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Marine Tondelier a-t-elle raison quand elle affirme que le « vrai » prix d’une salade conventionnelle serait de 17 euros contre 1 euro pour une salade bio ?

Dans l’émission « Politiques, à table ! » diffusée le 2 juin sur LCP, Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Écologie Les Verts (EELV), explique qu’alors qu’une salade bio coûte en moyenne 1euro, le prix réel d’une salade conventionnelle se situe « entre 17 et 27 euros » en raison des « externalités négatives ». Interpellée sur Twitter à propos de la source de ces chiffres, Marine Tondelier a affirmé qu’ils provenaient de la Cour des comptes et qu’ils dataient de 2020.

Première erreur ! Cette estimation ne provient pas de la Cour des comptes, mais a été calculée par l’un de ses collègues, l’eurodéputé EÉLV Benoît Biteau, qui la cite dans son livre Paysan résistant ! publié en 2018 (Fayard). Et comme on s’en douterait, ce chiffre est farfelu. Comment donc Benoît Biteau est-il arrivé à cette estimation ? Celle-ci serait due au coût du traitement et des investissements nécessaires pour obtenir une eau de qualité. Il explique ainsi que, afin d’améliorer la qualité de l’eau, la ville de Munich a décidé en 1991 de verser des aides pour la conversion au bio, plutôt que d’engager des investissements dans une usine de potabilisation. Il en vient ensuite aux coûts : « Vingt-cinq ans plus tard, le poids économique de ces aides à l’agriculture biologique permettant d’obtenir une eau d’excellente qualité est de 1 centime par mètre cube d’eau distribué, supporté par la facture d’eau des Munichois. Pour comparaison, le traitement et l’investissement dans une usine de potabilisation d’une eau ayant les caractéristiques de celle de Munich en 1991 coûte aujourd’hui en Europe entre 17 et 27 centimes d’euro par mètre cube, facturé aux usagers de l’eau. » Et de conclure : « C’est donc dix-sept à vingt-sept fois plus cher de continuer à supporter des logiques curatives que de s’engager dans des démarches préventives. »

Comme le traitement de l’eau est 17 à 27 fois plus cher que les aides au bio, Biteau (et Marine Tondelier dans la foulée) en déduisent – à tort – qu’une salade conventionnelle coûte 17 à 27 fois plus cher qu’une salade bio ! Et c’est là que survient l’autre grossière erreur. Ce n’est pas parce que l’eau coûterait 17 à 27 fois plus cher que, automatiquement, le prix de la salade conventionnelle augmenterait du même facteur. Par exemple, dans une baguette, la farine représente 5 % du prix total. Si le prix de la farine devait être multiplié par dix, il est évident que le prix de la baguette ne serait pas multiplié par dix. Or, dans le prix de vente d’une salade, le coût de l’eau est tout à fait marginal. Pour incorporer cette externalité négative dans le prix d’une salade conventionnelle, Biteau aurait d’abord dû calculer le surcoût par rapport au prix de base de l’eau, ce dernier étant en moyenne de 4 euros le mètre cube. Donc pour le surcoût de 17 centimes, cela donne une hausse de 4% sur la facture totale d’eau. Ensuite, il aurait dû augmenter de 4% le coût total de l’eau utilisée pour cette salade.

En revanche, il est vrai qu’il existe un surcoût pour la consommation d’eau des ménages en raison des coûts de dépollution. Mais là encore, les chiffres de Benoît Biteau et Marine Tondelier sont loin de la réalité. En 2011, le Commissariat général au développement durable (CGDD) avait publié un rapport concernant justement les coûts des principales pollutions agricoles de l’eau. Il évoquait notamment l’exemple de Munich cher à Biteau, en citant un rapport de la Cour des comptes de février 2010, selon lequel « le coût du programme de la ville de Munich renchérit le prix de l’eau de 0,087 centimes/m3, alors que le coût de dénitrification d’une eau de plus de 50 mg/l y est de l’ordre de 0,23 euros/m3. Le coût du traitement est donc 2,5 fois plus élevé que celui de la prévention ». Et non pas 17 ou 27 fois plus élevé.

Dans le cas de la France, le CGDD note que ces pollutions agricoles « se concentrent fréquemment sur les mêmes localités et familles dont les captages sont simultanément touchés par nitrates et pesticides » et que cela concerne « 8 à 12 % des ménages », et non l’ensemble de la population.

Pour ces régions, le CGDD estime que les surcoûts du traitement collectif de l’eau du robinet correspondent à un montant de 97 euros par an pour un ménage. Ce qui correspondrait au total à l’externalité négative de toute l’agriculture conventionnelle en termes de traitement de l’eau dans les localités les plus polluées.

Bref, Tondelier nous raconte des salades…

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