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Du mauvais usage du principe de précaution

L’arrêté rendu le 29 juin 2021 par la Cour administrative d’appel de Lyon dans l’affaire qui oppose le Criigen à l’Anses, surprenant à plusieurs égards, témoigne surtout des risques que l’invocation du principe de précaution fait désormais peser sur la société française

Présidé par Jean-Yves Tallec, le tribunal de Lyon a donné gain de cause à l’association de Corinne Lepage, confirmant que l’Anses n’aurait pas correctement appliqué le fameux principe de précaution lorsqu’elle a accordé la mise sur le marché du Roundup Pro 360 en mars 2017.

Ce jugement est plus que surprenant. Sachant que le rôle de l’agence française est justement de « rechercher s’il existe des éléments circontanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé », on ne peut donc que s’étonner de l’appréciation des magistrats, qui semblent ignorer la teneur exacte du travail de l’Anses. Car, s’il y avait eu « un risque de dommage grave et irréversible », jamais l’agence n’aurait pu accorder une quelconque AMM. Cela a d’ailleurs été rappelé aux magistrats par les quatre mémoires qui leur ont été remis.

Une curieuse logique

Or, la lecture qu’ont faite les magistrats de ces mémoires trahit une logique très particulière. Constatant que, suite à la polémique provoquée par l’avis du Circ de mars 2015, l’Anses a estimé qu’il était nécessaire que l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) revoie le classement du glyphosate et « qu’une classification comme substance suspectée d’être cancérogène pour l’homme pourrait être discutée au terme d’une analyse détaillée », la Cour a déduit – évidemment à tort – qu’il existait bel et bien « une absence de consensus scientifique ». Et c’est précisément cette absence de consensus scientifique qui justifierait à ses yeux l’application du principe de précaution.

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Les magistrats reprochent ainsi à l’Anses de ne pas avoir attendu que « les avis et les réexamens jugés nécessaires à l’égard du glyphosate soient rendus » avant d’accorder son AMM. Autrement dit, si l’on suit ce raisonnement, le principe de précaution devrait s’appliquer dès lors qu’une controverse d’experts se déclare. Auquel cas, on peut se demander ce qu’auraient dit ces mêmes magistrats au sujet des nouveaux vaccins à ARN messager, qui suscitent eux aussi une « controverse scientifique » lancée par des polémiques provenant… du Criigen.

Visiblement, les magistrats de la Cour de Lyon confondent les « incertitudes scientifiques », qui sont le propre de la science, avec les polémiques militantes.

Au bout du compte, tout cela ne serait que ridicule, si cette affaire ne mettait pas une fois de plus en évidence les dangers du principe de précaution, lorsqu’il est instrumentalisé par des associations telles que le Criigen, puis utilisé par des magistrats pas nécessairement au fait de la procédure d’homologation d’un produit phytosanitaire et plus encore ignorants des réalités scientifiques de plus en plus complexes des dossiers qu’ils ont à traiter. Il ne reste aujourd’hui qu’à la Cour de cassation d’intervenir pour remettre un peu d’ordre dans cette affaire, en rappelant aux magistrats le périmètre exact de leur action. Reste à savoir si celle-ci sera saisie par l’Anses ou par le propriétaire de la molécule.

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