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La guerre des mots

Interrogée sur les néonicotinoïdes par Radio Classique le 2 septembre, Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, a déploré que « nos élus écologistes véhiculent des fake news à longueur d’antenne pour imprégner dans la tête des gens des choses fausses ». Elle faisait notamment allusion aux propos de Yannick Jadot, qui a affirmé que les betteraves bio ne sont pas « aussi jaunes que les betteraves non bio ».  Ce qui est naturellement faux. La réaction de la patronne du syndicat majoritaire est donc parfaitement légitime. Elle aurait même pu ajouter que le succès de l’écologie politique repose essentiellement sur une maîtrise particulièrement fine des techniques de manipulation rhétorique, comme le prouvent ses dirigeants, qui ont parfaitement intégré l’importance de la guerre des mots. Et, dans le dossier de cet « insecticide maudit », le meilleur exemple en est certainement la réussite de ses opposants à faire adopter par la majorité des journalistes l’association automatique du terme « néonicotinoïdes » à l’expression « tueurs d’abeilles », si efficace pour marquer les esprits.

Martelée depuis dix ans par les ONG écologistes, la formule « pesticides tueurs d’abeilles » a en effet fait mouche et est systématiquement reprise par les médias depuis 2013. Pas moins de 53 articles du quotidien Le  Monde en font mention comme d’une évidence. Or, dès l’adoption de cette qualification, le débat est devenu impossible, avec, pour conséquence, la victoire indiscutable des pourfendeurs de cette matière active. Car qui pourrait vouloir sérieusement défendre un « tueur d’abeilles » ? Qui pourrait souhaiter la mort des abeilles, ces petits insectes travailleurs qui, dans l’imaginaire collectif, sont associés au miel et donc à notre bien-être ? Ne sont-ils pas les sentinelles de notre environnement, et la menace de leur disparition, la preuve de pratiques agricoles inacceptables ? Tel est le message subliminal reçu sitôt que l’on entend « tueurs d’abeilles ».

Et pourtant, les abeilles européennes ne sont nullement menacées ! Elles ne sont même pas en voie de diminution, comme vient de le rappeler Adrien Cahuzac, dans un article de l’hebdomadaire Le Betteravier, en s’appuyant sur les chiffres officiels de la FAO. « Contrairement à une idée largement répandue, la production européenne de miel n’a pas baissé depuis 1960 ; elle a même fortement progressé », note le journaliste. De 60 000 de tonnes de miel récoltées en 1960, l’UE est passée aujourd’hui à une production de plus de 200 000 de tonnes ! Et si le nombre de ruches a sensiblement diminué au cours des années 1980, il n’a cessé de progresser à partir de 2010 pour atteindre aujourd’hui son record historique (plus de 12 millions de ruches). Et cela, « en parallèle de l’intensification des pratiques agricoles », comme le constate avec ironie le journaliste. 

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