficace et encore plus respectueuse de l’environnement.

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