Entretien avec Sébastien Abis Directeur du club Demeter
Sur l’aspect purement géopolitique je pense qu’un certain nombre de pays dans le monde considère que la parenthèse de domination européenne ou occidentale, si on veut l’appeler comme ça, est derrière nous. Elle est finie. Et donc, il y a un juste retour à l’ordre naturel des choses de superpuissances où l’Europe et ses pays ne sont pas forcement toujours leaders dans la compétition mondiale. Cela dit, cela pose la question de l’unité des européens dans ce contexte stratégique transformé. Plus le temps passe plus le monde est compliqué, complexe, plus l’Europe a besoin d’être solidaire, d’être unité et d’avoir des capacités stratégiques dans des domaines où elle est encore performante.
L’agriculture nous donne une taille critique sur un planisphère aujourd’hui. Dans d’autres secteurs nous ne sommes plus leaders, en agriculture dans l’agroalimentaire l’Europe est capable d’être en sécurité à domicile et de rayonner à l’international.
L’une des questions que pose le dossier ukrainien avec la poussée russe et en même temps l’incertitude sur le théâtre ukrainien c’est de savoir finalement si nous avons pris conscience qu’à nos portes nous avions des pays qui avaient mis le turbo sur leur production agricole. La Russie c’est connu, l’Ukraine certain se surprenne aujourd’hui de voir la taille qu’a pris l’Ukraine sur l’échiquier agricole mondial. C’est une superpuissance agricole. Elle l’a toujours été dans le temps long et dans l’histoire. Dés l’antiquité le bassin de la Mer Noire a provisionné la ville d’Athènes. Dés le 19ème Siècle tout le bassin de la Mer Noire faisait à lui tout seul la moitié des exportations mondiales de céréales.
L’Ukraine aujourd’hui, grand producteur de céréales, grand producteur de tournesol, d’orge, de colza, nous avons une superpuissance agricole en grande culture. 110 millions de tonnes de production, 80 millions de tonnes exportées. Les marchés surréagissent parce que ce qui est produit en Ukraine est très déterminant dans les équilibres alimentaires mondiaux et en même temps les marchés réagissent parce qu’on ne sait pas très bien ce qui va se passer à court terme mais il y a une incertitude de moyen terme. Les semis ne sont pas fait en Ukraine, peut-être que les producteurs ukrainiens ne pourront pas faire leur travail, peut-être que dans les prochaines semaines ce n’est pas juste la récolte qui doit être exportée qui va être questionnée cela va être la capacité de produire en Ukraine dans les prochaines semaines et de récolter dans les prochains mois et donc d’avoir des volumes disponibles à l’export. Peut-être que l’origine ukrainienne ne sera pas présente dans l’année commerciale 2022-2023 ou peut-être qu’elle sera présente mais avec une origine russe si la Russie fait main basse sur la production ukrainienne.